RTSsport.ch: Comment avez-vous vécu l'exploit lors de ces Européens?
ARIANE LEBEL: Je crois que je suis encore sur un nuage. Mon maître d'armes (ndlr: George Hadzopoulos) et moi sommes vraiment super heureux. C'est ma dernière année en cadette et je suis contente d'avoir eu une médaille pour mes derniers Européens dans cette catégorie. C'est la plus grande performance de toute ma vie. Oui, je suis vraiment contente.
RTSsport.ch: Le fait de la réussir au sabre, une arme très peu pratiquée en Suisse apporte-il une fierté supplémentaire?
ARIANE LEBEL: Non, je ne fais pas cela pour la reconnaissance. J'aime vraiment ce sport. Je suis avec un coach que j'adore. Je m'entraîne, je fais ce sport parce qu'il me plaît.
Propos recueillis par Ludovic Perruchoud - Twitter @LPerruchoud
"Je dois la moitié de ma médaille à ma mère"
RTSsport.ch: Pratiquer le sabre ne va pas sans sacrifice. Vous allez par exemple vous entraîner en France (à Grenoble, au club d'escrime de Meylan). Comment réussissez-vous à vous organiser?
ARIANE LEBEL: C'est grâce à ma mère. Honnêtement, je lui dois la moitié de ma médaille. Elle est toujours là pour moi. Elle me trouve des rendez-vous, m'accompagne partout. C'est vraiment un plus. Elle est tout autant motivée que moi si ce n'est plus. Bon, je ne m'entraîne pas autant que je voudrais en ce moment car c'est une période chaude à l'école (elle est en deuxième année de gymnase). Mais dès que nous en avons l'occasion, nous y allons.
RTSsport.ch: Concilier l'école avec cette passion ne doit pas être simple.
ARIANE LEBEL: Oui, c'est difficile. Parfois, je n'en peux plus. Parfois, ça va très bien. Il y a des hauts et des bas. Je vois mes amis de temps en temps, cela me permet de lâcher et j'ai vraiment une chouette famille.
RTSsport.ch: Décrocher une médaille doit donc vous aider en terme de motivation.
ARIANE LEBEL: Oui, cela m'a donné confiance en moi. Cela m'a prouvé que j'étais capable de réussir de jolies choses. Je suis plus sereine, moins stressée en vue des prochaines compétitions. Cela me motive à en faire plus, à aller chercher plus loin.
"Je me focalise sur le moment présent"
RTSsport.ch: La suite s'annonce plus compliquée encore avec le changement de catégorie. Cela demandera peut-être d'aller s'entraîner encore plus à l'étranger, voire de s'y établir. Comment abordez-vous cette phase?
ARIANE LEBEL: C'est peut-être un peu dangereux, mais j'essaie de me focaliser sur le moment présent, même si ça cogite un peu. Ce sont des questions qui me font un peu peur, mais je me concentre sur ce qui est important: l'école, l'entraînement. Pour plus tard je verrai. Si je prends par exemple une année sabbatique, je compte aller m'entraîner à l'étranger, me confronter à des adversaires de plusieurs pays.
RTSsport.ch: Qu'en est-il du soutien de la Fédération suisse? Un tel exploit pourrait peut-être amener des améliorations.
ARIANE LEBEL: Je ne pense pas qu'il y ait des améliorations à apporter. Les membres de la Fédération ont été supers avec moi. Dès le début, ils m'ont soutenue malgré le fait que je sois une des seules sabreuses. Ils m'ont permis de participer aux Européens. Ils m'ont donné toutes les opportunités et ne m'ont jamais privé de quoi que ce soit. Je ne peux qu'être reconnaissante. Sophie (Lamon) a été incroyable. Elle est toujours disponible.
Lamon: "une sensibilité particulière"
La directrice sportive de Swiss Fencing Sophie Lamon, médaillée de bronze à l'épée par équipes aux JO 2000 de Sydney, revient en quelques points sur la situation d'Ariane Lebel.
TRANSITION. Elle avait vraiment la possibilité de faire mieux (qu'une 37e place en juniors). Je pense qu'il y a un peu le contrecoup de la médaille en cadette. Mais dans tous les cas, c'est une expérience importante. Dans moins d'un mois, elle fera les Mondiaux cadets et juniors (à Plovdiv également) dans le but de favoriser la transition vers l'année prochaine et son changement de catégorie.
RESERVOIR. Il y a très peu de clubs qui pratiquent le sabre en Suisse. Cela limite la possibilité d'amener les gens vers le plus haut niveau. Le réservoir est plus faible qu'à l'épée. L'escrime est un sport de confrontation. Il manque aussi des partenaires avec lesquels s'entraîner pour progresser.
ARIANE. C'est une fille qui a une sensibilité très particulière pour le sabre. Elle a vraiment du talent et travaille depuis de nombreuses années. Elle a toujours eu un temps d'avance sur son âge. Elle est très bien encadrée par sa famille et son club (CC Founex) ce qui lui permet aussi d'évoluer positivement.
Lamon: "aucune différence"
DEVELOPPEMENT. Cela va devenir plus difficile pour elle si elle reste en Suisse. L'idée est qu'elle puisse partir s'entraîner à l'étranger définitivement. Elle fait déjà des stages à l'étranger, mais bien sûr elle est encore liée aux contraintes scolaires.
SOUTIEN. Swiss Fencing soutient une sabreuse comme Ariane dans la même mesure qu'une épéiste. Il n'y a aucune différence à partir du moment où les critères sont remplis et qu'on arrive à un niveau de résultat équivalent. Mais nous n'avons pas les moyens de fournir un entraîneur et une structure d'entraînement pour une ou deux sabreuses.
PROCHE. Je suis en contact très régulier avec l'entraîneur d'Ariane, avec sa famille pour les aider dans la planification des saisons, dans la gestion des compétitions. J'ai peut-être un rôle ou une position plus proche car justement elle est toute seule.