"En France, en Hongrie, dans les grandes nations d'escrime, il y a une école, un schéma d'apprentissage", explique le souriant président de la Fédération suisse Olivier Carrard. "En Suisse ce n'est pas le cas. Nous avons des maîtres d'arme de nationalités différentes, des mentalités différentes, des styles différents, ce qui nous rend difficiles à manoeuvrer."
Des entraîneurs de qualité
"Nous bénéficions également de la qualité de nos entraîneurs", continue l'avocat genevois de 58 ans. "Enfin, nous avons, chez les hommes du moins, toujours réussi à nous maintenir dans l'élite, hormis peut-être un creux à la fin des années 80. C'est fondamental, car il est difficile de reconstruire une équipe si nous sortons du top-16."
Il faut donc chercher la source de la réussite helvétique non seulement dans la richesse de sa diversité, mais aussi dans la gestion et la stratégie mises en place par la Fédération nationale. A cela s'ajoute le système de regroupement établi par les entraîneurs Gianni Muzio et Angelo Mazzoni (jusqu'en 2014) après leur engagement en 2008.
Des demoiselles à la peine
Celui-ci, qui vise à réunir les meilleurs Helvètes dans différentes salles où se rendent les entraîneurs selon un tournus, a permis de mieux répondre au "besoin d'opposition", selon le coach de l'équipe dames Hervé Faget.
Chez les filles, la recette n'a pas encore livré, et de loin, tous ses délices. Avec Tiffany Géroudet et Pauline Brunner, la Suisse peut compter sur deux tireuses de qualité. "Mais il manque un peu de filles", confie la Valaisanne, éliminée avec ses équipières dès les huitièmes de finale face à la France mardi (42-25).
"Pas assez guerrières"
L'émulation n'est donc pas forcément au rendez-vous. D'autant qu'Angela Krieger et Laura Staehli, malgré leurs efforts, sont clairement un ton en-dessous. Ce n'est pas forcément le souci premier de la formation, selon le coach français, ancien mentor notamment de Sophie Lamon et Laura Flessel-Colovic.
"Elles n'ont pas été assez guerrières", analyse-t-il. "Car il n'a pas manqué grand-chose contre les Françaises. Il aurait fallu vraiment aller au combat, ne pas les regarder tirer." Les chances de qualification pour les JO de Rio en 2016 sont infimes. Faget relativise néanmoins. "Nous reconstruisons une équipe. Il faut travailler avec la nouvelle génération, viser Tokyo 2020." Avant cette échéance, le chemin est encore long et il sera surtout question de "travailler le mental, la capacité d'analyse avec plus des vidéos".
"Se dire 'j'ai le droit d'essayer'"
Olivier Carrard souligne également le manque de leader. "Tiffany est un très bon élément, elle porte beaucoup de responsabilité seule, mais ce n'est pas facile pour elle. Pauline n'arrive pas encore à sortir d'elle, comme elle le fait si bien en individuel. C'est la pression de tirer en équipe, la maturité à acquérir pour se dire 'j'ai le droit d'essayer' sans toutefois prendre trop de risque", explique encore le vice-champion du monde par équipes de 1982 à Rome.
Ce subtil équilibre entre la gestion et le risque, l'équipe masculine semble l'avoir parfaitement trouvé. Triple tenants du titre, Max Heinzer, Fabian Kauter, Benjamin Steffen et Peer Borsky joueront l'or encore mercredi. "Avec Max et son style atypique" notamment, la Suisse a les armes pour conquérir un nouveau titre européen. "Mais ce ne sera pas facile", précise le président de la Fédération.
Respecter la Roumanie
"La Roumanie (ndlr: la Suisse devrait la retrouver en huitième) peut compter sur trois tireurs de qualité. C'est une équipe homogène, redoutable, qui a sorti les Coréens, deuxièmes mondiaux, dans le tableau des 32 à Paris (début mai). Il faudra respecter cette équipe", développe-t-il encore.
Les Helvètes auront donc fort à faire dès leur entrée en lice. Mais l'argent conquis par Heinzer dimanche en individuel et le soutien d'une salle complète les aideront dans leur quête.
Montreux, Ludovic Perruchoud