On a tout d'abord changé de saison. Tombés les vestes chaudes et autres bonnets. Place cette fois à la manche courte, celle évidemment davantage adaptée à la pratique de l'athlétisme.
Et puis il y a ce cadre, pourtant à première vue identique. Zurich et son Letzigrund, cette piste magique. Pourtant, entre les milliers de sièges vides d'il y a quelques jours et ce "sold out", un autre monde. D'écart.
Tout le monde en parle, en ville, dans le tram...
En fait, ce n'est pas que le Letzigrund qui a vibré davantage pour ce Weltklasse que pour les "Euro", c'est toute une ville. Autant "Zurich 2014" passait quasiment inaperçu au centre-ville, autant on a senti cette fois la plus grande ville du pays passionnée par cette soirée.
Trois heures avant, dans le tram - bondé, malgré les rames supplémentaires - on ne parlait d'ailleurs que de ça, on se réjouissait, on vibrait ou encore on analysait ce "vieux" raté de Munjinga Kambundji et ce témoin, soudain devenu à charge.
Pareil autour de l'enceinte, avant même l'ouverture des portes: l'effervescence. Des stands animés, comme pour un "open air" dont ce stade a aussi le secret. Mais pas de rockstar cette fois-ci, juste le gratin de l'"athlé". Mais à la saveur planétaire, et ça, ça change apparemment tout.
Kariem Hussein, le stade s'enflamme
Kariem Hussein n'a lui certainement pas vu la différence par rapport à ce désormais fameux 15 août et son sacre européen sur 400m haies. Le Thurgovien avait déjà eu droit à un stade plein, le public zurichois, que l'on dit très connaisseur, entrevoyant certainement l'exploit.
Le néo-champion d'Europe a donc bien sûr été reçu avec les honneurs d'usage jeudi. Et au moment où son nom est annoncé, juste après 20h00, le Letzigrund s'enflamme. On se met à nouveau à rêver, encore.
Pourtant, autour du "Pharaon", au couloir 5, il y a du "lourd": au 4 Javier Culson, meilleur chrono 2014, et au 6 Michael Tinsley, 2e des JO 2012. Le double champion olympique Felix Sanchez est lui au 7, comme si déjà largué.
Mais voilà, Kariem Hussein n'est plus ce "petit Suisse" seulement surdoué. Avec son titre continental, le jeune homme est entré dans la cour des grands, et ce même s'il ne disputait que sa 2e course avec les meilleurs. Il voulait prendre des risques. Il l'a fait, avec panache. Il mène même la course jusqu'aux 300m!
"Cette ambiance, il n'y a pas mieux"
"Cette ambiance, c'était juste incroyable. Il n'y avait pas mieux pour te donner des ailes", confie la nouvelle star de l'athlétisme suisse.
"Après les Européens, et avec toutes ces sollicitations, j'étais pourtant mort, fatigué". Mais voilà, il mène! "J'ai alors peut-être commencé à réfléchir, à me demander où était Culson. Puis il était déjà revenu!". Il ne regrette rien. Il rigole.
Kariem terminera finalement 4e, "loin" devant l'idole Sanchez, et surtout une nouvelle fois sous les 49" (48"70)! "C'était mon objectif", dira-t-il avec ce sourire qui ne le lâche plus. "Et c'est très bien d'avoir pu le refaire".
Le record de Marcel Scherbert (48"13) est lui encore trop loin. "Ce n'était pas mon but", dira l'athlète du LC Zurich. "Je voulais un "personal best" et ça prouve que je suis sur une pente ascendante. Le reste suivra...".
Hussein peine à retrouver le plancher des vaches. Il plane, encore et toujours. Mais il prétend qu'il est resté le même, lui l'homme si discret, réservé. "Je n'ai pas encore tout réalisé. Je pense que je toucherai terre en fin de saison".
Zurich, Daniel Burkhalter - Twitter @DaniBurkhalter
>> A lire aussi : Kariem Hussein et Nicole Büchler tiennent tête aux meilleurs
Un relais 4x100 dames maudit à Zurich
Avec Kariem Hussein, les filles du 4x100m devaient être les autres héroînes de la soirée. Devaient? Après ce témoin envolé des mains de Mujinga Kambundji à la 1ère foulée lors des "Euro", la Bernoise et ses copines Marisa Lavanchy, Ellen et Lea Sprunger voulaient absolument une revanche. Prouver que ce n'était alors qu'un accident.
Malheureusement pour elles, et même si un monde s'est écoulé entre Zurich et... Zurich, celui-ci n'a pas suffi à panser les plaies, à effacer les mauvais souvenirs. Comme si, finalement, la douleur était encore bien là.
Car si le début de course était cette fois parfait, la transition no3 a cloché, celle des soeurs Sprunger...
La douleur de Nicole Büchler, incapabable de passer plus que 4m25 à la perche lors des qualifications des Européens, a elle bien disparu. Et comment! Galvanisée par le bruyant soutien du public, la Seelandaise a battu à 2 reprises son record de Suisse (4m61) pour le porter à 4m67. Incroyable!
A chaque tentative réussie de la Biennoise, c'était l'explosion dans le stade, un peu comme avec Kariem Hussein quelques minutes plus tôt. "C'était un superbe concours", dira-t-elle. "Je savais que j'en étais capable même si j'étais très frustrée après les CE".
La preuve une nouvelle fois que l'écart est infime entre top et flop, même si il semble y avoir parfois un monde d'écart...
Pas le même engouement...
Même endroit mais pas le même engouement... Bcp de billets à vendre pour #Zurich2014 et là... #weltklasse #RTSsport pic.twitter.com/Sl4rUBHRCg
— Daniel Burkhalter (@DaniBurkhalter) August 28, 2014