La présence d’un anticyclone sur les îles britanniques, de zones dépressionnaires entre l’Est de l’Europe et la Méditerranée, ainsi que l’arrivée d’air polaire par la Scandinavie ont joué un rôle important pendant la journée de dimanche.
>>Lire aussi: Nombreux incidents dus à la tempête de bise, des rafales jusqu'à 100 km/h
Signature classique aux situations de bise tempétueuse, les différences de pressions étaient particulièrement marquées entre Gênes et Amsterdam, dépassant par moments les 30 hectopascals. Même chose sur le Plateau, avec des écarts atteignant jusqu’à 8 hectopascals entre Bâle et Genève (voir ci-dessous).
Le jet-stream était axé au Nord-est au-dessus de la Mer du Nord, ce qui permettait aux vents de garder la même direction sur toute la couche d’atmosphère. Placée sur son flanc gauche, la Suisse était également exposée à un afflux d’air polaire (voir ci-dessous).
Les températures ont chuté assez rapidement : à Genève, la baisse a été d’environ 10 degrés en 24 heures. Même chose à Neuchâtel, Fribourg, Lausanne ou encore à Sion, ce qui montre en passant que l’air froid a réussi à pénétrer jusque dans la vallée du Rhône. On peut parler de concours favorable à tous points de vue.
Vents exceptionnellement forts sur l’Ouest et le long du Jura
Profitant d’un gradient de pressions au sol de plus en plus favorable mais également de l’arrivée d’air plus froid, la bise s’est renforcée dans le courant de la matinée et a gardé toute sa puissance jusqu’en milieu de nuit. Les vents les plus forts en plaine ont été mesurés à Mathod (VD) avec une pointe à 102.6 km/h.
Les rafales ont atteint 100.8 km/h à St-Prex (VD), 100.1 km/h à Nyon-Changins (VD), 98.6 km/h à Genève et à Oron (VD) ou encore 95.8 km/h à Neuchâtel.
Pour la plupart des stations, il s’agit des mesures les plus élevées pour une situation de bises depuis 1981, date à partir de laquelle les mesures de vents sont systématiquement répertoriées par Météosuisse.
En montagne, les vents les plus forts ont été mesurés à la Dôle vers 20h20 avec une rafale à 146 km/h. Une pointe à 109 km/h a également été mesurée à la station des Charbonnières (VD) dans la vallée de Joux.
A noter que les Alpes et les Préalpes étaient en retrait par rapport à la zone de vents forts : les pointes n’ont pas dépassé les 99 km/h au Uetliberg (ZH), 85 km/h au Pilatus (UR) et 79 km/h au Glacier des Diablerets.
Evènement en lien avec le vortex polaire
Pendant la plus grande partie de l’Hiver, le vortex polaire s’est maintenu au-dessus du Pôle-Nord, entre 25 et 30 km d’altitude, avec une circulation d’Ouest bien organisée. Cette situation a favorisé les courants d’Ouest sur les côtes européennes jusqu’à la fin du mois de février. Hormis deux épisodes froids, l’un en décembre l’autre en janvier, les températures ont été relativement douces en Suisse.
Un tournant décisif a marqué la deuxième semaine de février avec l’avènement d’un réchauffement stratosphérique soudain de grande ampleur au-dessus du Pôle-Nord (voir blog du 20 février). Dans un premier temps, la circulation des courants s’est modifiée au niveau de la stratosphère (voir ci-dessus).
Dans un second temps, la circulation des courants s’est également modifiée au niveau de troposphère, ce qui a permis au jet-stream de prendre une orientation au Nord-est en fin de semaine et de favoriser l’avènement d’une situation de bise (voir ci-dessous).
La situation du 25 avril 1972 reste la référence
Des conditions de bise avec des vents à près de 100 km/h sont assez rares en plaine, elles ne se produisent en moyenne que tous les 20 à 30 ans. Selon Marianne Giroud et Isabelle Fath de Météosuisse, l’évènement de dimanche est le plus fort en Suisse depuis 1981, date à partir de laquelle les mesures de vents ont été systématiquement répertoriées.
La chronologie des situations de bise n’est pas très bien connue avant cette date, mais d’autres évènements de la même ampleur, voire plus forts, se sont produits, comme la situation du 25 avril 1972 qui a laissé un certain nombre de traces :
Les systèmes de mesures étaient loin d’être aussi perfectionnés qu’aujourd’hui mais les archives de Météosuisse font état de pointes à près de 130 km/h en plaine et 150 km/h à la Dôle. Chiffre révélateur, le vent moyen à Nyon-Changins (VD) sur 24 heures a été de 80 km/h. A titre de comparaison, il était de 46.7 km/h pendant la journée de dimanche à cette même station !
Vous trouverez plus informations sur cet évènement, notamment des coupures de journaux, en cliquant sur ce lien.
Philippe Jeanneret, avec le concours de Météosuisse