Steve est un "body hacker". Il y a quinze ans, il s'est implanté sa première puce électronique lui-même après l'avoir achetée "pour trois fois rien chez un vétérinaire". Il l'a cependant remplacée et l'utilise aujourd'hui comme identifiant pour se connecter à son ordinateur.
Pour lui, le body hacking consiste à se débarrasser par soi-même de l'aspect que la nature lui a donné, de son ADN. Selon Steve, les tatouages et piercings sont une sorte de body hacking: "on peut aussi se greffer des membres ou s'implanter des choses". Il fait la distinction entre deux types de body hacking: les modifications "utiles" et celles "esthétiques". Au début, son but était d'avoir l'air "cool". Il a donc commencé par se mettre des implants, se faire des tatouages. Puis dès l'âge de vingt ans, il s'est orienté vers des implants utiles. Il ressentait le besoin d'arborer un style non humain, de choquer, de bousculer les gens.
Le progrès pose de nombreuses questions morales. Face à ce dilemme, Steve se définit comme un "darwiniste social". Si quelqu'un ou quelque chose doit souffrir pour faire avancer la science, il considère que c'est un prix à payer. C'est la raison pour laquelle il met son corps en danger. Il joue un rôle de cobaye. Dans les prochaines années, Steve souhaite s'implanter un disque dur Bluetooth dans le ventre afin de s'en servir comme espace de stockage et point d'accès Wifi.
Je suis complètement addict au progrès.
Certains le définissent comme un cyborg. Lui préfère se définir comme un être humain amélioré et considère qu'il est au seuil de la prochaine étape de l'évolution. Il souhaite encourager les gens à modifier leur corps pour des raisons pratiques et non plus seulement médicales.
À ses yeux, l'humanité se trouve à tournant et celui-ci "doit être pris maintenant". En anticipant, l'homme pourra ainsi devenir ce qu'il aura décidé d'être et non subir ce que la technologie fera de lui, comme dans la série "Black Mirror".
Je ne dirai pas combien j'ai d'implants, c'est un secret que je ne partage qu'avec mes amis très proches.
Selon Valentine Gourinat, spécialiste en Ethique et Science de la vie, l'homme a par nature toujours cherché à s'améliorer, que cela soit intellectuellement ou physiquement, par le biais d'outils. Avec les nouvelles technologies, de nouvelles perspectives sont apparues. Les modifications du corps sont devenues possibles grâce aux progrès de la chirurgie: "Implanter une prothèse de hanche ou même un coeur était impensable il y a plusieurs années. Certaines parties corporelles sont devenues interchangeables. De même, on était loin d'imaginer que le recours à la biotechnologie ou aux nanotechnologies permettraient d'éloigner certaines maladies."
Je reste persuadée que nous restons des humains malgré tout quelques soient les transformations que l'on se fait.
Le philosophe et écrivain Tristan Garcia explique que le cyborg est une figure qui a très longtemps été médiatisée: "Elle séduit car elle constitue la figure hybride qui va venir relier l'homme et la machine". Celle-ci le laisse pourtant sceptique. Augmenter l'homme avec de la mécanique reste à ses yeux "une forme d'humanisme". Selon lui, effacer la nature que l'on a reçue par une nature que l'on aurait créée est illusoire.