RTSsport.ch: Vous pratiquez un sport d'intérieur. N'est-ce pas dur de s'entraîner quand il fait aussi chaud?
SABRINA JAQUET: (rires) On serait mieux au bord du lac et de prendre du bon temps. Mais bon, en hiver par -15 degrés, on est content d'être en salle. On s'entraîne toute la semaine dans le centre national de badminton... J'ai des objectifs en tête.
Aux Jeux, j'avais eu la tête ailleurs sur certains points
RTSsport.ch: Il y a une année environ vous étiez aux Jeux olympiques de Rio. Quel souvenir en gardez-vous?
SABRINA JAQUET: C'est toujours le grand objectif d'aller aux Jeux. Les souvenirs sont bons même si je n'ai pas obtenu le résultat escompté (2 défaites, contre la Britannique Gilmour et la Bulgare Zetchiri). C'est surtout après les Jeux que les choses positives sont arrivées.
RTSsport.ch: Après votre élimination à Rio, vous étiez très énervée contre vous-mêmes!
SABRINA JAQUET: Parce que j'étais passée à côté sur les fins de sets. J'avais lâché mentalement. C'est ce qui fait la différence entre les très bonnes joueuses et les autres. On fait les bons choix quand la concentration est au maximum. J'avais la tête ailleurs sur certains points, je n'étais pas focalisée. C'est pour ça que j'étais très contrariée... Je n'étais même pas triste. Je m'étais pourtant bien préparée. C'est du passé... Ca c'est l'ancienne Sabrina.
Après Rio, je suis devenue un peu associale pendant presque 6 mois
RTSsport.ch: Avez-vous souffert d'un "blues post-olympique"?
SABRINA JAQUET: Je suis devenue un peu associale. Pendant presque 6 mois, j'ai très peu vu ma famille et mes amis. J'avais juste besoin de m'entraîner, de disputer les compétitions et de rentrer chez moi. C'était un peu ça mon blues post-olympique. J'avais besoin de m'isoler. Puis j'ai retrouvé ma vie normale (rires).
RTSsport.ch: Après Rio, qu'avez-vous fait?
SABRINA JAQUET: Fin septembre je suis repartie disputer des tournois. Et là je me suis dit: 'arrête de te mettre trop de pression, de te fixer trop d'objectifs. Prends juste du plaisir, ne sois pas énervée, triste après les matches'. Et ça a fonctionné. Le vent a tourné. J'ai commencé à obtenir de supers résultats. La confiance est venue.
J'ai gagné mon premier tournoi (tournoi international à Yverdon en octobre 2016), qui plus est en Suisse. Puis en octobre j'ai atteint la finale du Scottisch Open à Glasgow, puis à Noël j'ai gagné en Italie. C'est juste génial. J'ai pris l'habitude de gagner. On voyait une autre Sabrina sur le terrain. J'ai toujours de temps en temps des baisses de concentration, mais elles durent moins longtemps. Ca fait la différence. Puis j'ai obtenu la médaille de bronze aux Européens au Danemark fin avril. J'étais en pleine confiance.
J'ai lâché prise et j'ai franchi un palier
RTSsport.ch: Vous êtes dans la forme de votre vie?
SABRINA JAQUET: Je l'étais à ce moment-là. J'attendais ce moment depuis très longtemps. J'ai passé un palier et j'ai le sentiment de pouvoir en passer d'autres. J'ai travaillé au niveau mental depuis plusieurs années. Après les Jeux, je ne suis plus allée chez le physio et l'entraîneur mental pendant 6 mois. J'étais bien comme ça. J'ai lâché prise. Je voulais juste profiter. Je ne dénigre pas pour autant tout le travail mental qui a été fait.
RTSsport.ch: Vous avez 30 ans. Qu'est-ce qui vous pousse encore à jouer?
SABRINA JAQUET: La passion tout simplement. Et puis j'ai commencé plus tard que d'autres sur le Circuit. J'ai commencé à m'investir à fond, vers 22-23 ans. J'ai encore cette fraîcheur et j'ai été épargnée par les grosses blessures. Je suis une des plus âgées sur le Circuit. Ca fait peur (rires).
RTSsport.ch: Quelles sont vos attentes aux Mondiaux à Glasgow?
SABRINA JAQUET: Honnêtement, je n'en ai pas trop. Je n'ai plus joué en compétition depuis la médaille de bronze aux Européens, fin avril, en raison d'une blessure à un pied et à une épaule. Je manque donc de repères. (ndlr: la Chaux-de-Fonnière affrontera au 1er tour l'Ukrainienne Natalia Woyzech, 103 joueuse mondiale).
Une après-midi avec La Chaux-de-Fonnière de 30 ans au centre national
propos recueillis par Miguel Bao - twitter migbao
"On est obligé de pousser son corps sinon on n'y arrive pas"
RTSsport.ch: La blessure fait partie intégrante de la vie du sportif d'élite. Comment vit-on avec cette épée de Damoclès sur la tête?
Sabrina Jaquet: Je n'y pense pas puis quand ça arrive, ça fait... (rires) Avec l'âge, on commence à connaître ses limites et son corps. On sait qu'on a besoin de plus de récupération... On est obligé de pousser son corps sinon on n'y arrive pas. C'est dur physiquement mais on est obligé d'être à fond pour jouer à ce niveau. Je n'ai pas envie de moins bien jouer. Dans le sport de compétition, on a toujours des pépins physiques. Cette blessure au pied, je la traîne depuis novembre.
Mon but? Les Jeux olympiques de Tokyo, en 2020
RTSsport.ch: Après les Mondiaux à Glasgow, vous continuez?
Sabrina Jaquet: Mon but c'est les Jeux olympiques de Tokyo, en 2020!
RTSsport.ch: Mais c'est encore loin, non?
Sabrina Jaquet: Trois ans c'est rien, si la flamme est là. C'est mon cas! Trois ans, ça passe très vite en sport. En badminton, la qualification olympique commence en 2019. Donc en 2018, je dois commencer à être bien placée au niveau du classement mondial. Il y a plein d'autres objectifs. Maintenant, que je suis bien classée (35e mondiale), je peux jouer tous les grands tournois. Ce n'était pas toujours le cas avant... Je progresse encore et cela me motive! J'ai commencé à bien jouer contre des top-10, top-20 mondiales. Avant je n'avais aucune chance. L'appétit vient en mangeant (rires). Et en plus, ce rythme de vie me convient bien. J'ai encore envie de continuer. Et puis en 2019, il y a les Mondiaux à Bâle. Jouer à domicile c'est très motivant. On sera dans la qualification olympique.
La Chaux-de-Fonnière à l'entraînement vendredi matin
Une publication partagée par Sabrina Jaquet (@sabrina.jaquet) le 18 Août 2017 à 4h09 PDT