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Vague de chaleur au Maroc en plein mois de février

Répartition des températures et allure générale des courants le 14 février 2024 [Wetterzentrale/NOAA/Wikipedia - Pierre Haut]
Diapositive1.JPG - [Wetterzentrale/NOAA/Wikipedia - Pierre Haut]
Le Maroc subit une vague de chaleur exceptionnelle depuis le début de l’année. En lieu et place des 18°C à 20°C habituels, les maxima ont dépassé les 36 degrés par endroits. La situation s’explique en grande partie par la forme des trains de dépressions sur le Proche-Atlantique.

Le Maroc subit, en plein mois de février, des chaleurs exceptionnelles. Selon les données de la Direction Nationale de la Météorologie, les températures ont atteint mercredi 14 février 36,6 °C à Tan-Tan, dans le sud du pays, 36,4 °C à Essaouira, 36 °C à Agadir, 34,8 °C à Casablanca et 33,9 °C à Rabat. « À minuit, il faisait encore 30.5 °C à Sidi Ifni »,  a écrit l’agroclimatologue Serge Zaka sur X (ex-Twitter). En temps normal, les maxima atteignent les 17°C à 18°C à Casablanca, voire 20°C à 22°C à Agadir pendant les mois de janvier et février.

>> Relevés de températures au Maroc, le 14 février 2024 sur le site de Keraunos. : Relevés de températures au Maroc, le 14 février 2024 sur le site de Keraunos. [Keraunos.org]
Relevés de températures au Maroc, le 14 février 2024 sur le site de Keraunos. [Keraunos.org]

Ces valeurs constituent un record pour un mois d’hiver, selon l’observatoire français Keraunos. Le phénomène s’explique par la présence d’un couloir dépressionnaire accompagné d’un fort creusement au sud sur le Proche-Atlantique, ce qui fait remonter de l’air tropical sur le Maroc (voir ci-dessous). Le précédent record datait de 1960 avec 36,3 °C dans la ville de Nouaceur.

>> A gauche, répartition des températures et allure générale des courants le 14 février 2024. A droite, image satellite : A gauche, répartition des températures et allure générale des courants le 14 février 2024. A droite, image satellite [Wetterzentrale.de/NOAA/Eumetsat/Wikipedia - Charaf7]
A gauche, répartition des températures et allure générale des courants le 14 février 2024. A droite, image satellite [Wetterzentrale.de/NOAA/Eumetsat/Wikipedia - Charaf7]

Phénomène en lien avec l'affaiblissement du jet stream

La présence d'un couloir dépressionnaire accompagné du fort creusement s'inscrit dans un contexte global de réchauffement des pôles et d'affaiblissement du jet stream.

Le pôle Nord s’est beaucoup réchauffé ces dernières décennies, plus que le reste du globe (voir ci-dessous). Selon une étude menée par une équipe de la Pennsylvania State University en 2022, les écarts thermiques entre les zones polaires et subtropicales ont de ce fait diminué au fil des ans, ce qui a impacté le comportement du jet stream.

>> Températures moyennes de l'air en surface de 2011 à 2020 par rapport à une moyenne de référence de 1951 à 1980 : Températures moyennes de l'air en surface de 2011 à 2020 par rapport à une moyenne de référence de 1951 à 1980 [RTS/NASA - Nicole Baumann]
Températures moyennes de l'air en surface de 2011 à 2020 par rapport à une moyenne de référence de 1951 à 1980 [RTS/NASA - Nicole Baumann]

Les analyses montrent que les oscillations du jet stream ont tendance à devenir de plus en plus pointues, avec une plus amplitude Nord-Sud plus marquée (voir ci-dessous). Ce dernier ne circule plus de manière aussi fluide qu'avant. Il se déforme également de plus en plus, ce qui favorise l’apparition de méandres, expliquent les scientifiques. Les résultats de leurs recherches ont été publiés dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences.

>> Ondulation moyenne du jet stream en décembre 2021 (à gauche), comparée à la moyenne 1981-2010 : Ondulation moyenne du jet stream en décembre 2021 (à gauche), comparée à la moyenne 1981-2010 [RTS/Pennsylvania State University - Denise Amacher]
Ondulation moyenne du jet stream en décembre 2021 (à gauche), comparée à la moyenne 1981-2010 [RTS/Pennsylvania State University - Denise Amacher]

Les évènements de ce mois de février illustrent cette tendance. Ils montrent également leur potentiel à générer des conditions extrêmes. L'étude ne permet pas de dire de manière précise quelles seront la fréquence et l'intensité de ce genre de situations à l'avenir. Elle montre en revanche que l'affaiblissement du jet stream leur sera plus favorable.

Philippe Jeanneret

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