Volet 2 / Les chaussures, réglages au millimètre

Grand Format - L'évolution du matériel en ski alpin

Introduction

Le ski, sport national en Suisse, a connu moultes évolutions au fil des années. Dans ce reportage, nous remontons le temps, de la moitié du 19e siècle à nos jours, afin de vous faire découvrir le ski alpin de hier à aujourd'hui. A travers quatre volets, nous vous proposons de revenir sur l'évolution du matériel de ski alpin. Pour ce faire, nous sommes partis à la rencontre des acteurs du Cirque blanc. Des anciens skieurs à la nouvelle génération en passant par les hommes de l'ombre qui gravitent autour des athlètes ou encore un passionné, fondateur du Musée du ski, tous évoquent le matériel et son évolution. Pour ce deuxième volet, honneur à la chaussure.

Chapitre 1
Les étapes de l'évolution des chaussures

Imago

Si l'on remonte au milieu du 19e siècle, les chaussures de ski se caractérisent par la prédominance du cuir. L'attache, rudimentaire, se compose de simples lanières en cuir à nouer entre elles. Dans l'idée de ne pas être seulement dédiées au ski mais également à la marche, elles sont relativement légères mais surtout souples et donc peu rigides.

Les premières chaussures étaient exclusivement faites de cuir. [Musée du ski]
Les premières chaussures étaient exclusivement faites de cuir. [Musée du ski]

Au début du 20e siècle, les chaussures sont toujours en cuir, mais l'apparition de boucles métalliques qui permettent un double voire triple laçage diminue les mouvements du pied dans les chaussures. Ajoutez-y un rembourrage amélioré et une semelle plus épaisse, et les chaussures épousent bien mieux les fixations des skis. Conçues uniquement pour la pratique du ski, ces fixations sont performantes. La rigidité est considérablement améliorée, même si, au contraire des modèles tout en cuir, elles sont plus lourdes.

Le laçage renforce le maintien de la chaussure [Musée du ski]
Le laçage renforce le maintien de la chaussure [Musée du ski]

Après la Seconde Guerre mondiale, ces chaussures composées de boucles métalliques occupent encore quelques années le devant de la scène, même lorsque l'Américain Robert Lange, en 1948, met au point des chaussures en cuir munies de plastique renforcé et de résine de polyester. Seul ajout à souligner, les chaussons, aux alentours de 1950. Ceux-ci améliorent le confort et ajustent mieux le pied dans les chaussures.

Dans les années 1960, c'est au tour des fixations de chaussures de connaître une évolution avec l'invention des fermetures à crochets. Cette fixation révolutionnaire va permettre une rigidité nouvelle qui fera ses preuves, puisqu'encore aujourd'hui c'est le système de fermeture à crochets qu'utilisent les athlètes.

Les skis avec des fixations à crochets, une véritable innovation. [Musée du ski]
Les skis avec des fixations à crochets, une véritable innovation. [Musée du ski]

La dernière évolution significative a lieu dans les années 1970 avec l'arrivée des chaussures en plastique injecté. Toujours munies de ces fixations à crochets, elle sont plus rigides, plus lourdes. Elles permettent aux skieurs une parfaite maîtrise de leurs skis et de leur conduite, au détriment du confort. Et, si ce n'est une nette amélioration des matériaux utilisés, notamment en ce qui concerne la durée de vie, il n'y a pas de changements majeurs depuis.

Les chaussures à crochets datent des années 70. [Musée du ski]
Les chaussures à crochets datent des années 70. [Musée du ski]
Entre les premières chaussures à crochets et les dernières, la différence est avant tout au niveau des matériaux. [Musée du ski]
Entre les premières chaussures à crochets et les dernières, la différence est avant tout au niveau des matériaux. [Musée du ski]

Chapitre 2
Sous l'oeil de Laurent Donzé: l'histoire de la chaussure

Floriane Galaud

Fondateur et conservateur du Musée du ski situé au Boéchet, Laurent Donzé a amassé au fil des années une impressionnante collection d'objets retraçant l'histoire du ski alpin. Avec la passion qui le caractérise, le Jurassien retrace pour nous l'évolution des chaussures de ski.

Sous l'oeil de Laurent Donzé: l'évolution des chaussures
Ski alpin - Publié aujourd'hui à 14:25

Chapitre 3
Les chaussures au 21e siècle

RTS

Les chaussures de ski d'un skieur professionnel ne sont de loin pas les mêmes que celles des plaisanciers en vacances d'hiver sur les domaines skiables. En effet, elles sont bien plus robustes, épaisses, lourdes et étroites. Le seul et unique objectif est d'offrir stabilité, puissance et précision quelle que soit la vitesse. Ainsi, le confort ne fait pas partie du vocabulaire de la chaussure de skis de compétition.

Un travail d'orfèvre

Aujourd'hui, un véritable travail de précision s'effectue sur les chaussures de skis par le "bootman" de chaque athlète. Avec minutie, il cherche à créer la chaussure qui conviendra le mieux au skieur professionnel. Avoir des chaussures qui conviennent parfaitement est capital dans la mesure où elles sont le matériel qui permet aux skieurs de ressentir la neige et donc d'avoir pleinement confiance en leur ski. L'examen total et approfondi du pied est nécessaire afin de définir la dureté idéale du plastique pour l'athlète.

Et cet examen n'est pas seulement fait en début de saison, mais bien tout au long de la saison, puisque le pied, après les vacances estivales, sera bien plus large qu'en fin d'hiver. Ainsi, c'est un suivi continu du pied de l'athlète toute l'année qui doit être effectué et, si changement morphologique important, doit intervenir une modification des chaussures.

>> Gilles Lambolez évoque son métier de bootman chez Salomon :

Gilles Lambolez travaille chez Salomon depuis 30 ans. [RTS]
Ski alpin - Publié aujourd'hui à 09:38

Des différences de réglages selon la discipline

Concernant le type de chaussures utilisées selon la discipline pratiquée, il y a également un travail à faire. En vitesse, les réglages ne sont pas les mêmes qu'en technique. La première nommée nécessite en effet des chaussures plus souples qu'en slalom ou en géant mais également des chaussures avec un angle plus refermé que celles utilisées en technique. Un angle ouvert favorise la glisse alors qu'un angle fermé aide à être sur la carre intérieure.

La volonté de performance est d'ailleurs telle que les couleurs choisies pour les chaussures sont minutieusement sélectionnées, car si les températures sont hautes ou, au contraire, basses, ou si le soleil est présent ou non, ce ne sont pas les mêmes matériaux qui s'utilisent. Ces éléments extérieurs sont à prendre en compte, car ils peuvent véritablement influer sur la performance.

Une rapide perte en efficacité

Enfin, et alors que les amateurs de ski gardent, pour la plupart, leurs chaussures plusieurs années, les skieurs professionnels, eux, ne gardent leurs chaussures pas plus d'une saison, voire moins. En effet, plus la discipline est technique, plus les chaussures sont soumises à des pressions fortes qui finissent par avoir raison de la performance maximale dont elles sont capables.

Ainsi, en slalom, un athlète va skier entre 20 et 25 jours avec les même chaussures avant de devoir les changer. En revanche, en super-G et en descente, elles ne sont pas autant mises à rude épreuve et peuvent tenir un hiver entier.

Chapitre 4
Bootman, travailleur de l'ombre

Gian Ehrenzeller - Keystone

Gilles Lambolez est bootman chez Salomon depuis maintenant 30 ans. Le Français s'occupe notamment des chaussures de Marco Odermatt. Au fil des années, les deux hommes ont noué une relation de confiance où l'échange est permanent. Rencontre avec un homme passionné qui contribue au succès du Nidwaldien.

>> Gilles Lambolez évoque sa relation avec Marco Odermatt :

Marco Odermatt écrit l'histoire du ski suisse. [Keystone - Alessandro Trovati]
Ski alpin - Publié aujourd'hui à 09:37

Chapitre 5
La chaussure? "Le détail qui peut faire la différence"

A Dübendorf, lors de la remise du matériel aux skieurs suisses le 1er novembre, nous avons eu l'occasion d'interroger Arnaud Boisset, Camille Rast, Alexis Monney, Mélanie Meillard et Amélie Klopfenstein sur l'importance des chaussures de skis. Et tous, sans exception, confirment leur rôle crucial, au point de confier pour certains que c'est probablement le matériel le plus important du skieur professionnel, celui qui peut faire la différence.

"Presque plus importante que les skis"

Arnaud Boisset, auteur de quatre top-10 dont un podium en super-G en fin de saison à Saalbach l'année dernière, n'a pas manqué de rappeler que l'on oublie l'importance des chaussures de ski.

"La chaussure est presque plus importante que les skis, nous confie le Valaisan avant de poursuivre, car, sur les chaussures, je peux faire des réglages juste avant le départ (...) en fonction des conditions météorologiques et de la neige (...). C'est vraiment le détail qui peut faire la différence."

"La chaussure est notre traducteur"

De son côté, Camille Rast, auteure d'un début de saison fantastique avec une victoire en slalom à Killington et deux 3es places à Gurgl (slalom) et une nouvelle fois à Killington mais cette fois-ci en géant, ne laisse pas planer le mystère sur l'importance des chaussures de skis, "La chaussure est notre traducteur, car le ski et nous, nous ne parlons pas la même langue."

"C'est le lien entre le corps, le ski et la fixation"

Pour sa part, Alexis Monney, superbe vainqueur de sa première course de Coupe du monde à Bormio en descente et également 3e du super-G le lendemain, abonde: "La chaussure a un rôle très important parce que c'est ce qui fait le lien entre le corps, le ski et la fixation."

Mélanie Meillard, qui ne quitte pas le top-10 en slalom depuis le début de la saison, est du même avis que ses compères helvétiques et souligne que "la chaussure est le dernier contact avec le pied avant les fixations et les skis." Ainsi, être bien dans ses chaussures revêt une grande importance.

"Un millimètre peut faire une différence énorme"

Enfin, Amélie Klopfenstein, qui régate en Coupe d'Europe, s'aligne également sur les paroles de ses compatriotes. "La chaussure est presque le plus important. Le ski est important, mais la chaussure est d'autant plus importante."

>> Les athlètes suisses évoquent l'importance de la chaussure :

Les athlètes suisses évoquent l'importance de la chaussure
Ski alpin - Publié aujourd'hui à 14:04

Chapitre 6
Les athlètes et le confort des chaussures

Concernant le confort des chaussures de skis, réputé pour ne pas être optimal, nous avons également posé la question à Arnaud Boisset, Camille Rast, Amélie Klopfenstein, Mélanie Meillard, Camille Rast et Alexis Monney. Et, certes, il ne semble pas que le confort soit la qualité première des chaussures de compétition, mais les mettre le temps d'une course semble tout à fait supportable.

Arnaud Boisset nous confie ainsi que, certes, ce ne sont "clairement pas des chaussures qui sont faites pour être portées plusieurs heures." Mais le Valaisan nous explique également que, "ce n'est pas de la douleur, car dans la douleur, on ne va pas réussir à performer." Il partage néanmoins, qu'une fois la ligne franchie, desserrer les chaussures permet de "respirer un peu."

De son côté, Alexis Monney accorde une importance à un minimum de confort concernant les chaussures: "Il faut que je puisse me sentir bien dedans. Je ne veux pas être trop serré. Un peu de confort est toujours appréciable." Et Mélanie Meillard va encore plus loin en nous partageant qu'elle "se sent bien dans ses chaussures."

"Tout le monde a un peu mal aux pieds"

Au contraire, Camille Rast pense, "que tout le monde a un peu mal aux pieds lors des premiers jours". La Valaisanne nous confie en effet "qu'il n'y a pas de place dans la chaussure. Ce sont des matériaux très fins et on va chercher jusqu'au millimètre juste." Une preuve de plus de la complexité et de l'importance de la chaussure.

Enfin, Amélie Klopfenstein n'hésite pas à confier que, "plusieurs heures d'affilée dedans fait souffrir un peu." Et, qu'elle "ne recommande pas ces chaussures pour aller faire du ski de loisir". Néanmoins, la Bernoise concède que les chaussures de course "accroissent le ressenti."

>> Un confort tout relatif :

Les athlètes suisses évoquent le confort de la chaussure
Ski alpin - Publié aujourd'hui à 14:02

Chapitre 7
Paroles d'ex: Jean-Daniel Dätwyler et Roland Collombin

Imago

Est-ce que dans les années 1960-1970, les chaussures avaient autant d'importance qu'à l'heure actuelle? Etaient-elles plus confortables? Jean-Daniel Dätwyler, médaillé de bronze aux Jeux olympiques de Grenoble en 1968 et Roland Collombin, médaillé d'argent aux Jeux olympiques de Sapporo en 1972, nous partagent leurs souvenirs.

>> Les souvenirs de Dätwyler et Collombin :

Paroles d'ex: l'évolution des chaussures
Ski alpin - Publié hier à 16:33

>> Retrouvez le 1er volet dédié à l'évolution des skis : Volet 1 / Les skis et les fixations de hier à aujourd'hui