Que de chemin parcouru pour la Patrouille des Glaciers (PdG) depuis sa création. Réintroduite en 1984 après une absence de plus de trois décennies suite à la disparition tragique d’une patrouille lors de l’édition de 1949, la course a connu dès lors un succès qui ne démord pas.
Un seul chiffre pour illustrer le phénomène: il y aura près de 1800 patrouilles composées de trois athlètes cette année alors que l’on en dénombrait 190 en 1984. Sortie de l’imaginaire militaire en 1943 afin d’évaluer la capacité d’engagement de la brigade de montagne 10, la Patrouille des Glaciers reste indissociable de l’armée suisse, qui en assure l’organisation.
"Nous sommes bien préparés"
"Nous sommes bien préparés et nous peaufinons actuellement les derniers détails", nous lance d’entrée Max Contesse. Le nouveau "patron" de l’épreuve semble à l’aise pour sa grande première en tant que commandant. Il faut dire que le colonel de 60 ans n’évolue pas en terre inconnue. Le Neuchâtelois a déjà pu faire ses armes comme remplaçant du Haut-Valaisan Ivo Burgener, auquel il vient de succéder, sans compter que la montagne est une véritable passion pour ce féru de ski-alpinisme.
Parfaitement conscient que la nature a toujours le dernier mot, la priorité pour Max Contesse est donc claire : "la sécurité avant tout". Pour RTSsport.ch, le natif de Saint-Blaise donne sa conception de la Patrouille et évoque l’avenir de cette dernière.
RTSsport.ch: M. Contesse, comment expliquer le succès toujours grandissant de la Patrouille des Glaciers ?
Max Contesse: D’abord, la pratique du ski-alpinisme est forte en Suisse romande de par l’influence des pays latins voisins où ce sport s’est bien développé.
Ensuite, le succès du nombre de participants à la "PdG" vient du fait que c’est une épreuve reine. Ceci notamment car elle se dispute avec des équipes de trois athlètes. Nous avons conservé cette tradition de la première édition et dans l’esprit montagnard, vous ne partez jamais à deux pour ce genre d’épreuve, question de sécurité.
Un départ spécifique pour l’élite à l’avenir ?
RTSsport.ch: Sur un plan plus personnel, vous avez participé en tant que sportif à la Patrouille, quels souvenirs en gardez-vous ?
Max Contesse:
Pour moi, la Patrouille c’est grandiose. La première fois, il y a forcément une part d’incertitude. Pendant la course, il n'est pas rare de connaître un passage à vide et nous nous demandons alors vraiment ce que nous faisons-là (rires). Au final, la volonté de terminer la course à trois
incite à se surpasser pour aller jusqu’au bout.
Mais, ce qui m'a le plus marqué c'est la partie de préparation qui a lieu en amont de la course. Nous débutons avec une équipe de copains au sein de laquelle une amitié très profonde arrive à se créer au fil des entraînements.
RTSsport.ch : Certaines voix n’hésitent pas à dire que la Patrouille a perdu aujourd'hui une partie de son âme, de son esprit montagnard (trop de business, d’argent). Vous partagez ce point de vue ?
Max Contesse: Nous accueillons l’élite suisse, européenne voire mondiale, qui s’élance avant tout pour le chronomètre. Ces sportifs, nous amènent du monde et de la notoriété avec un suivi médiatique. Les populaires, eux, recherchent également une bonne performance mais ce qui compte, pour la grande majorité, c’est de finir la course en équipe. L’argent en lui-même, n’a que peu d’influence car les vainqueurs n’en reçoivent pas.
Cela étant, nous ne pouvons pas nous limiter aux populaires. Parce que si l’épreuve a pris de l’ampleur, c’est en partie grâce aux élites. D’où l’idée de mener une réflexion pour l’avenir, qui viserait à faire un pas en direction de cette catégorie. Il n’y a rien de concret, je tiens à le souligner, mais nous pourrions imaginer faire un départ particulier pour les élites à une heure bien précise, sur un parcours vide d’autres patrouilles. Dans ce cas-là, nous aurions une véritable course contre-la-montre.
Une volonté d'accueillir plus de patrouilles
RTSsport.ch: Justement, vous avez émis des doutes dernièrement sur la faisabilité de remporter à l’avenir l’épreuve (Zermatt-Verbier) en moins de six heures (ndlr : 5h52 min en 2010). Les records sont-ils terminés ?
Max Contesse: Avec l’accueil de patrouilles supplémentaires sur le parcours, cela va devenir compliqué car il y a plusieurs passages obligés. Il y a par exemple celui du col de Riedmatten, où il faut descendre ensuite au compte-gouttes. Il ne faut alors pas s’imaginer que chacun va se retirer en pleine nuit pour laisser passer les plus rapides.
Il y a aussi les postes de contrôle, où l’on peut perdre du temps s’il y a d’autres patrouilles qui attendent. Il convient d’avoir à l’esprit qu’il n’y a pas de passe-droit et de voie rapide comme on peut en avoir à l’aéroport (sourire).
RTSsport.ch: Derrière cette volonté d’accueillir plus de patrouilles (1800 contre 1400 pour 2012), est-ce que nous pouvons y déceler la patte de Max Contesse ?
Max Contesse:
C’est un petit peu ma patte, effectivement. En voyant l’engouement au niveau des inscriptions au cours de l’automne dernier, j’ai fait une proposition à mon Etat-major pour voir si nous pouvions augmenter la participation. Je dois avouer que cela me faisait mal de ne pas pouvoir prendre plus de patrouilles car nous aurions dû alors refuser plus de la moitié des patrouilles civiles inscrites.
RTSsport.ch: La Patrouille est populaire en Suisse romande, mais elle reste moins suivie de l’autre côté de la Sarine. Avez-vous des pistes pour en faire un véritable événement national ?
Max Contesse: Une des pistes est de parler le Suisse allemand, ce qui est mon cas (sourire). Je me bats pour que l’on quitte cette mentalité qui consiste à dire que la Patrouille est valaisanne. Les montagnes sont valaisannes, certes, mais nous avons par exemple cette année sur la PdG un bataillon d’infanterie qui vient de Suisse centrale. De plus, un effort peut être fait en attirant des médias d’outre-Sarine. Cette année, le Blick a édité un cahier spécial d'une dizaine de pages sur la Patrouille des Glaciers dans son édition du dimanche 27 avril.
«Je demeure très confiant pour la suite»
RTSsport.ch: Pour terminer, la combinaison armée-Patrouille peut-elle perdurer dans un contexte où l’armée cherche à réduire ses effectifs ? Quid des éditions 2016 et suivantes ?
Max Contesse:
Selon les dernières informations en ma possession, la Patrouille des Glaciers aura lieu en 2016. Sinon, j’ai pour mission de voir où il est possible de diminuer d’une manière ou d’une autre les tonnages et les effectifs engagés sur l’épreuve, en vue d'une nouvelle réforme que l'armée devrait mener dans le futur.
Cela dit, je demeure très confiant pour la suite. La PdG est le dernier endroit en Suisse où nous pouvons tester la capacité de nos cadres à tous les niveaux. Ensuite, elle fait office de vitrine pour le pays avec quand même 31 nations présentes cette année, ce qui est énorme. Enfin, cette course joue un rôle sur le plan social. Je pense qu'elle peut être perçue comme un vecteur de motivation incroyable pour encourager les gens à faire du sport.
Propos recueillis par Sébastien Schorderet
Le Commandant dans la vie civile
Une profession avant la carrière militaire ?
- J’ai fait une formation dans le domaine alimentaire. Je suis ensuite entré sur le tard dans l'instruction militaire, à l’âge de 35 ans.
Un autre sport que le ski-alpinisme ?
- J’ai deux grandes passions. La montagne avec le ski-alpinisme et la deuxième, qui est pratiquement en opposition, c’est l’eau. Je navigue beaucoup avec mon voilier sur le lac de Neuchâtel. Mais, il y a néanmoins un parallèle entre ces deux passions avec la nature et la météo.
Votre plus grande qualité ?
- Le travail bien fait.
Votre plus grand défaut ?
- Parfois impatient. Il faut dire que j’ai tendance à exiger beaucoup de moi-même et de mes collaborateurs.
Une devise qui vient tient à coeur ?
- Ne pas subir! C’est une devise qui me suit depuis longtemps. J’entends par là, ne pas subir les éléments, prendre le temps de réfléchir et anticiper si c’est possible.
La Patrouille des Glaciers 2014 : Programme
30 avril: 21h00, 1er départ à Zermatt.
1er mail 03h30, 1er départ de la petite patrouille à Arolla.
1er mai: dès 08h30 environ, arrivée des 1ères patrouilles à Verbier.
2 mai: 21h00, 1er départ à Zermatt. Les patrouilles des favoris s'élancent à 3h00.
3 mai: 03h30, 1er départ de la petite patrouille à Arolla.
3 mai: dès 08h30 environ, arrivée des 1ères patrouilles à Verbier.
Zermatt-Verbier (53km, 110 km/effort), les records :
Patrouille masculine: Martin Anthamatten, Yannick Ecoeur et Florent Troillet; 5h52'22" en 2010.
Patrouille féminine: Nathalie Etzensperger, Emilie Gex-Fabry et Marie Troillet; 7h41'18'' en 2010.