Septante-trois ans après son quadruple sacre olympique en forme
d'affront au régime nazi, l'Américain Jesse Owens hante toujours le
Stade olympique de Berlin, où se dérouleront du 15 au 23 août les
Championnats du monde 2009. Owens inspire plus que jamais les
athlètes américains.
C'est pour Tyson Gay et les autres membres de l'équipe des
Etats-Unis plus qu'un symbole: ils porteront ostensiblement sur
leur maillot les initiales "J" et "O" en hommage à Owens, vainqueur
des 100 m, 200 m, concours de longueur et relais 4 x 100 m des JO
1936. "A plus d'un titre, Jesse Owens est un héros pour moi.
Cela sera très spécial de courir dans le stade où il a couru",
répète Tyson Gay.
De la fédération américaine aux organisateurs des Mondiaux 2009 en
passant par la Fédération internationale, tous ont voulu évoquer le
souvenir du sprinter noir américain, descendant d'esclaves, qui a
gâché à lui seul le triomphe de l'Allemagne nazie voulu par Adolf
Hitler.
Berlin n'a jamais oublié Jesse Owens
Organisée en marge des épreuves, dans le parc olympique,
l'exposition "Jesse Owens, une légende du sport" retrace les
exploits d'Owens en 1936, mais aussi l'enthousiasme que le sprinter
américain, décédé en 1980, avait suscité dans la population
allemande.
Berlin n'a jamais oublié Owens, qui fut reçu à plusieurs reprises
en grande pompe après la Seconde guerre mondiale. Lors d'un de ses
voyages, il rencontra Kai Long, le fils unique de son ancien
adversaire décédé lors de l'invasion britannique en Sicile, en
juillet 1943.
Kai Long et l'une des petite-filles de Jesse Owens seront au Stade
olympique le 22 août pour remettre les médailles aux trois premiers
du concours de saut en longueur des Mondiaux 2009, 73 ans après la
naissance d'une improbable amitié.
si/dbu
Owens-Long, une amitié improbable
Le 3 août, il s'impose sur 100 m en 10"3. Le lendemain, il remporte la longueur devant l'Allemand Luz Long. Le 5, il est sans rival sur 200 m, puis achève sa moisson le 9 août en compagnie de ses partenaires du 4 x 100 m. Comme ses exploits infligeaient un cinglant démenti à la supériorité supposée de la "race aryenne", Hitler aurait refusé de lui serrer la main.
Les historiens ont depuis établi que le Chancelier allemand avait été réprimandé la veille du premier titre d'Owens par les officiels du CIO pour avoir félicité tous les vainqueurs des épreuves programmés ce jour, sauf Cornelius Johnson, Noir américain vainqueur du concours de la hauteur. Il avait ensuite décidé de ne plus saluer aucun vainqueur en public. Dans ses Mémoires, Owens affirma plus tard qu'Hitler lui avait adressé un signe de la main.
Dans ces JO de propagande, son amitié avec l'Allemand Luz Long, son adversaire malheureux du saut en longueur, fut, elle, passée sous silence. C'est pourtant Long qui lui avait conseillé d'allonger sa course d'élan alors qu'il était en difficulté lors des éliminatoires, incapable de franchir les 7m15 requis. A l'issue du concours remporté par Owens avec 8m06, les deux hommes se congratulèrent chaleureusement et posèrent côte à côte pour les photographes.
Après les JO, ces clichés et ceux du concours furent néanmoins utilisés par les idéologues du régime nazi dans les livres d'écoles pour illustrer les différences entre les races, Long montrant "le contrôle du corps de la race nordique" et Owens "tel l'animal dans la nature".