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L.Meuwly : "Il faut mettre l'ego de côté"

Laurent Meuwly a repris le relais féminin en 2010 et le masculin en 2014. [Jean-Christophe Bott]
Laurent Meuwly a repris le relais féminin en 2010 et le masculin en 2014. - [Jean-Christophe Bott]
C’est au Stade de la Pontaise que Laurent Meuwly a donné rendez-vous à RTSsport.ch, à quelques jours du meeting d’Athletissima. Homme de caractère, l’entraîneur des relais féminin et masculin du 4x100m n’a pas peur de dire tout haut ce qu’il pense. Le coach fribourgeois évoque sans langue de bois les ambitions de ses protégés et sa manière de fonctionner.

RTSsport.ch: Comment se passe le début de saison des deux relais?

LAURENT MEUWLY: Il a commencé tôt pour les deux relais avec les Mondiaux de relais à Nassau où l’on espérait décrocher notre qualification pour les JO de Rio. Chez les filles, on a réussi à le faire et c’est un soulagement car on pourra se concentrer sur la préparation de ces JO. Du côté des hommes, on n’est pas arrivé au bout suite à un problème sur le dernier passage. S’est enchainée ensuite la problématique des deux sprinters qui ne font plus partie du projet (ndlr : Reto Amaru Schenkel et Alex Wilson). Actuellement, on est dans une phase de reconstruction avec ceux qui restent.

RTSsport.ch: Comment avez-vous vécu la tempête qui a secoué le relais masculin?

LAURENT MEUWLY: L’équipe masculine est un problème depuis 10 ans. C’est une génération compliquée qui a beaucoup de talent mais qui est difficile à encadrer. Pour moi, c’était important que les nouveaux athlètes arrivent dans de bonnes conditions. C’est pour cela que j’ai mis en place des règles de vie et de fonctionnement. Les deux athlètes concernés avaient pour habitude de faire ce dont ils avaient envie. Cela allait jusqu’à choisir eux-mêmes qui devait courir et dans quelle position. Le coach était juste là pour confirmer leur choix. Et je ne fonctionne pas comme cela. D’ailleurs, depuis qu’on s’est séparé de ces deux athlètes, l’ambiance est super, très constructive. On a perdu du talent à court terme mais on a du talent qui arrive à moyen-long terme avec des jeunes.

Reto Schenkel (a g.) et Alex Wilson ne font plus partie du relais masculin. [KEYSTONE - Kevin Frayer]
Reto Schenkel (a g.) et Alex Wilson ne font plus partie du relais masculin. [KEYSTONE - Kevin Frayer]

RTSsport.ch: Vous évoquez des règles. Quelles sont-elles ? Etaient-elles trop dures?

LAURENT MEUWLY: A mon avis non, il s’agit avant tout de pouvoir vivre ensemble, en groupe. Dans un relais il faut savoir mettre un peu l’ego personnel de côté au profit de l’équipe. Dans le comportement et les relations avec ses coéquipiers, il est important que chacun puisse trouver sa place et que personne ne se sente oppressé par des individus. Cela commence par être à l’heure aux rendez-vous, toujours à 100% durant les entraînements, porter la bonne tenue, accepter la critique, partager et échanger avec les autres.

RTSsport.ch: Est-ce que vous regrettez d’avoir repris le relais masculin?

LAURENT MEUWLY: Non, parce que je ne l’ai pas fait pour avoir du succès à court terme. J’étais quand même partie prenante de leur 4e place aux Européens de Zurich. Et je savais que le challenge serait difficile. J’aurais pu faire encore plus de concessions, essayer d’intégrer plus les athlètes et laisser faire certaines choses en dehors du cadre que j’avais fixé si j’avais voulu garder ces athlètes pour obtenir de bons résultats. Ce qui est important, c’est la stabilité et la possibilité de travailler de manière constructive. Je préférais avoir une équipe moins forte mais avec laquelle on pouvait bien travailler plutôt que de perdre de l’énergie à se battre pour des choses qui ne sont pas directement liées à la performance. C’est pour cela que je suis resté ferme sur mes positions.

RTSsport.ch: Entraînez-vous filles et garçons de la même manière?

LAURENT MEUWLY: Dans le concept, dans la technique, oui. Mais dans la gestion d’un groupe, c’est différent. Les garçons ont moins besoin d’un travail d’encadrement où on explique les choses. C’est un peu plus simple dans le sens où on va directement au but. Chez les filles, l’aspect émotionnel joue un plus grand rôle car elles veulent toujours comprendre les choses. Par contre, le travail sur la piste est le même.

RTSsport.ch: Est-ce plus agréable de travailler avec des filles ou des garçons?

LAURENT MEUWLY: Depuis que la situation s’est clarifiée chez les garçons, j’ai autant de plaisir à travailler avec eux qu’avec les filles. C’est clair qu’actuellement, il y a un décalage entre les deux relais. Le groupe des garçons est en construction avec des athlètes moins expérimentés alors que le relais filles est à maturité, qualifié pour les JO de Rio en 2016 et se bat pour des médailles au niveau européen et mondial.

"A Athletissima, ce sera difficile d'établir un nouveau record"

RTSsport.ch: Lors du meeting d’Athletissima, est-ce que les deux relais seront présents?

LAURENT MEUWLY: Non, il n’y a toujours que le féminin qui est présent. Et depuis 2011, il y a qu’une seule édition où l’on n’a pas réalisé de record.

RTSsport.ch: On peut donc s’attendre une nouvelle fois à un exploit?

LAURENT MEUWLY: C’est particulier cette année car il y a les championnats du monde universitaires en Corée du Sud et les championnats d’europe des moins de 23 ans qui tombent en même temps qu’Athletissima. Sur les 9 filles que j’ai à disposition, Ellen Sprunger est en convalescence, trois sont aux Européens et une en Corée. Donc je n’ai que 4 filles (Kambundji, Lea Sprunger, Lavanchy et Humair). J’espère qu’elles ne seront pas blessées. On n’aborde pas le meeting dans les mêmes dispositions que les années précédentes. On aura une équipe compétitive mais ce sera difficile d’établir un nouveau record suisse. Mais pour le public, on va essayer de faire une belle course.

Le relais féminin a pulvérisé le record suisse l'année dernière. [KEYSTONE - Jean-Christophe Bott]
Le relais féminin a pulvérisé le record suisse l'année dernière. [KEYSTONE - Jean-Christophe Bott]

RTSsport.ch: Quelles sont les forces du relais féminin?

LAURENT MEUWLY: Si on regarde les résultats du relais féminin, les coureuses ne les ont pas obtenus parce qu’elles sont super rapides. Les grandes nations contre lesquels on court, sont constituées de filles qui individuellement sont beaucoup plus rapides. On fait la différence sur la fiabilité, on a très peu de déchets, on a passé 28 fois a ligne d’arrivée en 30 courses et réalisé 7 records suisses avec 8 filles différentes. Cela montre qu’on a intégré tout le monde et pensé au futur en préparant les jeunes athlètes. La fiabilité est notre force tout comme le passage de témoin. Afin d’améliorer cela, on travaille beaucoup à l’aide de la vidéo.

RTSsport.ch: Qu’est-ce qui vous plaît tant dans le relais?

LAURENT MEUWLY: Comme entraîneur de sprint, cela m’intéresse de jouer la gagne et de faire des finales. J’aime mettre les gens ensemble, gérer un groupe, avoir des valeurs communes et partager des objectifs et des responsabilités. Cela va au-delà de simplement entraîner un athlète. Il y a des paramètres supplémentaires qui rendent la discipline intéressante. Le relais est la seule discipline dans l’athlétisme qui est collective et où il faut avoir certaines règles pour que cela fonctionne. Un athlète ne peut pas faire la performance tout seul. On a de la peine à inculquer ça car normalement c’est la performance individuelle avant tout.

RTSsport.ch: Pourquoi selon vous, c’est si difficile de conjuguer carrières individuelles et adhésion à un projet collectif?

LAURENT MEUWLY: Le problème est très situationnel. L’année passée à Zurich, on pouvait gagner une médaille au 4x100m et à mon avis, cela aurait dû être la priorité. En 5 jours, faire 3 disciplines différentes avec plusieurs tours, ce n’est pas optimal. Après, dans des JO ou des championnats du monde qui durent 9 jours, la situation est différente. Les athlètes vont moins loin dans les disciplines individuelles et il y a plus de temps à disposition pour récupérer. Si le relais a une chance de gagner une médaille ou de faire une grande finale et que l’athlète en individuel n’a pas ou peu de chance de réaliser une telle performance, il doit regarder à ce que les deux soient compatibles. Si le relais n’a aucune chance, je n’empêcherai jamais une personne de faire deux disciplines individuelles.

"La relève suisse se porte bien"

RTSsport.ch: Avez-vous pris des mesures allant dans ce sens?

LAURENT MEUWLY: On a fait signer aux athlètes une convention de relais dans laquelle on dit que si le relais a des chances de finale mondiale ou olympique ou de médaille au niveau européen, le coureur doit organiser ses courses individuelles de manière à ne pas prétériter les chances du relais. C’était déjà la philosophie mais ce n’était pas sur papier.

RTSsport.ch: Comment abordez-vous les championnats du monde à Pékin?

LAURENT MEUWLY: Les hommes ne sont pas encore certains d’être qualifiés et si on y va l’objectif sera de prendre de l’expérience et de redonner confiance à cette équipe. Chez les femmes, on devra améliorer le record suisse. Si on a la meilleure équipe à disposition, on est capable de le faire. On va aller là-bas avec un objectif minimal de terminer dans les 12 mais l’idéal serait de figurer dans les 8 et donc de participer à la finale.

RTSsport.ch: Comment se porte la relève suisse?

LAURENT MEUWLY: La Suisse romande se profile depuis quelques années comme une région de sprint. Dans notre projet du 4x100 féminin on a 6 filles sur 9 dans le relais qui sont Romandes. Chez les hommes, c’est moins marqué mais il y a aussi cette tendance dans les disciplines du sprint,  du relais et des haies. Par contre, on a plus de difficultés dans les disciplines techniques, saut et lancers car on n’a pas toujours d’entraîneurs suffisamment qualifiés ou qui ont assez de temps pour aider l’athlète à arriver à maturité. C’est plus facile de progresser en sprint ou en relais que dans des disciplines techniques ou les jeunes n’ont pas la patience de passer par les différentes étapes. Mais de manière générale, cela se porte bien. Et concernant le relais, on est très bien positionné pour les prochaines années.

Par Floriane Galaud - @FlorianeGalaud

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