Le 5 octobre 1995, Erhard Loretan devient le 3e homme à gravir les 14 sommets de 8'000 mètres du globe terrestre. Une performance qui le propulse sur le devant de la scène médiatique. "Passe-moi les jumelles" en profite alors pour partir à sa rencontre.
"Avec Pierre-Antoine Hiroz, guide et fidèle réalisateur de PAJU, on nous disait que cela ne servait à rien d’aller voir Erhard parce que c’était un taiseux comme le sont souvent les montagnards. Mais j’ai quand même voulu insister et je n’ai pas été déçu", souligne Benoît Aymon.
Dans 'L’écume des cimes', il y a des passages où il n’y a pas une coupe, pas un plan d’illustration. Erhard a une telle présence devant la caméra que cela suffit
Cette rencontre débouchera sur une belle amitié entre les deux hommes et donnera naissance au reportage "L’écume des cimes". Un sujet dans lequel Erhard Loretan se livre sur son rapport à la montagne et raconte l'ascension de l’Everest effectuée avec son compagnon de cordée Jean Troillet en 1986.
"Dans 'L’écume des cimes', il y a des passages où il n’y a pas une coupe, pas un plan d’illustration. Erhard a une telle présence devant la caméra que cela suffit. Durant mon parcours de journaliste, ce genre de situation ne m’est pas arrivé souvent (sourire)", ajoute Benoît Aymon. "Pour faire une bonne interview, la clé du succès est d’avoir la confiance de la personne que l’on a en face de soi. C’est ce qui s’est passé avec Erhard", glisse celui qui est désormais directeur artistique du Festival international du film alpin des Diablerets.
Quand un montagnard de cette qualité-là prend la parole, cela parle au cœur des gens
La fascination exercée par Erhard Loretan auprès du public fonctionne et continue encore de l’être aujourd’hui. Pour Benoît Aymon, cela réside avant tout dans l’attachement des Suisses à la montagne. "Quand un montagnard de cette qualité-là prend la parole, cela parle au cœur des gens. La montagne fait partie de notre identité culturelle. Il a aussi une générosité et une modestie qui plaisent aux Helvètes. Malgré sa réussite sportive, il n’a jamais cherché à se mettre en avant".
Outre ses exploits sur les plus hauts sommets de la planète, Erhard Loretan a également marqué les esprits avec les "premières" qu’il a réalisées, à l’instar de la conquête du Mont Epperly en Antarctique à la fin de l’année 1994. L’alpiniste tessinois Romolo Nottaris est retourné avec le Fribourgeois une année plus tard au même endroit afin de retracer cette ascension avec un film, dont des images sont intégrées dans "L’écume des cimes".
"Nous avons fait cinq fois des reportages longs avec Erhard dans 'Passe-moi les jumelles'. Aucune autre personne n’a eu droit à autant de présences dans l’émission. La dernière fois, c’était avec le reportage 'Respirer l’odeur du ciel' qui a été produit à la suite de son décès le 28 avril 2011", indique Benoît Aymon. "L’écume des cimes" et "Respirer l’odeur du ciel" sont les deux sujets les plus primés de l’histoire de PAJU. Ces distinctions ont à chaque fois été obtenues dans des festivals à l’étranger. "C’est plutôt pas mal pour un taiseux", conclut Benoît Aymon.
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Sportif romand du siècle
En 1999, Erhard Loretan est élu sportif romand du siècle devant des athlètes au palmarès fournis de titres olympiques ou mondiaux. Une récompense qu’il doit à ses exploits, son charisme et sa simplicité. "Avec Jean Troillet, il a mis au point la technique d’ascension 'vite et léger'. Elle a marqué le monde de l'alpinisme et elle inspire encore aujourd’hui tous les himalayistes", précise Benoît Aymon.
Un destin qui bascule en 2001 et 2011
Erhard Loretan a vu son destin basculer une 1re fois en décembre 2001 avec le décès de son fils de sept mois. Un drame pour lequel il sera reconnu coupable d’homicide par négligence. "La perte de son fils a été extrêmement dure pour lui. C'est un accident qui a eu une conséquence fatale", relève Benoît Aymon. Le Gruérien se concentrera ensuite sur son métier de guide. Il reviendra dans ce rôle devant les caméras de PAJU pour le tournage de la Haute Route d’hiver en 2009. Deux ans plus tard, le jour de ses 52 ans, il perdra la vie lors d'une chute au Grünhorn dans le Haut-Valais.
Des films de Loretan présentés cet automne
En collaboration avec le Musée gruérien, le Musée alpin suisse prépare deux rendez-vous en fin d'année à l'occasion des dix ans de la disparition d'Erhard Loretan. Ces événements, organisés autour de films tournés par l'alpiniste, auront lieu à Berne le 17 novembre et le 24 novembre à Bulle. De plus, une exposition verra le jour d'ici deux ans avec ses archives personnelles.