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La sécheresse aurait précipité la chute de l’empire Hittite il y a plus de trois mille ans

Vestiges de la cité antique d'Hattusa en Anatolie (Turquie) [Broker - Raimund Franken]
Vestiges de la cité antique d'Hattusa en Anatolie (Turquie) - [Broker - Raimund Franken]
Considéré comme l’une des civilisations antiques les plus influentes de Méditerranée orientale, l’Empire Hittite s’est mystérieusement effondré vers 1200 av. J-C. Selon une étude publiée la semaine passée dans la revue Nature, une sécheresse intense pourrait être à l’origine de l’évènement. Elle s’appuie sur l’analyse de cernes de croissance d’arbres anciens.

Basé en Anatolie centrale, région semi-aride de l’actuelle Turquie, l’Empire Hittite a été particulièrement influent en Méditerranée orientale et au Proche-Orient entre 1650 et 1200 av. J-C. À son apogée, il contrôlait, depuis sa capitale Hattusa, le centre, le sud et le sud-est de l'Anatolie, ainsi que le nord du Levant et le nord de la Syrie. Il rivalisait avec l'empire égyptien, ce qui a abouti en 1274 av. J-C. à la bataille de Kadesh en Syrie, contre l’armée de Ramsès II.

Mais vers 1200 av. J-C., la cité d’Hattusa fut abandonnée puis brûlée, l’administration et les traces écrites disparurent, la lignée royale s’éteignit également. Le tout « assez rapidement ».

Principaux sites Hittites [Nature]
Principaux sites Hittites [Nature]

Une étude publiée en 2022 a suggéré que la disparition de l’Empire Hittite était liée à des épidémies et à une augmentation des menaces extérieures. Des hypothèses ont également été émises autour de possibles tremblements de terre. Mais pour Sturt Manning, professeur d'archéologie à Université américaine de Cornell et auteur principal de l'étude, l’évènement s’explique en grande partie par l’avènement de prériodes de sécheresses intenses.

Sécheresse attestée par les cernes de croissance des genévriers

En analysant 23 échantillons de genévrier provenant d’un tombeau royal découvert à Gordion (centre de la Turquie) dans les années 1950, l’équipe de Sturt Manning a pu reconstituer avec précision les conditions climatiques anatoliennes entre 1775 et 748 av. J-C.

Trois années consécutives de croissance anormalement faible ont ainsi été identifiées, suggérant une période de sécheresse prolongée et particulièrement sévère entre 1198 et 1196 avant notre ère, ce qui correspond aux dates de l’effondrement de l’Empire Hittite. Une hypothèse confirmée par l’analyse isotopique, qui permet de déterminer les variations d’humidité d’une époque à l’autre.

Résultats des analyses des bois de genévriers. Le trait gris met en évidence la sécheresse de 1198 à 1196 av. J-C. [AP/Nature - John Biemer]
Résultats des analyses des bois de genévriers. Le trait gris met en évidence la sécheresse de 1198 à 1196 av. J-C. [AP/Nature - John Biemer]

Cette aridité extrême aurait entraîné de longues périodes de pénuries alimentaires, étant donné que les territoires enclavés du royaume hittite central dépendaient de la production céréalière régionale et de l'élevage, particulièrement vulnérables à la sécheresse.

"La population était pourtant habituée à l'absence de précipitations, depuis des siècles. Mais elle n'a pas pu faire face à un changement climatique aussi brutal. Toutes ses stratégies d'adaptation et de résilience aux périodes difficiles, comme le stockage de grains attesté par d'immenses silos, se sont avérées impuissantes", explique encore Sturt Manning.

« Je pense que cette étude montre vraiment les leçons que nous pouvons tirer de l’histoire. Les changements climatiques qui sont susceptibles de se produire pour nous au cours du siècle prochain seront beaucoup plus graves que ceux que les Hittites ont connus », ajoute Jed Sparks, professeur d’écologie et de biologie évolutive à Cornell et co-auteur de l’étude.  "Et cela soulève les questions : Quelle est notre résilience ? Que sommes-nous capables de supporter?"

Philippe Jeanneret, avec le concours de la revue Nature

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