Quelques jours après la St-Patrick, l'Irlande est à nouveau en
fête. Le XV du Trèfle a en effet décroché le deuxième Grand Chelem
de son histoire dans le Tournoi des Six Nations grâce à un
difficile succès 17-15 contre les Gallois au Millenium Stadium de
Cardiff. Au bout d'un suspense insoutenable, ce match
extraordinairement intense a finalement basculé sur un drop de
Ronan O'Gara et un raté de Stephen Jones.
Les deux ouvreurs se donnaient l'accolade à la fin de la
rencontre. Ils venaient de décider du sort de la rencontre qui
aurait parfaitement pu se terminer par une nouvelle désillusion
irlandaise, la plus cruelle d'entre toutes, au terme de ce qui fut
le match le plus abouti des Irlandais dans le Tournoi.
Le raté de Jones
Jusqu'aux ultimes secondes, l'Irlande, qui n'avait plus remporté
le Tournoi depuis 1985 et n'avait plus goûté au Grand Chelem depuis
1948, a pu se croire à jamais maudite. Leur bourreau semblait
devoir être l'arbitre anglais Wayne Barnes, qui signalait un
hors-jeu de Paddy Wallace, face aux poteaux, presque à la moitié du
terrain (80).
Loin, mais dans les cordes de Jones, auteur d'un sans-faute faute
(quatre pénalités et un drop), qui avait permis aux siens de rester
au contact malgré les essais inscrits en début de seconde période
par l'extraordinaire Brian O'Driscoll et Tommy Bowe (44, 46,
14-6).
Mais l'ouvreur semblait se précipiter. Dès sa course d'élan, il
était écrit que le ballon ne passerait jamais les poteaux de la
victoire galloise et de la détresse irlandaise.
Dans les tribunes, un des huit survivants de 1948, l'ouvreur John
Kyle, était extatique. Après 61 ans d'attente, il avait trouvé ses
successeurs. Les joueurs communiaient avec leurs supporteurs, qui
désespéraient de voir la "génération dorée" et l'idole O'Driscoll
se couvrir d'une gloire méritée.
L'Irlande s'impose en championne
Le match a tué dans l'oeuf les critiques naissantes sur une
Irlande qui ne serait qu'un vainqueur par défaut d'un Tournoi
petite cuvée, ne tirant profit que des largesses défensives
françaises (30-21), de l'indiscipline anglaise (14-13), des
insuffisances écossaises (22-15) et italiennes (38-9).
Menée par un Paul O'Connell impérial en touche comme dans le
combat et un O'Driscoll magnifique de rage, comme l'a montré son
essai ou son abattage défensif, l'équipe de Declan Kidney s'est
imposée en championne. Mais pour la première fois du Tournoi,
peut-être paralysée par l'enjeu, elle a parfois manqué de réalisme,
ne faisant pas fructifier ses temps forts. Et à la pause, les
Gallois viraient en tête (6-0).
L'Irlande réagissait de façon splendide en inscrivant deux essais,
le premier à l'issue d'un travail de "pick and go", conclu sur la
ligne par un O'Driscoll, qui se réinventait avant. Puis par
l'ailier Tommy Bowe, qui échappait à Gavin Henson sur un ballon
au-dessus d'O'Gara.
La portée de l'événement semblait alors inhiber les Irlandais qui
se mettaient à la faute et permettaient à Jones de faire recoller
son équipe. L'ouvreur la mettait brièvement devant grâce à un drop
après une invraisemblable percée du demi de mêlée Mike
Phillips.
Mais idéalement placé par ses avants, O'Gara envoyait la réponse
du berger. Il aurait été dommage que Jones vienne faire taire la
joie hurlée par la foule verte venue en masse, qu'il détruise les
rêves de gloire d'O'Driscoll le magnifique. L'ouvreur gallois n'en
a pas eu le coeur. Son pied a tremblé.
L'Angleterre deuxième
Par ailleurs, l'Angleterre s'est assurée de la 2e place finale
grâce à sa victoire contre l'Ecosse (26-12), alors que la France a
fait oublier sa piteuse prestation de Twickenham dimanche dernier
en laminant une faible Italie (50-8) à Rome.
agences/rsch
Réactions
Paul O'Connell (2e ligne de l'Irlande): "J'ai cru que la pénalité (ndlr: de Stephen Jones dans les ultimes secondes) allait passer. Je l'ai vue dans la cible. Et je me suis dit: On l'a perdu. Je suis passé d'un moment où je perdais tout à un moment où je gagnais tout. C'est un moment immense. Cela fait sept ans que je joue pour l'Irlande. Il y a eu tellement de moments si serrés. Cela a été trop long. Nous le voulions plus que tout. Les trois derniers matches, on n'a pas très bien joué. Mais on a fait le boulot et on a obtenu ce qu'on voulait. Je ne dirais pas que c'était maintenant ou jamais, mais c'était une de nos meilleures chances. Et elles ne se représentent pas très souvent. Nous avons beaucoup de chance de l'avoir fait".
Stephen Jones (ouvreur du pays de Galles): "La pénalité est partie tout droit, mais je n'avais plus les jambes. Durant les cinq dernières minutes, on est passé par tout le spectre des émotions. On a fait preuve de calme. Même si c'est décevant de prendre aussi rapidement ces 14 points (ndlr: ces deux essais en début de seconde période). Mais on n'a pas lâché. L'Irlande a joué un rugby intelligent. C'est une déception. Durant ce Tournoi, on a bien joué par intermittence. On n'a jamais fait 80 minutes pleines. Il faut examiner ça et revenir plus fort et plus grand."
Ryan Jones (capitaine du pays de Galles): "Il y a eu deux équipes qui y sont allées au marteau, qui ont tout donné pendant 80 minutes. J'ai tout croisé en espérant que la pénalité passe. Mais cela n'a pas été le cas. Cela n'enlève rien à l'Irlande. Ils méritent ce qu'ils ont et ont très bien joué aujourd'hui. Ils sont allés gagner ce Grand Chelem à l'extérieur, en montrant un calme et une discipline fantastiques pour décrocher une de ces victoires qui offrent les championnats".
afp
Tournoi des Six Nations
5e et dernière journée
Italie - France 8-50 (3-25)
Angleterre - Ecosse 26-12 (15-3)
Pays de Galles - Irlande 15-17 (6-0)
Déjà joués:
Angleterre - Italie 36 - 11
Irlande - France 30 - 21
Ecosse - Pays de Galles 13 - 26
France - Ecosse 22 - 13
Pays de Galles - Angleterre 23 - 15
Italie - Irlande 9 - 38
France - Pays de Galles 21 - 16
Ecosse - Italie 26 - 6
Irlande - Angleterre 14 - 13
Italie - Pays de Galles 15 - 20
Ecosse - Irlande 15 - 22
Angleterre - France 34 - 10
Classement final
1. Irlande 10 pts
2. Angleterre 6 pts
3. France 6 pts
4. Pays de Galles 6 pts
5. Ecosse 2 pts
6. Italie 0 pt