Les prévisions faites par le Climate Prédiction Center (CPC) il y a un mois portaient à croire que le prochain épisode El Niño ne commencerait pas avant la fin de l’été mais les événements pourraient s’enchaîner plus rapidement que prévu.
Malgré quelques excédents thermiques, les derniers relevés de températures à la surface de l’océan montrent des conditions généralement neutres de part et d’autre du Pacifique (ci-dessous). Même constat au chapitre de la répartition des pressions de part et d'autre.
En profondeur cependant, les eaux chaudes qui se trouvent au large de l’Australie ont tendance à se propager vers l’Amérique latine entre février et avril (voir ci-dessous), ce qui constitue l’un des prémices des évènements de type El Niño.
Les dernières sorties de modèles sont par ailleurs plus unanimes quant à la survenance du phénomène. Dans un communiqué émis le 13 avril dernier, le CPC estime à 62% les probabilités d’avènement d’un épisode El Niño entre mai et juin, à 82% entre août et octobre et 90% à l’automne. A titre de. Comparaison, cette probabilité ne dépassait que légèrement les 50% pour la fin de l’été dans le bulletin précédent (voir ci-dessous).
Conséquences probables sur la température mondiale
A l’échelle terrestre, les années les plus chaudes correspondent à des évènements de type El Niño, les exemples les plus marquants étant ceux de 1998 et 2016, où les anomalies de températures à la surface du Pacifique avaient dépassé les 2°C. Difficile de donner des chiffres précis mais une tendance se dégage pour dire qu’un petit El Niño contribue à la hausse de la température mondiale à hauteur d’environ 0,1°C, contre 0,2°C pour un gros événement.
Pour illustrer le propos, le graphique ci-dessous montre la température mondiale moyenne (source: Global-climate.com et Berkeley Earth) et le principal indice mesurant l’intensité d’El Niño, les températures de surface de la mer sur le Pacifique central, entre janvier 1990 et février 2016.
En s’additionnant au réchauffement climatique et à d'autres facteurs comme l’explosion du volcan Hunga Tonga en 2021, qui a injecté dans l’atmosphère de grandes quantités de vapeur d’eau (autre gaz à effet de serre), l’épisode d’El Niño à venir pourrait ainsi être assez déterminant dans l’établissement de nouveaux records.
Selon une étude réalisée l’an dernier par le Met Office du Royaume Uni, il existe une probabilité de 93 % qu’au moins une des années d’ici 2026 devienne la plus chaude jamais enregistrée.
Super épisode El Niño à venir ?
Un El Niño classique se caractérise par une température du Pacifique équatorial de 0,8 °C supérieure à la normale, et un super El Niño par une température de minimum +2 °C par rapport à la normale, à l’image des événements de 1998 et de 2016. L’évolution est encore incertaine mais des sorties de modèles montre que ce seuil pourrait être atteint (voir ci-dessous).
De fait, le Climate Prediction Center estime qu’il y a aujourd’hui 4 chances sur 10 pour qu’un fort épisode ne mette en place et seulement une chance sur 10 pour qu’aucun El Niño ne survienne. A noter que l’avènement d'un super El Niño, moins de 10 ans après celui de l'année 2016, serait particulièrement exceptionnel.
Fortes conséquences à l’échelle régionale également
En plus de tirer la température mondiale vers le haut, El Niño aura probablement des conséquences régionales très fortes, certaines négatives, d'autres positives : de fortes précipitations en Amérique Centrale, en Californie et au sud-est des États-Unis, de la sécheresse en Amérique du Sud, ainsi qu'en Australie avec le retour possibles de méga incendies, une mousson atténue ou décalée en Inde, moins de cyclones sur l’Atlantique équatorial mais également un terrain plus favorable à la propagation du choléra ou de la dengue.
On précisera que les conditions européennes peuvent être influencées par El Niño mais de manière indirecte seulement, d'autres facteurs pouvant entrer en ligne de compte. De manière générale, la corrélation est faible.
Philippe Jeanneret avec le concours du Climate Prédiction Center et de la NOAA