Au bout du fil, c’est une Lea Sprunger enjouée et spontanée qui nous répond. En cette fin de matinée du 8 mars, la jeune Nyonnaise se trouve à Fribourg, où elle travaille à temps partiel dans l’événementiel au sein de l’entreprise de Laurent Meuwly, qui n’est autre que son entraîneur. "C’est pratique" lance-t-elle dans un éclat de rire. Sa bonne humeur se devine. Il faut dire qu’avec son début de saison supersonique (deux titres nationaux sur 200m et 400m), la fille de Gingins peut avoir le sourire.
RTSsport.ch: Au meeting national en salle de Macolin, vous avez remporté le titre sur 200m et 400m, en pulvérisant de plus d'une seconde votre record personnel sur 400m en 52''36. Vous débutez l’année sur les chapeaux de roue!
LEA SPRUNGER: Oui c’est vrai, j’ai réalisé le doublé 200m - 400m en salle. J’ai amélioré mes temps assez nettement avec des chronos marquants au niveau européen. Cela me met en confiance pour la saison à venir et montre que je travaille dans la bonne direction.
Une progression fulgurante
RTSsport.ch: Vous aligner sur 400m, est-ce pour mieux peaufiner votre préparation sur le 400 haies?
LEA SPRUNGER: Le 400m haies en salle n’existe pas donc on court dans des disciplines alternatives. La saison en salle nous aide à savoir où l’on se situe dans la préparation, si le travail effectué en amont a porté ses fruits. Il nous permet de faire une coupure et de réaliser des entraînements plus spécifiques.
RTSsport.ch: Donc vous n’allez pas régulièrement vous aligner sur 400m…
LEA SPRUNGER: Non, le 400m haies reste mon grand objectif. Après, cela n’est pas exclu que je m’aligne sur 200 ou 400m, cela dépend de ce dont j’ai besoin le moment venu. Mais dans les grands championnats, je ne m’aligne que sur le 400m haies.
RTSsport.ch: Est-ce que vous êtes surprise par vos bons résultats?
LEA SPRUNGER: Non, au vu des entraînements, je savais bien que les chronos allaient descendre et que j’allais faire des records. Si je compare avec le niveau européen, j’arrive bien à rivaliser avec les meilleures et c’est ça qui est étonnant et assez fou.
RTSsport.ch: Le stage effectué en Afrique du Sud en début d’année a semble-t-il porté ses fruits…
LEA SPRUNGER: Tout à fait, j’ai fait deux stages en Afrique du Sud, trois semaines en novembre et trois semaines en janvier afin de préparer la saison 2016. J’ai vraiment pu m’entraîner dans de très bonnes conditions sans pépin de santé. J’ai pu suivre mes entraînements sans problème. Et quand tout va, les résultats suivent aussi.
Une discipline belle mais exigeante
RTSsport.ch: Vous avez débuté par de l’heptathlon, puis le 200m et depuis l’année dernière le 400m haies. Vous aimez le changement ou est-ce que ce sera le dernier?
LEA SPRUNGER: Ce sera le dernier. Ce sont des changements qui sont toujours survenus à un moment de ma carrière où je stagnais et où je n’avais pas eu la progression que j’aurais souhaitée. J’avais envie d’atteindre des finales mondiales et de monter sur des podiums européens. Voilà pourquoi j’ai effectué ces changements même si en 2012, j’avais déjà l’idée de partir sur 400m haies.
RTSsport.ch: Et pourquoi cette discipline en particulier?
LEA SPRUNGER: Il y a plusieurs raisons à cela. La première, c’est que je trouve cette discipline hyper belle et intéressante. On dit que c’est la discipline la plus complexe et dure physiquement. Maintenant que je suis dedans, je peux le confirmer. Après, avec mon physique, mon mètre 83 et mes longues jambes, j’ai le profil idéal pour faire du 400m haies. Et du point de vue de la concurrence et du niveau mondial, on voit que les Européennes ont plus de chance d’atteindre des finales mondiales sur 400m haies que sur 400m. C’est aussi un argument qui a fait pencher la balance.
RTSsport.ch: On imagine que l’entraînement n’est plus le même…
LEA SPRUNGER: Non pas du tout (rires). Je garde toujours des entraînements de vitesse parce que j’en ai besoin pour ma force. Mais c’est vrai que je fais davantage d'entraînements d’endurance, de résistance, des entraînements qui physiquement font beaucoup plus mal et qui sont beaucoup plus fatigants pour le corps et la tête. Il faut passablement de force pour arriver jusqu’à la ligne.
RTSsport.ch: Si le 400m haies vous va si bien, pourquoi y êtes-vous venue si tardivement ?
LEA SPRUNGER: Ce n’est pas une discipline que l’on entraîne quand on est jeune. C’est dur pour le corps et mentalement, je n’étais pas prête. C’est une discipline qui fait mal, on ne peut pas être faible dans la tête. A l’époque, à 22 ans, je ne me sentais pas de partir dans cette discipline.
Objectif médaille pour les Européens
RTSsport.ch: Pourquoi avoir décidé de renoncer aux Mondiaux de Portland en salle (17-20 mars) alors que vous avez réussi les minima?
LEA SPRUNGER: Cet été sera chargé avec les Championnats d’Europe à Amsterdam et les JO de Rio. J’ai des ambitions. Je ne veux pas juste y aller, je veux faire une perf’. Ces Mondiaux ne correspondaient pas à notre plan et arrivent tard dans la saison. On a préféré faire une petite saison en salle afin de pouvoir travailler déjà maintenant la préparation en vue de ces deux rendez-vous.
RTSsport.ch: Justement, quelles seront vos ambitions pour ces deux événements ?
LEA SPRUNGER: C’est dur de se prononcer déjà maintenant car je ne connais pas mon niveau sur 400m haies. Avec les performances réalisées cet hiver, je sais que mes chronos vont descendre mais l’objectif est de me qualifier pour les finales. A Amsterdam, je viserai une médaille mais je suis encore une débutante dans la discipline. Il faut attendre encore deux ou trois compétitions pour voir où je me situe. Pour les JO, on sait que le niveau mondial augmente, mais je pense qu’une finale, même si ce sera dur, est envisageable. Après, ce ne sera que du bonus!
RTSsport.ch: Le record d’Anita Protti sur 400m haies (54''25) vous y pensez ? Vous vous sentez capable de le battre ?
LEA SPRUNGER: Je suis à plus d’une seconde de son record mais oui, j’y pense. Anita est de Lausanne, c’est une personne que j’ai côtoyée. C’est clair que c’est un objectif mais je ne sais pas quand je vais pouvoir l’approcher et le battre. Rapidement, j'espère!
Par Floriane Galaud - @FlorianeGalaud
Lea Sprunger: "Je rêve d'ouvrir un magasin de fleurs"
RTSsport.ch: Vous arborez le tatouage d’une ancre en haut de la cuisse, que représente-t-il?
LEA SPRUNGER: Il ne représente rien, il n’a aucune signification. J’ai toujours voulu avoir un tatouage à cet endroit-là et j’aime bien l’image de l’ancre.
RTSsport.ch: Que faites-vous avant une course?
LEA SPRUNGER: Cela dépend de l’enjeu. J’aime bien être seule. Je suis dans mon coin, je fais mes exercices. Je n’aime pas forcément parler dans ces moments-là.
RTSsport.ch: Dans quel état d’esprit êtes-vous avant chaque course?
LEA SPRUNGER: Cela dépend. Avec le temps, je m’habitue un peu plus. Sur 400m, on sait qu’on va tenir les 300 premiers mètres et qu’après on va avoir mal. C’est un peu d’appréhension et beaucoup de concentration.
RTSsport.ch: Si vous n’aviez pas été athlète?
LEA SPRUNGER: C’est un rêve qui ne se réalisera jamais mais j’aimerais ouvrir un magasin de fleurs et un café. J’ai grandi dans la nature avec ma famille, j’ai toujours été confrontée aux fleurs, aux plantes. Ma maman a beaucoup de rosiers et de géraniums. J’adore offrir et recevoir des fleurs. Je suis un peu rêveuse, j’aimerais bien que ça se réalise même si ce n’est pas faisable.
Lea Sprunger et...
Son film préféré: Je ne suis pas film du tout. Je préfère la lecture. Quand je suis en Suisse, je lis rarement. Mais lorsque je suis en voyage, j’ai toujours des livres avec moi. Mais ce sont des romans de filles où il ne faut pas trop réfléchir (rires)
Sa chanson préférée: Je n’ai pas de chanson préférée. Ces temps, j’écoute beaucoup le titre "Faded" d’Alan Walker.
Son plat préféré: C’est un plat familial que ma maman fait très bien: les patates au jambon. C’est un gratin de pommes de terre avec du jambon, du fromage et une sauce béchamel.
Son endroit préféré: J’ai quitté la maison de mes parents et j’aime bien y retourner. C’est un endroit hyper calme avec un petit ruisseau qui passe dans le jardin. J’arrive bien à me reposer.
Son meilleur souvenir d’athlète: Mon record sur 200m aux Championnats d’Europe à Helsinki en 2012. Je venais de changer de discipline. Les conditions n’étaient pas réunies pour réussir une performance. On était tôt le matin, le sol était humide et même mon entraîneur n’y croyait pas. Et j’ai couru comme je n’ai jamais recouru après. Mon chrono m’a permis de me qualifier pour les JO de Londres.
Son pire souvenir d’athlète: Notre drame des Championnats d’Europe en 2014 à Zurich avec le relais 4x100m quand le témoin tombe après 2 mètres lors de la finale.