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Jean Moix: "Autant de passion qu'il y a 30 ans!"

Jean Moix, Wim Pasquier et Robert Wehren (de dr à g.) nourrissent toujours le même enthousiasme pour la PdG. [Sandra Zimmerli]
Jean Moix, Wim Pasquier et Robert Wehren (de dr à g.) nourrissent toujours le même enthousiasme pour la PdG. - [Sandra Zimmerli]
Tous les deux ans, la Patrouille des Glaciers attire son lot d'amateurs de ski-alpinisme. Cette année, 5316 chanceux participeront à cette mythique course. Parmi eux, Jean Moix, fidèle de l'épreuve depuis 1984. A quelques jours de son départ, ce passionné de montagne s'est confié à RTSSport.ch.

En 30 ans, Jean Moix n'a manqué aucune édition de la Patrouille des Glaciers (PdG). Mais ce garde-frontière valaisan a de qui tenir. Son père Euphémien a lui participé 7 fois à la PdG, réalisant sa dernière course à 80 ans en 1996!

Samedi à 1h00, Jean Moix (56 ans) s'élancera depuis Zermatt avec ses coéquipiers Robert Wehren et Wim Pasquier, qui ont également toujours pris le départ de la PdG depuis 1984.

A eux trois, ces amis cumulent 190 ans et constituent une des patrouilles la plus âgée de la course.

"Toute la préparation est formidable"

RTSsport.ch:Vous allez participer à votre 16e édition de la PdG. Qu'est-ce qui vous pousse à courir tous les deux ans?

JEAN MOIX: Avant tout, c’est la passion de la haute montagne. Et puis, je cours avec mes 2 amis, Robert et Wim. C'est la 6e édition qu'on fait ensemble. On a énormément de plaisir. J'ai donc toujours autant de passion qu'il y a 30 ans, si ce n'est plus! C'est pareil pour mes coéquipiers.

La préparation a été optimale pour Jean Moix et ses coéquipiers.
La préparation a été optimale pour Jean Moix et ses coéquipiers.

RTSsport.ch:

Comment vous êtes-vous préparé?

JEAN MOIX: Maintenant que je travaille à Genève, je peux moins faire du ski-alpinisme, donc je cours, je fais du VTT. Quand je suis en Valais, je profite de faire de la haute montagne.

Au niveau des dénivelés, je pense avoir environ 80'000 m dans les jambes. Les meilleurs, comme Florent Troillet (réd: détenteur du record), tournent autour de 200'000-400'000.

RTSsport.ch: Prenez-vous plus de plaisir dans la préparation ou dans la course?

JEAN MOIX: Ce qui est vraiment formidable, c'est toute la préparation qu'on fait ensemble. Chaque semaine, on réalise une belle sortie en montagne. Cet automne, on a notamment fait le tour du Cervin en 4 jours. C'était magnifique!

"Toute une aventure à  l'époque"

RTSsport.ch: Depuis 30 ans, vous avez dû voir des changements dans la PdG....

JEAN MOIX: Oui, cela a bien changé, notamment au niveau du matériel. A l'époque, c'était toute une aventure. Lors de ma première PdG, en 1984, j'avais inventé des bâtons renforcés! On avait des skis très étroits, des souliers en cuirs. Aujourd'hui, nos skis pèsent à peine 500-600g et les souliers 500g, ça n'a plus rien à voir.

Jean Moix (à dr.) et sa patrouille à l'arrivée en 1998.
Jean Moix (à dr.) et sa patrouille à l'arrivée en 1998.

La préparation du parcours a également évolué. Les premières années, c'était juste un cheminement de haute montagne. Maintenant, c'est une autoroute! Ils vont avec le ratrak jusqu'au Col de Riedmatten. A Bertol, ils font des tranchées, où on peut monter en skating.

RTSsport.ch: L'esprit de la PdG, celui de la montagne, est-il lui resté le même?

JEAN MOIX: Non, ce n'est plus la même chose. Les frères Salamin, qui ont gagné à l'époque, étaient des guides de montagne. La plupart d'entre nous étaient des gens qui connaissaient bien la montagne. A présent, je vois des choses incroyables, quand je m'entraîne!

L'autre jour, au Pigne d'Arolla, il y avait des dizaines de personnes qui montaient comme sur une piste de ski. Beaucoup n'avaient pas de baudrier ou de corde... Je suis d'ailleurs étonné qu'il n'y ait pas plus d'accidents. Moi, je garde l'esprit de la montagne. Il faut la respecter. Malheureusement, certains n'ont plus cet esprit.

"Mon père, c'était mon exemple"

RTSsport.ch: Vous, vous avez la montagne dans le sang, grâce à votre père Euphémien.

JEAN MOIX: C'était mon exemple.  Il m'a transmis le virus de la montagne lorsque j'étais petit. On partait en montagne tous les week-ends. Il m'a amené à la Pointe Dufour, quand j'avais 15 ans. C'était magnifique!

Mon papa a participé à 7 éditions de la PdG, de 1984 à 1996. En 1998, à 82 ans, il était prêt à repartir, mais on lui a dit qu'il devrait peut-être arrêter!

RTSsport.ch: Vous avez d'ailleurs eu la chance de courir une PdG avec lui...

JEAN MOIX: Oui, en 1996. Mon père avait 80 ans. Pendant 2 mois, je n'avais pas pu m'entraîner à cause d'une blessure. Mais je voulais absolument participer avec mon papa donc on avait fait la petite patrouille. C'est mon plus beau souvenir.

Euphémien Moix, le père de Jean, a couru 7 fois la PdG.
Euphémien Moix, le père de Jean, a couru 7 fois la PdG.

RTSsport.ch:

Et quel est votre pire souvenir?

JEAN MOIX: Le pire, c'était l'édition de 1986. On était monté une heure jusqu'à la cabane Schoenbiel et on avait dû rebrousser chemin à cause du mauvais temps. En plus, j'avais des ennuis de fixation.

Cette année-là, on était une bonne équipe, on se bagarrait pour les podiums, donc c'était un peu une déception d'abandonner. Mais on a su plus tard que la course était arrêtée. Cela nous a soulagé.

"Courir la PdG en 6h, c'est incroyable"

RTSsport.ch: Cela s'est-il toujours bien passé avec les autres concurrents?

JEAN MOIX: Oui, on se connaît tous plus ou moins. On est une petite famille. Même les meilleurs, c'est des copains. Quand j'allais à l'époque pour faire des podiums, c'est sûr qu'il y avait une rivalité. Mais il faut penser que le vainqueur gagne juste une médaille!

RTSsport.ch: Malgré cette absence d'argent, la PdG a connu un cas de dopage en 2008. Un cas unique selon vous?

JEAN MOIX: Non, je ne pense pas que c'est une exception. Je suis persuadé que certains se dopent même chez les amateurs. Vous seriez étonnée...

RTSsport.ch: Pensez-vous que le record de 5h52 établi en 2010 puisse être battu sans dopage?

JEAN MOIX: Faire ce parcours en moins de 6h c'est incroyable, mais je ne dis pas qu'il y a du dopage là-dessous. Je ne crois cependant pas que les temps vont pouvoir continuer à baisser comme cela, c'est impossible. Sinon, ça fait peur!

La PdG est incontournable pour Jean Moix (3e depuis la droite), ici lors de l'édition 1998.
La PdG est incontournable pour Jean Moix (3e depuis la droite), ici lors de l'édition 1998.

C'est quand même une course de 53km, qui se fait en 3-4 jours à un rythme normal. Et au niveau du matériel, c'est difficile de l'améliorer.

"J'espère faire encore quelques PdG"

RTSsport.ch: Avez-vous toujours l'esprit de compétition pour votre 16e PdG?

JEAN MOIX: On a toujours un peu l'esprit chronomètre pendant la course. Cette année, on espère relier Verbier en 10-11h, ce qui serait déjà un bon temps dans notre catégorie. On s'est bien préparé, malgré notre âge avancé, donc on a aussi une petite envie de faire une médaille en vétéran.

RTSsport.ch: Est-ce que vous vous voyez faire la PdG jusqu'à 80 ans, comme votre père?

JEAN MOIX: J'espère en faire encore quelques-unes, même si je ne cherche pas un record de durée. Peut-être que dans quelques années, je ferai la petite, car l'entraînement pour la grande patrouille est exigent. Vis-à-vis de ma femme, c'est presque un peu égoïste. Je suis quand même souvent en montagne, cela prend du temps. Mais je me rattraperai avec elle à ma retraite!

RTSsport.ch: Le rendez-vous est donc pris pour 2016!

JEAN MOIX: Bien sûr! Mes 2 coéquipiers, Robert et Wim, sont autant passionnés que moi, si ce n'est plus. J'espère qu'on sera là en 2016, ça serait merveilleux.

>> A lire aussi : Commandant Contesse: "La Patrouille, c'est grandiose"

Propos recueillis par Jennifer Blanchard

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La Patrouille des Glaciers 2014 : Programme

30 avril: 21h00, 1er départ à Zermatt.
1er mail 03h30, 1er départ de la petite patrouille à Arolla.
1er mai: dès 08h30 environ, arrivée des 1ères patrouilles à Verbier.

2 mai: 21h00, 1er départ à Zermatt. Les patrouilles des favoris s'élancent à 3h00.
3 mai: 03h30, 1er départ de la petite patrouille à Arolla.
3 mai: dès 08h30 environ, arrivée des 1ères patrouilles à Verbier.

Zermatt-Verbier (53km, 110 km/effort), les records :

Patrouille masculine: Martin Anthamatten, Yannick Ecoeur et Florent Troillet; 5h52'22" en 2010.

Patrouille féminine: Nathalie Etzensperger, Emilie Gex-Fabry et Marie Troillet; 7h41'18'' en 2010.