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Retour probable de la Niña entre l’été et l’automne

Circulation générale des courants pendant un épisode de type la Niña [NASA/BOM]
Circulation générale des courants pendant un épisode de type la Niña - [NASA/BOM]
Au terme d’un épisode El Niño qualifié de fort, les conditions devraient revenir à la normale ces prochaines semaines sur le Pacifique équatorial. Mais la Niña devrait rapidement prendre le relais, ce qui aura un impact sur de nombreuses régions du monde. Selon les spécialistes du Climate Prediction Center, la probabilité qu’un tel évènement se produise entre juin et août est de 62%. 

Les relevés de température à la surface de l’océan attestent encore de la présence de conditions de type El Niño sur le Pacifique équatorial en ce mois de mars. Mais les anomalies sont désormais inférieures aux 2.0°C constatés entre novembre 2023 et janvier 2024, au plus fort de l’évènement. La baisse des températures a même dépassé les 2°C en un mois au large des côtes d’Amérique latine (voir ci-dessous).

A gauche, anomalies de températures à la surface des océans entre le 11 février et le 9 mars 2024. A droite variations de températures entre le 7 février et le 6 mars 2024. [NOAA/NCEP/Wikicommons]
A gauche, anomalies de températures à la surface des océans entre le 11 février et le 9 mars 2024. A droite variations de températures entre le 7 février et le 6 mars 2024. [NOAA/NCEP/Wikicommons]

Cette baisse touche également les couches plus profondes de l’océan, jusqu’à 300 mètres, ce qui conforte l’idée que l’épisode El Niño en cours est en train de se terminer.

Selon le Climate Prediction Center américain, les conditions devraient revenir à la normale autour du Pacifique entre avril et juin. Cette prévision est confortée par le fait que les épisodes forts d’El Niño perdent toujours de leur intensité à la fin de l’hiver et que le retour à la normale s’opère généralement au printemps (voir graphique ci-dessus). La probabilité qu’un tel évènement se produise est de 83%.

Evolution des anomalies de températures à la surface du Pacifique. Comparaison de l'épisode actuel avec les précédents. [NOAA/NCEP/Wikicommons]
Evolution des anomalies de températures à la surface du Pacifique. Comparaison de l'épisode actuel avec les précédents. [NOAA/NCEP/Wikicommons]

Le retour à des conditions neutres sur le Pacifique équatorial devrait cependant être de courte durée: les projections du Climate Prediction Center montrent qu’un épisode de type la Niña pourrait déjà commencer entre l’été et l’automne. La probabilité qu’un tel scénario se produise entre juin et août est de 62%. Elle passe à plus de 70% pour la période de juillet à septembre.

Probabilités d'avènement d'épisode de type El Niño, la Niña ou de conditions neutres d'ici à la fin de l'année. [NOAA/NCEP/NASA]
Probabilités d'avènement d'épisode de type El Niño, la Niña ou de conditions neutres d'ici à la fin de l'année. [NOAA/NCEP/NASA]

L’analyse des évènements du passé conforte encore une fois cette idée : l’avènement d’un épisode la Niña juste après un fort épisode El Niño s’est produit 5 fois sur 8 depuis 1950. Le phénomène s’explique par le fait que le retour à l’équilibre après un épisode El Niño se manifeste par un mécanisme de compensation, sous forme de conditions neutres amplifiées (pour en savoir plus, cliquez sur ce lien).

Impact sur de nombreuses régions du monde

La Niña se manifeste généralement par une baisse de la température à la surface de l’océan près des côtes d’Amérique latine et parallèlement par une hausse près des côtes australiennes et indonésiennes, ce qui se traduit par une des conditions plus humides que la normale au-dessus de ces régions pendant l'hiver boréal.

De son côté, la mousson devrait prendre une ampleur particulière sur l’Inde et la Chine pendant les épisodes de ce type. Même constat pour l’activité cyclonique sur l’Océan Indien de janvier à mars (voir ci-dessous).

Impacts des épisodes de type la Niña autour du globe. [NOAA/Wikicommons]
Impacts des épisodes de type la Niña autour du globe. [NOAA/Wikicommons]

La Niña devrait également générer des conditions atmosphériques favorables à la formation et au maintien des ouragans sur l’Atlantique équatorial. Compte tenu des températures mesurées actuellement à la surface de l’océan sur cette partie du globe, la saison à venir pourrait être particulièrement active.

A noter que l’Europe n’est concernée par la Niña que dans une moindre mesure, en raison de son éloignement avec le Pacifique, où se trouvent les principaux centres d'action. D'autres facteurs jouent un rôle prépondérant, comme le comportement du vortex polaire pendant l'hiver où les températures à la surface de l’Atlantique-Nord.

Dans certains cas, La Niña peut donner lieu à des hivers précoces et rigoureux mais ce n'est pas systématique. Au chapitre des précipitations, la relation avec les conditions européennes est encore plus ténue.

Impact probablement limité sur la température mondiale

Lors des épisodes de type la Niña, la présence d’eaux relativement froides à la surface du Pacifique central tire généralement la température mondiale vers le bas, à l’instar des évènements de février 2008 et 2011, marqués par une moyenne légèrement inférieure à la norme.

Les observations faites pendant le dernier épisode - qui s’est déroulé entre 2020 et 2023 - montrent cependant que le phénomène a perdu de son ampleur. Certes la Niña a tiré la température mondiale vers le bas, mais au final cette dernière est restée légèrement au-dessus de la norme. Le phénomène s’explique par son intensité – moins marquée que pendant l’épisode précédent – mais également par le réchauffement climatique.

Philippe Jeanneret avec le concours de la NOAA et de l’OMM

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