Pierre-André Pasche: "La bagarre sur la piste fait le spectacle"

Jeudi, Athletissima accueillera à nouveau une pluie de stars. Malgré les absences d'Usain Bolt et Tyson Gay, le meeting présentera 32 champions d'Europe, du monde ou olympiques, ainsi que 2 détenteurs de records du monde. Le 100m offrira un duel entre Asafa Powell et Christophe Lemaitre. Sur 800 et 5000m, les plateaux sont exceptionnels. Côté suisse, Lisa Urech (100m  haies),  Béatrice Lundmark (hauteur) et Pascal Mancini seront présents.

Chef de presse du meeting, entraîneur, ancien athlète, professeur de sport et consultant TV, Pierre-André Pasche attend des étincelles. Interview.

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srsport.ch

: Quels sont les ingrédients pour organiser un bon meeting?

PIERRRE-ANDRE PASCHE: C'est un savant mélange de savoir-faire, de psychologie, de patience... Et puis il y a les contacts réguliers avec les managers, le savoir-faire lausannois. Lausanne a la réputation d'être un meeting très convivial. Il faut voir les épreuves qu'on organise et essayer d'avoir les meilleurs. Lorsqu'on est dans la Ligue de Diamant, c'est plus facile, parce que les athlètes sont demandeurs. On a souvent plus de demandes que de places. On peut ainsi prendre le temps de choisir les meilleurs, ceux qui sont en forme. Enfin, tout doit être fait pour que les spectateurs,  où qu'ils soient placés, puissent assister à un grand spectacle.

tsrsport.ch: Vous avez parlé des avantages d'être dans la Ligue de Diamant. Y a-t-il aussi des contraintes?

PIERRRE-ANDRE PASCHE: Oui, il y a des disciplines qui sont moins importantes mais que l'on doit organiser. Je pense au 3000m steeple féminin. C'est une nouvelle discipline et elle n'attire pas le spectateur au stade. Au niveau des horaires, on a aussi plus de contraintes. On doit condenser. En deux heures, on doit tout organiser pour la TV. Pour certaines disciplines techniques, on est obligé de les faire commencer avant pour ne pas déborder. Le disque et la longueur dames débuteront avant la retransmission TV. En tout, on aura 16 disciplines "Ligue de Diamant", plus le 110m haies et le 400m hommes.

tsrsport.ch: Le 100m messieurs est la discipline reine. Met-on un soin particulier à l'organiser?

PIERRRE-ANDRE PASCHE: En général, c'est l'épreuve la plus chère. C'était déjà le cas avant la Ligue de Diamant. La vitesse a toujours attiré la foule. Et c'est vrai que la confrontation des meilleurs sprinters du monde est quelque chose dont les médias aiment parler. A Lausanne, la piste est rapide. Cette année, on est confronté aux sélections US et jamaïcaines qui se déroulent en même temps ou presque. Mais même sans Bolt ou Gay on devrait aligner 6 à 8 athlètes qui ont déjà couru sous les 10", notamment Asafa Powell et Christophe Lemaitre.

"On ne parle plus tellement de records du monde"

tsrsport.ch: Vous parlez de la piste magique de Lausanne. Qu'a-t-elle de particulier?

PIERRE-ANDRE PASCHE: L'avantage, pour le sprint, c'est qu'elle se situe, entre guillemets,  en altitude. Même si on n'est pas à une altitude très élevée (la Pontaise se situe à 600m), on n'est pas non plus au niveau de la mer. Il y a ainsi moins de résistance à l'air qu'à Rome ou Paris. Les athlètes ont un petit avantage chronométrique. A Lausanne, on a plus facilement des grandes performances dans les sprints, les sauts, les courses de haies que sur les distances. Sur 5000m, on n'a ainsi jamais eu un coureur à moins de 13'. On espère que ça changera cette année au vu des coureurs engagés.

tsrsport.ch:

Trois records du monde ont été battus à Lausanne. Un 4e peut-il tomber cette année?

PIERRE-ANDRE PASCHE: Aujourd'hui, on ne parle plus tellement de records du monde. Les athlètes qui s'attaquent actuellement à un record le font dans une période précise, en distance avec des lièvres et au sprint avec de la concurrence. On a vu qu'au sprint, les derniers records ont été battus en finale des gros championnats, aux JO ou aux Mondiaux. Mais le chrono n'est pas le plus important. Le public ne voit pas la différence entre une course disputée en 9"70, 9"80 ou 9"90. C'est la bagarre sur la piste qui fait le spectacle.

"Les Suisses seront peut-être performants en 2014"

tsrsport.ch: Les meetings de Lausanne et Zurich soutiennent financièrement Lisa Urech. Est-il important pour ces réunions de présenter des athlètes helvétiques?

PIERRE-ANDRE PASCHE: Oui, mais il faut présenter les meilleurs. Malheureusement, il y a très peu d'athlètes de haut niveau qui peuvent participer à Athletissima ou Zurich. Il y en a qui y participeront, mais en avant-première et non dans le programme principal parce que le niveau est trop élevé. Ca ne servirait à rien. Ce serait au détriment de la performance d'un athlète qui finirait très loin des autres.

tsrsport.ch: Depuis André Bucher sur 800m, aucun Suisse n'a gagné à Lausanne. Et la situation ne devrait pas changer rapidement!

PIERRE-ANDRE PASCHE:

Dans un avenir proche, je ne vois pas. Peut-être vers 2014. Celle qui est le plus proche actuellement du niveau mondial c'est Lisa Urech sur 100m haies. Il y a aussi Irene Pusterla à la longueur. Les autres sont un cran au-dessous. C'est le niveau européen. Mais il y a un mouvement qui est en train de se créer en vue des Mondiaux 2014 à Zurich. Chez les jeunes, il y a plusieurs athlètes qui se sont qualifiés cette année pour les Universiades ou les Euros M23 et M21. C'est de bon augure. Il y a actuellement une émulation. C'est en élargissant la base que l'on trouvera un futur champion.

tsrsport.ch: Il y a une vingtaine d'années, à l'époque de Ryffel, Delèze, Boehni ou Dalhaeuser, la Suisse possédait plusieurs athlètes au top niveau. Que s'est-il passé depuis?

PIERRE-ANDRE PASCHE: Certains records datant de cette période vont encore durer un moment! Je ne vois pas qui pourrait les battre... Cela dénote bien qu'il y a eu à un moment un désintérêt en Suisse pour l'athlétisme. Moi, je pense que c'est un cycle. Cela devrait revenir. Certainement qu'il y aura une nouvelle génération. Et dans l'optique des Européens 2014 à Zurich, la création d'un mouvement devrait permettre d'obtenir un niveau moyen de performances plus élevé.

Propos recueillis par Aline Gagnebin