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Les odeurs de cuisine dans la rue sont-elles révélatrices de la qualité de l’air ?

Unité mobile de mesure utilisée par l'équipe de la NOAA pour effectuer des mesures de la qualité de l'air à Las Vegas. [NOAA - Carsten]
Unité mobile de mesure utilisée par l'équipe de la NOAA pour effectuer des mesures de la qualité de l'air à Las Vegas. - [NOAA - Carsten]
Une nouvelle étude publiée par une équipe de chercheurs de la NOAA américaine révèle que les polluants atmosphériques émis par la cuisson peuvent représenter près d'un quart des composés organiques volatils d'origine humaine dans les zones urbaines.  Les analyses s'appuient sur des mesures effectuées à Las Vegas, où le nombre de restaurants par habitants est l'un des plus élevés des Etats-Unis.

Les composés organiques volatils (COV) constituent une famille très large de produits comme le benzène ou l’acétone, qui se trouvent à l’état de gaz ou s’évaporent facilement dans des conditions classiques de température et de pression lors de leur utilisation.

Ils peuvent provoquer des irritations, une diminution de la capacité respiratoire et des nuisances olfactives. Certains, comme le benzène, sont même considérés comme cancérogènes (benzène, benzo-(a)pyrène). Ils contribuent également aux taux d’ozone et de particules fines dans l’atmosphère.

Au niveau planétaire, le 90 % des émissions de COV provient de sources naturelles, notamment de plantes et de zones géologiques contenant du charbon ou du gaz. Les 10% restants sont liés aux activités humaines.  Les estimations faites jusqu'à présent portaient à croire que la cuisson des aliments ne représentait que le 1% des émissions urbaines de COV mais selon une étude publiée récemment dans la revue Atmospheric Chemistry & Physics, le chiffre est beaucoup plus élevé dans les grandes agglomérations.

Des chercheurs du NOAA Chemical Sciences Laboratory, du CIRES, de l'Université de Californie à Berkeley et du California Institute of Technology ont effectué des mesures à Los Angeles et Las Vegas pour évaluer la qualité de l'air, pendant l'été 2021.

The Strip, artère principale de Las Vegas [Wikipedia - Dietmar Rabich,]
The Strip, artère principale de Las Vegas [Wikipedia - Dietmar Rabich,]

La ville le Las Vegas a été choisie en raison de son nombre particulièrement élevé de restaurants, 666 pour 100'000 habitants. A titre de comparaison, Genève compte 1644 restaurants pour 524'000 habitants, soit environ 318 restaurants pour 100'000 habitants.

Pendant plusieurs semaines, les scientifiques ont utilisé un laboratoire mobile pour prendre des mesures dans les rues de Las Vegas et dans les zones environnantes, afin de cartographier la qualité de l'air. Ils se sont notamment concentrés sur "The Strip", axe principal de la ville.

Les mesures montrent dans le centre-ville de Las Vegas que le 50 % des émissions de COV causées par l'homme provient de produits chimiques volatils, comme les déodorants, les spray anti-insectes, le shampooing et les revitalisants capillaires, et que la moitié restante est répartie presque également entre les émissions de cuisson et la circulation des véhicules.

En affinant les analyses, l’équipe a ainsi découvert qu’en moyenne 21% des COV d’origine humaine, présents dans l’air de Las Vegas, provenaient des activités culinaires. Selon l'heure de la journée, les taux oscillent entre 10% et 30%. « Cela conforte l’idée que lorsqu’une odeur est perçue, il y a de fortes chances que cela ait un impact sur la qualité de l'air » explique Matthew Coggon, chimiste de recherche Laboratoire de sciences chimiques (CSL) de la NOAA et principal auteur de l'étude.

Reste à savoir quelles quantités d'ozone ou de PM2,5 peuvent être attribuées à ce type d’émissions. Les chercheurs de la NOAA ne donnent pas de réponse mais la mise au point de modèles de qualité de l'air plus complet et précis, dans un proche avenir, devrait permettre de combler cette lacune.

Philippe Jeanneret, avec le concours de la NOAA

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