Certes, les chiffres sont en-dessous des records de 2020 ou de 2005. Mais avec 5 ouragans majeurs, dont 2 de catégorie 5 sur l’échelle de Saffir-Simpson, la saison 2024 s’est avérée particulièrement active. Une forte mousson africaine et des températures relativement élevées à la surface de l’océan (voir ci-dessous) ont largement contribué au phénomène. Les premières manifestations d’un épisode de type la Niña sur la Pacifique équatorial ont également joué un rôle.
Record de précocité pour un ouragan de catégorie 5 en juillet
Alberto, la première tempête tropicale de la saison ne s'est formée que le 19 juin mais les évènements ont pris une tournure particulière à la fin du mois avec la formation de l’ouragan Beryl au large des îles du Cap Vert.
Le 2 juillet, les observations effectuées depuis un avion ont permis de classer Beryl en catégorie 5 sur l’échelle des ouragans avec des vents soutenus de 260 km/h et une pression centrale de 938 hPa, près de la Jamaïque, ce qui constitue un record de précocité pour un ouragan de cette catégorie.
Le reste du mois, l’activité cyclonique s’est considérablement réduite, en raison de la présence d’une couche d’air saharien sur une grande de L’Atlantique. Mais elle a repris de plus belle début août avec le passage de l’ouragan Debby sur le golfe du Mexique. Classé en catégorie 1 avant de toucher les terres en Floride et en Caroline du Sud, le cyclone a provoqué des inondations jusqu’au Sud du Québec.
Forte activité à partir de la mi-septembre
Après le passage à la mi-août de l’ouragan Ernesto, classé en catégorie 2, sur les Petites Antilles, Porto Rico et les Bernudes, une accalmie inhabituelle s’est produite pendant près de trois semaines. L'activité a repris le 9 septembre avec l’arrivée de l’ouragan Francine. La situation est même devenue explosive à la fin du mois:
L’ouragan Helene s’est tout d’abord abattu sur la Floride le 27 septembre. Classé en catégorie 4 sur l'échelle de Saffir-Sipmson, il s’est accompagné de vents à près de 225 km/h et de précipitations particulièrement intenses, faisant de lourds dégâts sur tout le Sud-est des États-Unis
Selon les derniers bilans, au moins 232 personnes ont perdu la vie sur l'ensemble des États-Unis. Près de 600 personnes ont également été portées disparues. Il s'agit du second ouragan le plus meurtrier des 50 dernières années aux États-Unis. Seul l’ouragan Katrina en 2005 a fait plus de victimes. Le bilan matériel estimé par l’organisme Core Logic est estimé à plus de 47 milliards de dollars. Plus de 4 millions de foyers ont été privés d’électricité
Les ouragans Isaac, Leslie et Kirk, classé en catégorie 4, ont ensuite circulé sur l’Atlantique, sans toucher les terres. Puis est venu Milton : classé en catégorie 5, puis en catégorie 3 avant de s’abattre sur la Floride le 10 octobre, il s’est accompagné de vents à près de 285 km/h avec un centre estimé à 897 hPa. Il a fait 2 victimes au Mexique et 24 en Floride.
Toujours en octobre, Oscar bat le record du plus petit cyclone avec un rayon de 10 km pour la zone affectée par des vents d'ouragan. La fin de la saison a quant à elle été marquée par le passage de l’ouragan Rafael sur l’Ouest de Cuba et classé en catégorie 3, puis par la tempête tropicale Sara, qui s’est accompagnée de fortes pluies au Honduras et au Belize.
Au final, la saison 2024 a été marquée par 18 tempêtes nommées (vents de 64 km/h ou plus). Onze d'entre elles ont atteint le stade d’ouragans (vents de 119 km/h ou plus), dont 5 sous forme majeure (vents de 178 km/h ou plus). Pour rappel, une saison moyenne produit 14 tempêtes nommées, sept ouragans, dont trois majeurs.
Sur l'ensemble des évènements, le bilan est particulièrement lourd, avec près de 400 victimes et près de 152 milliards de dégâts.
Des progrès dans des prévisions
Le bilan de la saison est particulièrement lourd mais les scores enregistrés dans le domaine des prévisions sont encourageants:
Au chapitre des projections tout d’abord, la fourchette donnée en début d’année s’est avérée assez judicieuse, avec 17 à 25 tempêtes tropicales prévues, dont 8 à 13 ouragans. Le nombre d’ouragans majeurs, estimé entre 4 et 7, a également été proche de la réalité.
Dans le suivi des évènements, de bons scores ont été réalisé dans la prévision des trajectoires et de la force des vents. Les prévisionistes du National Hurricane Center de Miami ont par exemple prévu le potentiel d’ouragan majeur pour l’ouragan Milton, 4 jours avant qu’il ne touche les terres, en Floride.
Selon la National Oceanic and Atmospheric Admistration, ces progrès sont dûs à l’amélioration des modèles numériques mais également à une intensification des mesures. Les avions du National Hurricane Center ont effectué 392 heures de missions tout au long de la saison, pour recueillir des données essentielles, passant plus 80 fois dans l’œil des ouragans.
De nouveaux instruments ont également été utilisés (voir ci-dessus), comme les drones de Black Swift Technologies, capables de circuler dans des zones inaccessibles aux avions, ou les petite sondes Skyfora. Ne pesant que 14 grammes, ces dernières étaient lâchées depuis des chasseurs d’ouragans de type P-3 et se dirigeaient vers la mer à une vitesse de 5 m/s. Ce taux de descente assez bas permettait d’enregistrer un plus grand volume d’informations pendant leur vol.
Des outils complémentaires comme des planeurs océaniques et des drones marins, capables de résister aux tempêtes les plus fortes à la surface de l’océan, ont également été mis en service. Ce qui en dit long sur les moyens mis en oeuvre.
Philippe Jeanneret