L’épisode de la Nina qui a débuté en septembre 2020 est enfin terminé. Certes, la circulation atmosphérique des courants ne s’est pas complètement rétablie mais les spécialistes de l’OMM et du Climate Prediction Center (CPC) américain sont formels, la plupart des anomalies de températures ont disparu à la surface des eaux du Pacifique central (voir ci-dessous). On peut désormais parler de conditions neutres.
Ce retour à la normale devrait se traduire par une baisse du régime des pluies sur l’Australie, l’Indonésie et le Nord du Brésil, par des hausses de températures sur le Sud-est de l’Afrique, les côtes Atlantiques du Sénégal à la Côte d’Ivoire, le Japon, le Nord-ouest du continent américain mais également par une diminution de l’activité cyclonique sur l’Atlantique équatorial.
Pause printanière avant un retour possible d’El Niño à la fin de l’été
La prévision des épisodes El Niño ou la Niña n’est jamais aisée en période printanière. Les événements de ce type culminent en effet en hiver et ont tendance à se dégrader et à se transformer au printemps, de sorte que les modèles n'ont plus signaux forts pour déterminer des tendances.
Les grands centre de prévisions (ECMWF, DWD, UK Met Office ou Météofrance) s’accordent pour dire que les conditions devraient rester neutres jusqu’à l’été. Pour la suite, l’évolution est incertaine mais un nouvel épisode de type El Niño pourrait débuter à la fin de l’été. De fait, la plupart des sorties de modèles montrent des températures légèrement supérieures à la normale à la surface du Pacifique équatorial entre avril et juin.
Entre juin et août, la hausse devrait se poursuivre, le seuil des +0.5°C pourrait même être dépassé, ce qui marquerait le début d’un épisode de type El Niño. Le graphique ci-dessus est cependant assez parlant, au fur et à mesure que l’échéance augmente, les divergences entre les modèles sont de plus en plus fortes...
Ces hésitations pour la fin du printemps et pour l’été sont également perceptibles sur ce graphique établi par le Climat Prediction Center (CPC). La probabilité d’avènement d’un épisode El Niño est inférieure à 15% entre avril et juin. Elle ne dépasse les 50% qu'à partir de la tranche allant de juillet à septembre.
Une prévision malgré tout assez plausible dans le mesure où depuis 1950, il ne s’est jamais passé plus de quatre années sans qu’un épisode El Niño ne se produise.
Premiers évènements côtiers de type El Niño au large du Pérou
Les dernières mesures de températures à la surface de l’Océan montrent une tache rouge qui se développe au large des côtes du Pérou. L'évènement n'est pas anodin, l’Estudio National del Fenomeno El Niño (ENFEN) a récemment publié un avis sur la question et entrevoit la possibilité d'un El Niño côtier.
Ce genre d’événement peut avoir des conséquences très importantes sur les précipitations au Pérou. Il arrive même parfois qu’il se propage sur le Pacifique central, marquant le début d’un épisode El Niño de grande ampleur. On peut parler de prémisses...
Années chaudes en perspective à l’échelle planétaire
Le retour à des conditions neutres puis de type El Niño ces prochains mois devrait avoir un impact non négligeable sur la température mondiale :
« Même si les huit années qui viennent de s’écouler ont été les plus chaudes sur Terre depuis le début des mesures, la Niña a freiné la hausse des températures mondiales. Si nous entrons maintenant dans une phase El Niño, cela risque de provoquer un nouveau pic des températures mondiales » a récemment déclaré le Secrétaire général de l’OMM, M. Peteri Talaas.
L’année 2016, la plus chaude depuis le début des mesures, coïncide en effet avec l’avènement d’un épisode El Niño. Selon une étude réalisée l’an dernier par le Met Office du Royaume Uni, il existe une probabilité de 93 % qu’au moins une des années d’ici 2026 devienne la plus chaude jamais enregistrée.
Le Hunga Tonga en circonstance aggravante
Les éruptions volcaniques injectent en général dans l’atmosphère du soufre gazeux, qui se condense en aérosols. Ces derniers réfléchissent les rayonnements solaires et peuvent, s’ils sont en quantité suffisante, refroidir le climat mondial. Léruption du Pinatubo en 1991 est l’un des exemples les plus marquants des dernières décennies.
Mais contrairement à la plupart des volcans en activité, le Hunga Tonga est un volcan sous-marin, dont la chambre magmatique ne se trouve qu’à quelques dizaines de mètres de la surface de l’océan. L’explosion qui s’est produite en janvier de l’année passée a projeté d’énormes quantités d’eau mélangées à de la lave dans l’atmosphère.
La présence de grandes quantités d’eau pendant l’éruption Tonga a provoqué la formation d’aérosols plus gros et plus lourds que si l’éruption avait eu lieu en plein air. Ce qui a accéléré leur redescente.
L’énorme quantité de vapeur d'eau qui a été injectée dans l’atmosphère devrait par ailleurs se maintenir plusieurs années en suspension, ce qui devrait accentuer l'effet de serre. Le phénomène pourra également avoir un impact sur la circulation générale des courants ou encore amplifier l’appauvrissement de l’ozone polaire.
On ne dispose de chiffres précis sur l’impact du phénomène mais selon une étude menées par des chercheurs de l'Université de Oxford, la probabilité de franchir la barre des +1,5 °C de réchauffement climatique - défini dans le cadre de la COP21 de Paris – est supérieur à 50% d’ici à 2026.
Philippe Jeanneret, avec le concours de l’OMM et de la NOAA.
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