En poste depuis 2009, celui qui se décrit lui-même comme un "ministre des crises" vivra ses troisièmes JO dans ce rôle. Un poste qui demande "de l'empathie et du feeling avec les athlètes", raconte l'ancien chef du sport de compétition chez Swiss-Ski.
Directeur malheureux de la candidature avortée des Grisons pour l'organisation des JO 2022, Gian Gilli s'est prêté au jeu des questions-réponses pour RTSsport.ch.
RTSsport.ch:Les Jeux de Sotchi approchent à grands pas. On a néanmoins l'impression de parler plus de l'aspect politique que du sportif...
GIAN GILLI: Oui, c'est vrai. Les médias écrivent beaucoup à ce sujet, du coup le sport se retrouve instrumentalisé. Mais les sportifs n'y peuvent rien si on a attribué les JO à Sotchi. Il faut l'accepter. La Russie a son histoire et une autre mentalité que la nôtre, ce n'est pas pour autant que c'est moins bien. Et ces Jeux peuvent aider la Russie à s'ouvrir, à accélérer les progrès en vue d'une société moderne. Chacun peut avoir son opinion, de notre côté nous irons là-bas pour avoir du succès sportif.
"Il n'existe pas de JO qui coûtent rien"
RTSsport.ch:
La question de la sécurité est omniprésente. Avez-constaté une évolution à ce sujet durant votre carrière?
GIAN GILLI: Oui. Cela a commencé avec les Jeux de Salt Lake City en 2002. Les mesures de sécurité avaient été intensifiées, c'était un grand pas. En tant qu'athlète, coach ou autre, on ne remarque pas forcément la sécurité, c'est important. Mais c'est bien aussi de voir que des policiers sont présents. Il faut avoir un juste milieu sans que cela soit trop agressif.
A Londres en 2012, c'était fantastique. Les personnes chargées de la sécurité faisaient tout pour aider. L'hospitalité était extraordinaire. On sentait que ces gens aimaient le sport.
RTSsport.ch:Une autre critique récurrente concerne les milliards que ces Jeux ont coûté. Jusqu'où ira-t-on?
GIAN GILLI: Il n'existe pas de JO qui ne coûtent rien. Les infrastructures coûtent cher. Concernant Sotchi, il y a une stratégie derrière tout ça: développer une ville de sport avec des stations de ski, un circuit de Formule 1, etc. Ils ont construit en huit ans ce que nous avons mis des décennies à mettre sur pied, ça peut choquer. La Russie veut son St-Moritz, son Beaver Creek. C'est clair que ça coûte.
RTSsport.ch:Reverra-t-on un jour des Jeux olympiques à "taille humaine"?
GIAN GILLI: Il y a eu une évolution. Il y a maintenant plus de disciplines et donc plus de sportifs. A mon sens, les JO d'hiver doivent avoir lieu dans les montagnes.
"Une ou deux médailles de plus qu'à Vancouver"
RTSsport.ch:C'était l'idée de la candidature des Grisons pour les JO 2022?
GIAN GILLI: Oui tout à fait! Malheureusement, la population a refusé. Nous avons manqué l'opportunité d'avoir des jeux plus petits avec des infrastructures existantes. Cela aurait été bien de donner au CIO une alternative aux récents jeux qui sont de plus en plus grands. Il faut accepter cette décision, même si je ne la comprends pas.
RTSsport.ch:
Revenons au sport. Les athlètes suisses cartonnent cet hiver. Peut-on craindre qu'ils soient prêts trop tôt?
GIAN GILLI: Non je ne crois pas. C'est toujours bien de gagner, ça donne de la confiance en début de saison, c'est une bonne base. Tout le monde n'est pas forcément en forme en début de saison. Une saison olympique, c'est spécial. Il y a différentes stratégies pour arriver au top le jour J. Mais depuis le début de l'hiver, on montre qu'on est là. Nous avons 10-12 athlètes qui sont régulièrement sur le podium.
RTSsport.ch:Que peut-on attendre des Suisses à Sotchi? Peut-on faire mieux qu'à Vancouver (9 médailles dont 6 en or)?
GIAN GILLI: Ca sera dur de faire mieux au niveau des médailles d'or, mais je pense qu'on peut faire une ou deux médailles de plus. Nous avons une équipe talentueuse, nous avons de grandes chances de podium dans plusieurs disciplines comme le bob à deux, le ski alpin, le snowboard, le fond, le saut, le skicross, etc.
Une formation sur les réseaux sociaux
RTSsport.ch:Les sportifs sont de plus en plus présents sur les réseaux sociaux. Ont-ils reçu des consignes de Swiss Olympic afin d'éviter tout dérapage?
GIAN GILLI: Nous offrons aux athlètes et aux fédérations une formation sur les médias, on leur donne des conseils. Les réseaux sociaux peuvent représenter un danger. On l'a vu à Londres. On se souvient de l'affaire Morganella (réd: joueur de l'équipe de Suisse de foot, il avait été renvoyé chez lui suite à un message injurieux sur Twitter). Nos athlètes doivent faire preuve de discipline, mais ils ont maintenant une bonne expérience des réseaux sociaux. Le cas échéant, ils peuvent consulter une plate-forme sur internet qui leur donne des conseils.
RTSsport.ch:Si vous aviez une baguette magique, quel voeu exauceriez-vous?
GIAN GILLI: J'en aurais deux. Le premier est de revenir en Suisse avec une équipe en bonne santé, c'est la priorité. Le deuxième est de faire beaucoup de médailles. Nous avons des objectifs en terme de performance mais pas de résultat. Il y a des choses sur lesquelles nous n'avons aucune emprise. Un athlète peut réaliser la performance de sa vie mais ne pas avoir de médaille. S'il vise un résultat, il sera moins bon.
RTSsport.ch:Vous engagez-vous à boire une vodka pour chaque médaille suisse?
GIAN GILLI: Pas de problème (rires)! J'espère même que j'en boirai deux ou trois par jour, ça sera bon signe!
Propos recueillis par Axel David