Les vents contraires, la Suisse les a affrontés mercredi à Montreux, elle les a même domptés avec un panache qu'Edmond Rostand n'aurait pas renié. Les "Cyrano de Bergerac" de l'histoire sont quatre: Max Heinzer, Fabian Kauter, Benjamin Steffen et Peer Borsky. Ils pratiquent la poésie à la pointe de leur épée et il n'est pas rare qu'à la fin de l'envoi... ils touchent.
Une journée qui a bien commencé
Las, le double champion du monde estonien Nikolai Novosjolov les a privés de leur rêve d'or. Ils auraient pu lâcher prise, assommés par cette poutre qui s'est abattue sur eux en demi-finale. Il n'en a rien été. Le vrai courage se mesure dans l'adversité. Les Suisses en ont fait preuve pour se parer du bronze européen.
La journée a commencé à merveille pour les Helvètes. Portés par un public enthousiaste, les triples tenants du titre n'ont fait qu'une bouchée de la Turquie 45-24 à l'heure de l'apéritif. L'ambiance est encore montée d'un cran en quarts de finale. Opposés à la République tchèque, les tireurs de l'entraîneur Gianni Muzzio ont vaincu 45-40 au prix d'un final enthousiasmant du "showman" Heinzer, vice-champion d'Europe en individuel dimanche soir.
La touche "fatale" à Heinzer
Mais c'est en demi-finale que l'Auditorium Stravinsky a maintes fois offert sa pleine mesure acoustique avant de se muer en silencieuse cathédrale d'une cruelle désillusion: la défaite 42-41 en mort subite face à l'Estonie. L'émotion a alors atteint son apogée. Dans le septième assaut, Steffen, au sommet de son art, a donné la leçon à Marno Allika (6-2). La Suisse a pris les devants (25-22). Borsky est parvenu à tenir (27-25) et Heinzer est entré en scène dans des conditions idéales.
Le Lucernois de 27 ans a même accru l'avantage, il a même mené de deux touches à dix secondes de la fin. Las, quelques poussières de temps ont suffi à l'expérimenté Novosjolov pour remettre les deux équipes à égalité (41-41). Une tension extrême s'est alors installée dans la prestigieuse salle. Et le drame s'est produit. Heinzer a concédé la touche "fatale", puis s'est écroulé sur la piste. Le rêve s'est échappé.
Le réveil du finisseur
Le coup a été rude tant pour le millier de fans que pour les épéistes. Ceux-ci se sont pourtant relevés lors de la petite finale les mettant aux prises avec l'Ukraine en fin d'après-midi. Porté par un Steffen et un Borsky inspirés, Heinzer a retrouvé ses esprits, après deux premiers assauts vierges de touches. Il a réussi un ultime duel quasi parfait (10-5) et fait honneur à sa réputation de redoutable finisseur.
Oubliée la déception, les bretteurs suisses ont triomphé 39-28, exulté avant de s'offrir un moment de communion avec le public. Mérité pour ces guerriers qui partiront en quête d'or mondial dans un mois à Moscou. Alors, Messieurs. En garde. Prêt. Allez!
Heinzer: "j'ai mal spéculé"
MAX HEINZER: Cette médaille va nous donner du courage pour les prochaines semaines. Et elle est très importante pour la qualification en vue des Jeux de Rio en 2016. Nous avons la chance d'être vraiment quatre, mais nous savions déjà que nous pouvions compter sur tous. La fin contre Novosjolov? J'ai mal spéculé. C'est un peu de poisse, une question de millimètres.
PEER BORSKY: Il n'y a pas trop de déception pour le moment. C'était important de finir sur une bonne note. Nous avons une équipe forte, les quatre tireurs sont prêts, ce qui nous offre un avantage tactique sur les autres. Il y avait de la pression oui, après les trois derniers titres. Nous y pensons, bien sûr, mais pas sur la piste.
Kauter: "vraiment un succès d'équipe"
FABIAN KAUTER: C'est une victoire magnifique. Il y a deux heures dans le vestiaire, nous étions une équipe avec zéro confiance. Le silence a duré de longues minutes. Mais nous avons analysé notre performance, nous voulions le bronze. Je n'ai pas tiré ma meilleure escrime aujourd'hui (ndlr: Borsky l'a remplacé en demie et en petite finale), mais Peer a fait du beau travail. Beni (Steffen) est aussi en super forme. C'est vraiment un succès d'équipe.
BENJAMIN STEFFEN: Il y a de la frustration. Mais nous voulions vraiment le bronze, redonner quelque chose à ce public génial. Nous avons fait un match parfait contre l'Ukraine. Au début, Max manquait de confiance, mais on a essayé de l'aider et il a super bien fini.
Montreux, Ludovic Perruchoud
Le titre à la France
Le titre est revenu à la France du numéro un mondial Gauthier Grumier, déjà titré en individuel. Les "Bleus" ont pris la mesure 45-32 de l'Estonie, qui a sorti la Russie, puis la Suisse.