L'affaire Ingebrigtsen, impliquant une famille norvégienne d'athlètes à succès, est en train de révéler des tensions et des accusations de violence et de menace de la part du père, Gjert. Ce dernier était perçu comme un coach dur mais sympathique.
Pierre Morath, ancien athlète, désormais coach, historien du sport et réalisateur, suit depuis longtemps la famille Ingebrigtsen et ne s'attendait pas à ces révélations. "Ce qui était, semble-t-il, très sain dans cette famille, c'est qu'au-delà de l'aspect très dirigiste du père, les 3 frères avaient l'air de dire "ouais, cause toujours" et on sentait que les choses n'étaient pas malsaines, qu'il n'y avait pas une espèce d'emprise du père sur ces jeunes hommes qui étaient déjà des adultes... Personnellement, je n'ai pas du tout vu venir la chose".
Cette affaire soulève des questions importantes sur la manière dont les entraîneurs, qui sont souvent aussi des parents, devraient pousser leurs athlètes vers l'excellence tout en évitant de leur faire du mal. La frontière entre pousser à l'excellence et tomber dans la maltraitance semble difficile à définir. Surtout dans le contexte actuel du sport de haut niveau.
"D'un côté, la parole s'est libérée", note Pierre Morath. "En revanche, le sport de haut niveau et les fantasmes qu'il génère, que ce soit au niveau financier, que ce soit au niveau célébrité, mais aussi ce qu'il induit aujourd'hui pour être au plus haut niveau, c'est-à-dire un travail d'une intensité sur tous les plans qui est absolument extrême, beaucoup plus qu'il ne l'était il y a quelques dizaines d'années, font que la frontière ne bouge pas. Le sport fait plus encore fantasmer potentiellement des parents qui veulent faire de leurs enfants des champions".
C'est très difficile d'avoir les 2 rôles père/entraîneur en même temps
Un entraîneur doit pousser son athlète pour viser l'excellence tout en évitant de tomber dans la maltraitance. "Cette frontière est très difficile à trouver. Je suis bien placé en tant que formateur et aussi en tant que parent d'athlète puisque ma fille est une athlète de haut niveau. Et d'ailleurs, je ne l'entraîne plus directement aujourd'hui parce que c'est très difficile d'avoir les deux rôles en même temps. C'est même quasiment impossible", conclut Pierre Morath.
Jérôme Jeannin