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La ville d’Alameda en Californie s’oppose à un projet de géo-ingénierie

Essais de pulvérisation de particules de sel marin dans l'air, depuis le pont du USS Hornet [CARRE/Université de Washington]
Essais de pulvérisation de particules de sel marin dans l'air, depuis le pont du USS Hornet - [CARRE/Université de Washington]
Après un long débat, le conseil municipal de la ville d'Alameda en Californie a décidé d'interrompre une étude sur la réflectivité des nuages menée par des chercheurs l’Université de Washington. L’expérience s’inscrivait dans le cadre controversé des projets de géo-ingénierie visant à réduire les effets des émissions de gaz à effet de serre par le contrôle de la couverture nuageuse. 

La banlieue résidentielle d’Alameda compte 78 000 habitants. Située sur une île de 58 km² près de San Francisco, elle est connue pour son ancienne base aéronavale où se trouve le USS Hornet, un porte-avion converti en Musée de la Marine et de l’Espace. Début avril, la ville a découvert dans un article du New-York Times qu'elle abritait bien malgré elle une expérience de géo-ingénierie.

Une équipe de chercheurs de l’Université de Washington avait installé sur le pont du USS Hornet un appareillage permettant de pulvériser de petites particules de sel marin dans l'air, pour rendre les nuages plus brillants et mieux réfléchir la lumière solaire. Seuls les visiteurs du Musée recevaient des informations sur la nature du projet.

Nommé Coastal Atmospheric Aerosol Research and Engagement facility (CAARE), le projet avait pour but de définir les impacts de la réduction du réchauffement climatique par l’augmentation de la réflexion des nuages marins. Selon l'association Friends of the Earth, destinée à la protection des Hommes et de l'environnement, il s'agissait du premier projet en plein air du genre aux Etats-Unis. Il était financé par les fonds privés de l’association SilverLining.

Le porte-avion USS Hornet, aujourd'hui converti en Musée de l'Océan et de l'Espace [USS Hornet/Wikipedia - Sanfranman59]
Le porte-avion USS Hornet, aujourd'hui converti en Musée de l'Océan et de l'Espace [USS Hornet/Wikipedia - Sanfranman59]

La municipalité d’Alameda avait interrompu dans un premier temps l’expérience pour des raisons de sécurité. Au terme d'un long débat mené entre le 4 et le 5 juin derniers et après avoir entendu les points de vue des différentes parties, le conseil municipal de la ville a finalement décidé de mettre un terme à l’expérience. La décision est liée en grande partie au silence des chercheurs et au manque de transparence du projet.

Vue aérienne de l'île d'Alameda avec San Francisco en arrière-plan [Wikipedia - Sanfranman59]
Vue aérienne de l'île d'Alameda avec San Francisco en arrière-plan [Wikipedia - Sanfranman59]

Nikki Reich, directrice du programme sur le climat et l'énergie au Center for International Environmental Law a exprimé sa satisfaction à l’issue des débats. « La géo-ingénierie implique la manipulation des systèmes de la Terre au niveau régional ou planétaire pour avoir un impact sur le climat mondial. Ces effets ne peuvent être ni testés à grande échelle ni annulés une fois déclenchés, ce qui rend des expériences comme celle-ci inutiles ou nécessairement incontrôlées. »

De son côté, Sarah Doherty, responsable de l’équipe de recherche de l’Université de Washington a fait part de sa déception. Elle a indiqué qu’elle chercherait d’autres sites pour poursuivre ses recherches. 

Projet controversé de réduction du réchauffement climatique par le contrôle des nuages.

L’idée de réduire le réchauffement climatique par le contrôle de la couverture nuageuse est séduisante mais elle présente beaucoup des risques. Une étude publiée dans la revue Nature en 2017 montre que des émissions massives d’aérosols dans la stratosphère pourraient à terme bouleverser les équilibres dans la circulation générale des courants, notamment le régime des pluies : certaines régions du globe pourraient de ce fait connaître des inondations, d’autres des sécheresses.

Plus grave, si les émissions d’aérosols cessent au bout de quelques années alors que les concentrations de gaz à effet de serre continuent d’augmenter, la hausse de la température terrestre sera encore plus violente. D'où une levée de boucliers de la part de nombreux scientifiques.

Pour lever les doutes et les incertitudes, le Congrès américain a demandé en 2020 à la NOAA de lancer un programme de recherche pluriannuel pour « étudier les activités naturelles et humaines qui pourraient modifier la réflectivité de la stratosphère et leur impact potentiel sur le système climatique de la Terre ». A ce jour, les conclusions n’ont pas encore été livrées

Philippe Jeanneret

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