Il n'est pas question de sports qui bénéficient de plus de moyens à l'image du football ou du hockey sur glace, mais de disciplines olympiques. En 2019, une étude a été réalisée par la Haute école fédérale de Sport à Macolin sur la situation des sportifs d'élite au bénéfice d'une carte Swiss Olympic. Les chiffres interpellent.
Selon les conclusions de cette étude, ces athlètes sont 41% à percevoir moins de 14'000 francs par année, soit même pas 1200 francs par mois. Ils ne sont que 17% à "toucher" plus de 70'000 francs par année. Autre chiffre parlant, le salaire médian des sportifs de disciplines estivales, ceux-là même qui porteront haut les couleurs de la Suisse aux JO de Paris 2024, est de 40'000 francs par année.
Dans ces conditions, il est évident que l'argent ne peut être le moteur fondamental de la pratique du sport. C'est la passion qui prédomine pour ces sportifs dont certains doivent ramer plus que de raison pour sortir la tête de l'eau et compter sur le soutien des proches. Car en Suisse, la principale source de financement d'une carrière demeure la famille.
La carte Swiss Olympic
Contrairement à ce qui se passe dans les pays voisins, où la situation des sportifs n'est pas toute rose pour autant, les athlètes helvétiques bénéficient en effet d'une aide étatique limitée. Le soutien aux sportifs d'élite en Suisse est indirect. Il repose sur des cartes distribuées par Swiss Olympic. Il y a quatre type de cartes: or, argent, bronze et élite. La carte qu'un sportif obtient dépend de ses résultats et de son potentiel dans les grandes compétitions. Plus le niveau de la carte est bon plus le soutien du canton, de l'aide sportive suisse ou d'autres organismes est élevée. Mais les montants dont il est question restent subsidiaires.
En Suisse romande, les choses semblent sur le point d'évoluer. Dans le canton de Vaud par exemple, l'ancien judoka Sergueï Aschwanden, médaillé de bronze aux JO 2008, essaie de faire bouger les lignes sur le terrain politique avec une initiative populaire pour amener l'investissement du canton de 8 à 100 millions. Le propos n'est pas d'amener du luxe mais de se donner les moyens de fixer des conditions cadres. Dans le canton de Genève, une réflexion sur le statut de l'athlète a également été lancée. Ce sont des premiers pas vers une reconnaissance du statut de sportif d'élite, mais le chemin est encore long pour les "galériens" du sport.
RTSsport
Mag de la rédaction "Les galériens du sport" / M. Germanier, H. Guereschi, F. Vallet et B. Garro
"La précarité, c'est vraiment le mot qui définit le sport d'élite en Suisse"
"La précarité, je pense que c'est vraiment le mot qui définit le sport d'élite en Suisse", a témoigné sans langue de bois Déborah Marti. La Genevoise de 28 ans, établie depuis longtemps en Valais, sait de quoi elle parle. Spécialiste de ski alpinisme, elle a notamment décroché le bronze en sprint et en relais aux Mondiaux en 2019 et écrit son travail de Master sur les revenus des sportifs d'élite en Suisse.
Le statut professionnel en Suisse est précaire, car il n'y en a simplement pas.
Maman de deux enfants, l'athlète au bénéfice du carte Swiss Olympic d'argent touche un revenu de 40'000 à 45'000 francs par an. "Cela me suffit, mais c'est vrai qu'on ne devient pas riche avec le sport", a poursuivi celle qui peut, malgré un revenu mensuel entre 3300 et 3800 francs (loin du salaire mensuel médian en Suisse, soit 6788 francs), être considérée comme une privilégiée parmi les sportifs d'élite. Le mari de Déborah Marti gagne également sa vie grâce au ski alpinisme. A eux deux, ils arrivent à joindre les deux bouts, mais ne roulent clairement pas sur l'or.
Laurent Meuwly: "Une réflexion à mener"
Entraîneur à la Fédération néerlandaise d’athlétisme et mentor de Femke Bol, championne du monde du 400m haies, le Fribourgeois Laurent Meuwly s’est penché sur le sujet. "L’argent est là. Seulement, il faut réfléchir à la manière de l’utiliser. A mes yeux, c’est un problème d’encadrement et de statuts. Mais aussi de priorités. En Suisse, on s’occupe surtout du sport pour tous, du sport populaire. Le soutien n’est pas particulièrement lié à la performance."
Selon le Fribourgeois, il faudrait également veiller à mieux rassembler les forces. "Avec le fédéralisme, les fédérations et les cantons ont souvent leurs propres programmes, remarque Meuwly. On ne centralise pas forcément les moyens. En Suisse, on a tendance à donner un petit peu à tout le monde, mais il faudrait mener une réflexion sur d’éventuelles synergies. Les politiques doivent trouver une solution pour donner un vrai statut aux athlètes, pour mieux utiliser les moyens, aussi. On dépense en effet beaucoup sur le marketing et la communication, à l’inverse des pays de l’Est, qui raisonnent différemment."