Les émissions de gaz à effet de serre ont beaucoup influencé la température mondiale en 2023, année la plus chaude sur Terre depuis le début des mesures et qui a été marquée d’une hausse de 0.25°C par rapport à l’année précédente. Mais ce facteur ne saurait expliquer à lui seul l’ampleur du phénomène.
Dans un article publié en septembre 2023, James Hansen, ancien climatologue en chef de la Nasa et Professeur à l’Université Columbia de New-York, avait émis l’hypothèse selon laquelle la nouvelle réglementation de l’Organisation Maritime internationale, entrée en vigueur en 2015 et visant à réduire les émissions de sulfates des navires, aurait joué un rôle important.
La baisse des émissions de sulfates aurait en effet entraîné une diminution de la couverture nuageuse sur le Pacifique-Nord et sur l’Atlantique Nord et provoqué indirectement une baisse de la quantité de lumière réfléchie au sommet des nuages (voir ci-dessus) . D’où de plus grandes quantités d’énergie absorbées sous forme de chaleur au niveau des sols et des océans.
D’autres scientifique, comme Gavin Schmidt, directeur du Goddard Institute for Space Studies de la NASA, avait de leur côté émis l’hypothèse que la hausse des températures pouvait résulter d’un rouage climatique méconnu.
Mais selon Shiv Priyam Raghuraman, climatologue à l’université de l’Illinois à Urbana-Champaign et coauteur d’une étude publiée la semaine passée dans Atmospheric Chemistry and Physics, le phénomène s’explique avant tout par la combinaison d’un épisode La Niña s’étalant sur plus de trois et l’avènement d’un fort épisode El Niño.
Hausses de températures similaires observées dans le passé
L’équipe de chercheurs a compilé toutes les archives disponibles sur les épisodes de type El Niño ou La Niña du passé. Elle a également passé en revue les modèles climatiques globaux simulant les variations de températures dans un état stable, non perturbé par l'activité humaine. Soit un total de 58 021 années de simulations. Elle a ensuite cherché à déterminer la fréquence des pics de température supérieurs à 0,25 °C, similaires à 2023.
Les résultats des analyses montrent que de tels pics sont assez rares, ne se produisant que dans le 1,6% des cas, et qu’ils surviennent presque toujours pendant un épisode El Niño. Lorsqu’un long épisode La Niña précède l’évènement, la probabilité d’un pic de forte ampleur passe à 10,3%, le dernier exemple datant de 1976-1977.
Ce constat ne remet pas en cause l’idée que les activités humaines jouent un rôle primordial dans l’évolution des températures, observés ces dernières décennies, mais il montre à quel point les épisodes de type El Niño peuvent amplifier les pics de chaleurs. Surtout lorsqu’ils surviennent après un long épisode de type la Niña.
Ces résultats concordent avec ceux d’une autre étude publiée en août dans Communications Earth & Environment et qui avait pour objet de comparer la hausse des températures à la surface de la mer en 2023 avec celle des autres épisodes El Niño du passé récent. « Si le réchauffement climatique s’accélérait, la hausse se ferait également sentir dans les océans. Or, si les océans ont été anormalement chauds en 2023, les valeurs n’ont été que légèrement supérieures à ce qui a été observé pendant l’épisode El Niño de 2015 et 2016 », explique Marianne Tronstad Lund, co-auteure de l’étude et directrice de recherche au Centre norvégien de recherche internationale sur le climat et l’environnement. « De ce point de vue, nous ne trouvons aucun signe d’accélération rapide ».
Parallèlement, plusieurs études ont conforté l’idée selon laquelle la baisse de pollution en Chine et la réduction des émissions de sulfates dans le trafic maritime n’ont contribué que dans une faible mesure à la hausse des températures observée en 2023. Selon une équipe de chercheurs de l’Université d’Edimburgh, la baisse de la pollution ne devrait entraîner une augmentation des températures mondiales de 0,03 °C au cours des 20 prochaines années (vous trouverez leur étude en cliquant sur ce lien).
Ces différentes conclusions ne font cependant pas l’unanimité : il faudra probablement attendre encore quelques mois ou quelques années pour connaître le réel impact de la baisse de la pollution atmosphérique sur la température mondiale.
Philippe Jeanneret