Vortex polaire : et maintenant que va-t-il se passer ?

Contrairement à d'autres évènements de ce genre, le vortex polaire n'a montré des signes de faiblesses que sur le tard cet hiver. Les mois de décembre et de janvier ont été marqués par des températures assez basses au niveau de la stratosphère, de l’ordre de -80°C entre 25 et 30km d’altitude. Cette situation a favorisé un puissant courant d’Ouest avec des vents atteignant près de 300 km/h par endroits (voir ci-dessous).

Parallèlement, le jet-stream s’est bien organisé au niveau de la troposphère (jusqu'à environ 13 km d'altitude), avec une orientation Ouest/Sud-ouest au-dessus de l'Europe. Située sur son flanc droit, la région des Alpes s’est ainsi trouvée dans une masse d’air particulièrement douce. Des températures record ont même été enregistrées à Delémont (JU) avec plus de 19°C. (voir ci-dessous).

Tournant décisif à la mi-février

Le vortex polaire a montré des signes de faiblesse les semaines suivantes par de premières hausses de températures, assez localisées et par des phénomènes d’étirement qui ont permis par moments à de l’air froid de faire des incursions sur le Nord du continent américain ou sur le Nord de l’Europe.

Un tournant décisif a marqué la deuxième semaine de février avec l’avènement d’un réchauffement stratosphérique soudain de grande ampleur. Par endroits, la température est remontée à 0°C entre 25 et 30 km d’altitude, ce qui représente une hausse de 80°C par rapport au 1 janvier (voir ci-dessous).

Parallèlement, la circulation des courants s’est modifiée au niveau de la stratosphère avec affaiblissement du vortex et par un déplacement de ce dernier vers le Sud. A ce stade, le jet-stream a gardé une orientation Ouest/Nord-ouest au-dessus de l’Europe tout en maintenant un afflux d’air relativement doux sur la région des Alpes (voir ci-dessous).

Retour du froid et de la bise en fin de semaine

A l’instar des évènements précédents, la circulation des courants ne devrait être impactée au niveau de la troposphère qu’une dizaine de jours après le réchauffement. Les dernières sorties du modèles GFS américain montrent de fait un net fléchissement du jet-stream entre le 24 et le 25 février. Lequel prendra une orientation Nord puis Nord-est (voir ci-dessous).

Placée sur son flanc gauche, la région des Alpes sera d’abord exposée à un afflux d’air polaire, puis à un afflux d’air continental de plus en plus froid.  Si les modèles voient juste, la baisse des températures devrait être de la dizaine de degrés en 48 heures. Une forte bise devrait également s’installer sur le Plateau.

On note en passant que la présence d’une dépression bien organisée sur la Méditerranée assurera de bonnes quantités de précipitations sur les versants Sud des Alpes. Les versants Nord ne devraient de leur côté recevoir que des quantités faibles à modérées.

Incertitudes sur l’intensité et la durée des évènements

Si le scenario d’un refroidissement accompagné de bise semble probable, la portée et la durée de l’évènement restent à préciser. Exemple parmi d’autre, la prévision d’ensemble du modèle américain GFS montre pour le 27 février une dispersion de température d’environ 10 degrés d’un calcul à l’autre. Même chose pour les vents pendant la journée le 26 février : dans certains cas les rafales ne devraient pas dépasser les 20 km/h, dans d’autres elles pourront atteindre les 90 km/h (voir ci-dessous). La vérité se situera apparemment entre les deux…

Ces louvoiements s’expliquent par la complexité de la situation mais surtout par le fait que les modèles numériques ont de la peine à cerner les interactions entre la stratosphère et la troposphère ; ils ne parviennent à définir les impacts d’un réchauffement stratosphérique soudain qu’au moment où ce dernier atteint la troposphère.

Situation analogue en 2018

A l’image des évènements de cette année, un réchauffement stratosphérique soudain s’est produit à la fin de l'hiver 2017-2018. Certes, en regardant tous les paramètres d’état de l’atmosphère, les conditions n'étaient pas tout à fait les les mêmes. Mais la comparaison ne manque pas d’intérêt:

Le réchauffement s’est produit vers le 11 février avec une bascule des courants d’abord au niveau de ls stratosphère, puis à celui de la troposphère à partir du 24. Exposée à un courant de Nord-est de plus en plus froid, la Suisse s’est trouvée sous un afflux d’air continental de plus en plus froid (voir ci-dessous).

Une première baisse des températures a été enregistrée le 23 février, suivie d’une deuxième assez marquée entre le 27 et le 28. Les deux derniers jours de février se sont accompagnés de températures minimales entre -10 et -13 degrés sur les régions de plaine du Nord des Alpes, selon Météosuisse.

Une couche de neige fraîche a également recouvert le pays le 1 mars, atteignant entre 10 et 15 cm d’épaisseur sur l’Ouest. L’aéroport de Genève-Cointrin a même dû être temporairement fermé.

Malgré une des températures, le reste du mois a été marqué par la persistance de conditions dépressionnaires, avec un temps assez humide sur les régions situées au Nord. Sur l’ensemble du mois, les températures ont accusé un déficit d’environ 1°C par rapport à la norme 1981-2010.

Philippe Jeanneret