Ses débuts à Vidy : La ville de Lausanne m’a approché à l’occasion de l’inauguration du stade de Coubertin en 1977 afin que j’organise un événement pour marquer le coup. On a fixé la date au 8 juillet et fait venir des stars qui ont spontanément accepté l’invitation. Il y avait les icones de l’athlétisme du moment : Dwight Stones à la hauteur et John Walker sur 1500m, tous deux champions olympiques à Montréal (1976). Mais on n’a pas eu de chance, car ce soir-là, il est tombé des trombes d’eau devant 5'800 personnes trempées. Malgré cela, le public est resté. Les athlètes ont trouvé ça tellement génial qu’ils ont décidé de revenir le 3 août. C’est pour cela qu’on a la 40e édition mais pas les 40 ans car on a fait 2 meetings en 77. Mais pour la deuxième date, il y avait la fête des vignerons à Vevey. On s’est dit que personne ne viendrait à notre meeting. Finalement, 13'000 personnes sont venues alors que 8000 billets avaient été vendus. Du coup, on a demandé aux gens de la sécurité de nous rendre les billets pour les revendre.
Son plus beau souvenir : Le premier record du monde que l’on a eu en 1994 avec Leroy Burrell sur la distance reine, le 100m. Chaque organisateur de meeting rêve d’avoir ce record. On ne s’y attendait vraiment pas et le record est tombé à 20h20, 20 minutes après le début du meeting. C’était de la folie! On a mis beaucoup de temps à s’en remettre et à redescendre sur terre.
Sa plus belle rencontre : Je pense que c’est Stéphane Diagana, le coureur français du 400m haies. C’est quelqu’un de très attachant sur qui on peut compter et qui a toujours tenu ses engagements. De plus, il a battu chez nous le record d’Europe du 400m haies qui tient encore aujourd'hui. J’ai encore passablement de contacts avec lui et j’ai toujours beaucoup de plaisir à le voir. C’est un grand humaniste. Il m’a beaucoup marqué.
Son plus mauvais moment : C’est en 1987, avec Ben Johnson avant qu’il se fasse pincer pour dopage. Il n’a pas voulu courir contre Carl Lewis. J’ai donc engagé Lewis sur 200m et Johnson sur 100m. Ce dernier n’a pas non plus désiré s’aligner sur 100m, je me suis laissé aspirer par l’idée ridicule d’organiser un 60m. Je n’aurais jamais dû me laisser embarquer dans cette histoire. Cela a été ma plus grosse erreur et m’a valu certains soucis. Les gens ont même lancé des pièces de 2 francs sur le stade. Et pour couronner le tout, Carl Lewis a décidé de courir également le 100m.
Sa recette du succès : Crédibilité et transparence. Il faut toujours dire les choses telles qu’elles sont, que ce soit aux sportifs, aux sponsors ou aux managers. Il ne faut pas avoir peur de dire quand cela ne va pas. C’est indissociable de la réussite. Notre recette repose aussi sur un groupe super soudé et une communication à la fois verticale et horizontale.
"Lavillenie est attachant et disponible"
Sa plus belle émotion : En 2006, Liu Xiang en 12’’88 sur 110m haies. Pour la première fois, un Chinois battait un record du monde. En Chine, Lausanne est depuis ce meeting très connu. Encore actuellement, on y fait beaucoup d’audience.
Son surnom « Le Magicien » : C’est parce que j’ai souvent une idée d’avance et je sais un petit peu repérer les stars de demain (rires). Par exemple, j’ai repéré Usain Bolt (ndlr : il est venu quatre fois à Lausanne et a déclaré forfait cette année) en junior et il faut savoir engager ces jeunes. Et après, ils vous sont reconnaissants de leur avoir ouvert la porte. Assez souvent, j’ai le bon réflexe.
Sa discipline favorite : C’est difficile à dire. Sans parler de discipline favorite, je dirais que celle qui me paraît la plus technique, c’est le 110m haies. C’est impressionnant. Mais j’aime bien l’athlétisme en général.
Son athlète coup de cœur : Renaud Lavillenie. J’ai une longue histoire avec les perchistes français car lorsque je courais en équipe nationale, j’étais le seul Romand. Je me retrouvais donc souvent avec les Français avec lesquels je m’étais noué d’amitié. Et avec Renaud, c’est particulier. Il est très attachant, fidèle, loyal et disponible. Chez moi, il est à la maison. Ce n’est pas l’argent qui le motive. Il vient le mardi pour sauter le jeudi et passe du temps avec les jeunes. Il s’occupe bien de la jeunesse. Et il est très emblématique en plus.
Son futur à la tête du meeting : J’ai 62 ans, je ne vais pas rester jusqu’à 75 ans à la tête du meeting. Mais je suis d’avis qu’il faut avoir une structure et choisir ensuite les gens. J’ai des personnes autour de moi qui peuvent reprendre le flambeau si elles prennent de la bouteille. On y pense mais on n’a pas encore trouvé les bonnes personnes. Je me dis que j’arrêterai le meeting au moment où on inaugurera le nouveau stade à Vidy d’ici 4-5 ans.
Son budget : On a un budget de 4,7 millions de francs dont 1,5 million est alloué aux athlètes. Notre premier budget en 1977 était de 68'000 francs pour une quinzaine d’athlètes contre 250-300 aujourd’hui.
Par Floriane Galaud - @FlorianeGalaud