Les larmes de joie de Campbell-Brown, la médaille de Pistorius

Veronica Campbell-Brown a gravi une nouvelle marche au panthéon du sprint féminin. La Jamaïcaine a brisé la série victorieuse d'Allyson Felix sur 200 m pour remporter le titre mondial à Daegu, qui s'ajoute à ses deux sacres olympiques sur la distance et à son titre mondial du 100 m il y a quatre ans.

Difficile de présenter un palmarès plus complet que celui de Campbell-Brown, qui brille également en salle sur 60 m, à moins de s'appeler Usain Bolt. VCB, élue quatre fois sportive de l'année en Jamaïque, n'a de loin pas la réputation et le charisme de son compatriote. Mais en battant Carmelita Jeter (22''22 contre 22''37), elle a pris sa revanche sur l'Américaine qui l'avait devancée sur 100 m à Daegu et s'empare du leadership sur le sprint féminin. Submergée par l'émotion, elle a fondu en larmes.

Au passage, Campbell-Brown détrône l'Américaine Allyson Felix, triple tenante du titre du 200 m,  seulement médaillée de bronze cette fois (22''42). La Californienne avait perdu beaucoup d'énergie sur 400 m.

L'autre Jamaïcain donc, Usain Bolt, s'est qualifié pour la finale du 200 m en remportant sa demi-finale en 20"31. La star des pistes a copieusement dominé ses adversaires, relâchant son effort quasiment à l'entame de la ligne droite, soit presque la moitié de la distance. Le triple champion olympique et mondial rejoint ainsi en finale le Français Christophe Lemaitre, vainqueur de la première demi-finale en 20"17, meilleur chrono de la journée. Les deux se retrouveront en finale samedi à 14h20.

Bolt répond aux interrogations du 100 m

Extrêmement détendu et souriant, Bolt est ensuite venu faire le show devant la presse, après avoir amusé le public. Le Jamaïcain a ainsi traversé une partie de la zone mixte, réservée aux interviews de la presse écrite en dansant presque comme un "breakdancer".

"Est-ce que j'en ai l'air?", a-t-il souri en répondant à une question lui demandant s'il était toujours affecté par son désastreux 100 m, disqualifié pour faux départ. "Des fois vous gagnez, d'autres fois vous perdez, je suis au-dessus de ça maintenant. J'ai fait une erreur, je dois avancer. Et j'expliquerai les raisons de mon faux départ demain (samedi) en conférence de presse (d'après course)", a-t-il répété le regard noir.

Il a ensuite détaillé sa course. "Ma course était super. J'ai essayé de faire ce que mon entraîneur m'a dit de faire et je l'ai fait. Je suis content de moi", a-t-il affirmé.

Le TGV de Culoz a faim de médailles

"J'essaie de rester concentré et de prendre du plaisir", a-t-il expliqué, ajoutant que depuis sa disqualification dimanche, il s'était "assis", avait "mangé et regardé la télé".

"Le 200 m est ma course favorite. Tous, les sept autres personnes en finale sont mes adversaires mais il n'y a personne à battre parce que je suis le meilleur et il faut vraiment que je sois hors de forme (ndlr: pour qu'on puisse le battre)"

Pour sa part, Lemaitre semble avoir beaucoup progressé dans les virages et il croit plus que jamais en ses chances. "C'est un fantastique chrono (à 0''01 du record de France)", s'est-il exclamé. Je voulais courir vite pour m'assurer d'un bon couloir en finale. J'ai l'impression aujourd'hui d'avoir franchi un cap. J'ai faim de médaille!". Gare aussi à l'Américain Walter Dix, tapi dans l'ombre mais affamé lui aussi.

Le dernier Européen médaillé sur le demi-tour de piste avait été le sulfureux Grec Kostas Kenteris, champion du monde en 2001.

Pistorius dans la légende

Premier athlète amputé à participer à des Mondiaux, Oscar Pistorius entre doublement dans l'histoire puisqu'il devient le premier athlète paralympique médaillé chez les valides, grâce à l'argent du relais sud-africain sur 4 x 400 m. Pistorius n'a pas été retenu pour cette finale, mais il

avait couru en série et reçoit donc aussi la récompense. Le titre, pour la quatrième fois d'affilée, revient aux Etats-Unis (2'59''31).

"Je suis extrêmement déçu", a néanmoins lâché Pistorius, en apprenant son éviction. Celle-ci a été prononcée pour des raisons obscures, "sur la base d'informations factuelles", a déclaré un officiel sud-africain. Le courageux athlète était pourtant le numéro 2 de son pays dans la hiérarchie.

La Kényane Vivian Cheruiyot est aussi entrée dans les annales en réalisant le doublé 5000 m-10'000 m. Elle est la deuxième femme à y parvenir, six ans après Tirunesh Dibaba (ETH). La menue et agile Kényane (1m55) a gagné le 5000 m vendredi en y ajoutant la manière, n'hésitant point à mener le train pour ensuite placer une longue accélération à laquelle ni sa compatriote Sylvia Kibet, 2e, ni l'Ethiopienne Meseret Defar (3e) n'ont pu résister.

Au javelot féminin, la Russe Maria Abakumova s'est imposée avec le deuxième jet de l'histoire (71m99), tandis que l'Américain Dwight Phillips, 34 ans, remportait son quatrième titre mondial à la longueur (8m45).

Les Allemands, à la peine dans les autres disciplines, ont toujours un lanceur ou une lanceuse en réserve. David Storl est sorti du bois pour ravir à la surprise générale le titre au poids à son dernier jet, avec 21m64

Semenya de retour

Caster Semenya paraît en mesure de rééditer son coup des Mondiaux 2009 à Berlin, où, à 18 ans, elle avait surpris le monde entier en survolant le 800 m. Suspendue ensuite durant onze mois en raison des doutes sur sa féminité, et tenue tant bien que mal à l'abri des regards, la Sud-

Africaine a très mal vécu les mois qui ont suivi son triomphe. Mais vendredi, elle a dominé les demi-finales en 1'58''07, avec facilité.

Semenya avait été autorisée à recourir avec les femmes en juillet dernier, après l'adoption par l'IAAF d'un nouveau règlement pour les cas d'hyperandrogénie. Le secret médical la concernant a été bien gardé, mais tout indique que l'athlète a suivi un traitement hormonal pour correspondre aux normes, ce qui expliquerait son irrégularité en compétition.

Pour la première fois depuis son titre en 2009, Semenya a semblé jouer avec ses adversaires. Elle a accéléré aisément à l'entrée du dernier virage pour survoler la course. Elle part favorite pour la finale de dimanche, avec les Russes. Une nouvelle victoire pourrait relancer la controverse.

si/hdel