Un coup de froid assez marqué mais pas vraiment de lien avec le vortex polaire
Tout a commencé pendant la journée de samedi avec le retour des hautes pressions. Placée sur leur flanc droit, la Suisse s’est trouvée sous un courant de Nord-est, synonyme de bise sur le Plateau. Bien établi au sol et en altitude, ce dernier a permis à de l’air polaire de passer de la Scandinavie jusqu’aux Alpes (voir ci-dessous).
En un peu plus de 24 heures, la température a chuté d’une dizaine de degrés à la Dôle, passant de -0.8°C à -10.4°C. En plaine, la baisse a été moins marquée mais le phénomène était bien perceptible, comme à Nyon, où les températures ont passé de +3.8°C à -1.1°C. Des valeurs qui tranchent avec les 10°C à 12°C enregistrés quelques jours plus tôt, entre le 6 et le 8 janvier.
La présence d’une forte bise entre Morges et Genève - avec des pointes à plus de 60 km/h - a également renforcé la sensation de froid. En tenant compte d’une température sous abri de 0°C et un vent de 40 km/h, l’indice de refroidissement éolien est aujourd’hui de -7°C . Il passe à -9°C avec un vent de 60 km/h. (voir tableau ci-dessous).
Toute spectaculaire qu’elle soit, cette baisse n’a cependant pas la même ampleur que celle observée pendant les vagues d’air froid de 2012 et de 2018. A titre de comparaison, il faisait entre -16°C et -20°C vers 1500m en février 2012. De leur côté, les stations de plaine enregistraient des valeurs comprises entre -6°C et -9°C.
Situation déterminée par les fluctuations du jetstream au-dessus de l’Europe
Ce changement de températures s’explique en grande par le caractère erratique du jet-stream au-dessus de l’Europe. Contrairement à d’autres régions du globe comme l’Asie ou le continent américain, où les flux sont assez rectilignes et stables depuis plusieurs semaines, la situation est assez chaotique entre le Proche-Atlantique et l’Oural (voir ci-dessous).
Le jet-stream prend la forme de branches, qui changeant constamment de position. Les courants ont ainsi pris une orientation au Sud-ouest la semaine passée, ce qui a déplacé de l’air océanique relativement doux vers la Suisse. Profitant d’une hausse de pressions sur les îles britannique, ils ont ensuite pivoté au Nord et enfin au Nord-est entre samedi et dimanche. D’où l’apparition de la bise et la baisse des températures.
Pas de lien direct avec le vortex polaire
Les réchauffements stratosphériques polaires sont souvent propices à la formation d’un jet-stream avec une orientation au Nord-est au-dessus de l’Europe (vous trouverez de plus amples explications sur le phénomène en cliquant sur ce lien) mais tel n’est pas vraiment le cas en l’espèce.
En y regardant de plus près, une hausse des températures s’est bien produite il y a quelques jours au niveau de la stratosphère, au-dessus de l’Asie, le vortex a également eu tendance à s’étirer. Mais il ne s’agissait pas de réchauffement stratosphérique polaire à proprement parler. De fait, un noyau froid s’est maintenu vers 30 km d’altitude, avec des températures comprises entre -70°C et -80°C.
A noter que la présence d’un vortex étiré ne produit en général pas d’effet sur l’Europe mais il peut avoir de fortes conséquences pour les Etat-Unis et le Canada ou le Nord de l’Asie, où il favorise l’avènement de vagues d’air froid. De fait, les dernières sorties de modèles montrent un refroidissement important sur le Nord du continent américain à partir du 20 janvier (voir ci-dessous).
La bise encore présente ces prochains jours
Le jet-stream devrait garder un caractère assez fluctuant au-dessus de l’Europe ces prochains jours mais les hautes pressions devraient se maintenir au-dessus de la Suisse, avec à la clé un temps assez stable.
Après une légère baisse de régime, la bise devrait reprendre de la vigueur mercredi, ce qui devrait à nouveau renforcer la sensation de froid. Mais les températures auront tendance à remonter au fil des jours (voir diagramme ci-dessous).
La hausse sera assez marquée en altitude, où il pourra à nouveau faire entre 5°C et 6°C vers 1500 m, en fin de semaine. Elle sera un peu plus lente en plaine, où les maximales auront de la peine à passer la barre des 3 à 4 degrés. Cette différence s'explique par le fait qu'en hiver, les lacs d'air froid ont souvent de la peine à s'éliminer des basses couches de l'atmosphère.
Philippe Jeanneret