Joueur, il a profondément marqué l’histoire des Lions de Genève en leur ramenant leurs premiers titres entre 2012 et 2016. A tel point que son maillot no 20 est suspendu pour l'éternité dans le ciel du Pommier. Entraîneur-assistant, il a vécu quelques-unes des plus belles heures de Fribourg Olympic. Enfin, devenu entraîneur principal l’été dernier, le Croate Andrej Stimac a choisi Genève, sa ville de cœur, pour s'installer sur un banc. Avec l'envie de pouvoir un jour regarder les Fribourgeois droit dans les yeux et, à terme, de replacer les pensionnaires du Pommier au sommet du basket helvétique.
RTSsport: De 2012 à 2016, vous avez été l'un des piliers des Lions de Genève. A tel point que ce retour au Pommier comme entraîneur semblait couler de source. A vos yeux aussi?
ANDREJ STIMAC: Pour tout dire, je n'avais pas fixé ce retour à Genève comme une étape obligatoire de ma vie. Je n'avais d’ailleurs rien prévu, mais il est vrai que cela s’est opéré naturellement, spontanément. Apparemment, j'étais prêt à devenir entraîneur principal et, à Genève, on était dans le même temps prêt à me contacter (sourires). Je n'ai pas hésité une seule seconde face à cette superbe opportunité. Les Lions m’offraient la possibilité de poursuivre le beau voyage qu'est ma vie, dans un endroit et une fonction qui me plaisent.
RTSsport: Devenir technicien, c'était un rêve, pour vous?
ANDREJ STIMAC: Joueur, je n'avais aucune idée particulière de ce que j'allais faire une fois ma carrière terminée. Oui, j'aurais pu me former dans un autre métier, dans un autre domaine, mais j'imagine que devenir entraîneur était la chose la plus naturelle à faire. Aussi car j'ai toujours été très investi en tant que joueur, que j'ai toujours éprouvé un intérêt pour la compréhension des systèmes, du jeu…
RTSsport.ch: Quelles sont les différences entre le joueur Andrej et le coach Stimac?
ANDREJ STIMAC: Eh bien déjà, le travail n'est pas le même. Là, tu ne dois plus penser qu'à toi, mais à 12 personnes. Tu essaies d'être présent au maximum pour chacun de tes gars, mais tu sais aussi que tu ne pourras jamais contenter tout le monde. J’essaie cependant, comme je le faisais en tant que joueur, de rester le plus intègre et le plus ouvert possible. Mais il ne faut pas non plus oublier que ce n'est que ma première année d'entraîneur en chef. Donc je grandis en même temps que mes joueurs. En ce sens, j'ai la chance de pouvoir m'appuyer sur un staff très compétent, notamment mon assistant (ndlr: Ivan Stanisak), dont l'expérience est précieuse. Il est une sorte de "deuxième voix", qui temporise par moments les choses.
RTSsport.ch: Dans votre équipe évoluent plusieurs joueurs que vous avez affrontés dans votre carrière, voire certains qui ont été vos coéquipiers, comme Jeremy Jaunin ou Mikael Maruotto. Est-ce compliqué de devenir le "chef" d'éléments avec lesquels vous avez tant partagé?
ANDREJ STIMAC: Il est clair que je ne peux pas tirer le rideau (sic!) sur ce que nous avons vécu ensemble, Jeremy, Miki et moi. Je ne peux pas oublier tout ce que nous avons partagé avant que je devienne leur coach. Mais en tant qu'entraîneur, je me dois tout de même de dessiner un cadre, qu'il s’agit de respecter tout au long de l’exercice, afin que la hiérarchie demeure et que la cohésion s'installe. Dans la relation qui est la nôtre, il y a énormément de respect et, durant l'entraînement, je ne fais aucun compromis. Après, en dehors, à la cantine par exemple, on peut rigoler. Et puis je sais que Jeremy et Miki sont bien assez grands pour comprendre.
RTSsport.ch: Samedi, c'est le choc contre Fribourg. Existe-t-il un goût particulier quand vous affrontez votre ancien club?
ANDREJ STIMAC: Oui et non, dans le sens où on s'affronte tout de même assez souvent. Mais il est clair que j'ai un immense respect pour Olympic. C’est un club pour lequel j'ai tout donné, comme j'avais tout donné pour les Lions en tant que joueur et comme je donne tout désormais pour ces mêmes Lions en tant que coach principal. Fribourg a fait un magnifique chemin ces dernières années et je suis très fier d'avoir pu y prendre part. Mais l'été dernier j’étais prêt à franchir un cap, alors je suis heureux d’être à Genève. En sachant toutefois très bien quelles sont les qualités de Fribourg, un club stable, constant et établi désormais depuis longtemps tout en haut de l’échelle.
RTSsport: Malgré l'absence de public, on imagine qu'il y a une excitation particulière pour chacun quand on connaît la rivalité qui oppose les deux clubs…
ANDREJ STIMAC: On ne peut pas négliger le fait qu'existe entre les Lions et Olympic une rivalité. Mais nous ne fixons pas nos objectifs sur le fait de détrôner les Fribourgeois. Ce serait la plus grosse bêtise à faire. A Genève, on doit d'abord penser à nous, à concrétiser l'idée première qui est de faire progresser l'effectif qui est le nôtre. Les victoires, les succès contre Fribourg, voire les titres ne seraient que la conséquence (heureuse) de tout ce qui aura été fait en amont. On ne travaille donc pas en fonction de notre rival. On ne bosse que sur nous-mêmes, avec l'envie d’être en mesure de battre tout le monde. Nos succès ne portent pas le visage de Fribourg Olympic, mais celui de notre sueur et de notre investissement.
RTSsport: Reste que les Lions caracolent en tête et peuvent afficher de grandes ambitions pour cette deuxième partie de saison…
ANDREJ STIMAC: Honnêtement, on ne parle pas de titre(s), à Genève. On ne peut d'ailleurs décemment pas en parler, ni même y penser à ce stade de la saison, et encore moins par les temps qui courent. Un titre, quel qu'il soit, ne serait d'ailleurs que le fruit de l'investissement de chacun, comme je le disais précédemment. Je suis là pour construire quelque chose. Alors c'est d'abord à nous de donner le maximum pour faire en sorte de pouvoir rêver de quelque chose au bout d'un moment. Pour soulever des trophées, il faut que toutes les pièces de ton puzzle s'imbriquent, que la sauce prenne, que tout aille dans le bon sens jusqu'au bout, sans malade ni blessure. Nous n'avons donc encore aucune garantie.
RTSsport: Il n'en demeure pas moins que votre effectif apparaît très équilibré...
ANDREJ STIMAC: Je crois qu'il correspond à ce que j'en attendais. Dans une équipe, tu es obligé de reposer sur un large spectre de caractères. Il faut trouver une combinaison entre différents profils. Tu ne peux pas avoir uniquement une sorte de joueur, car ce sont les personnages et leur vécu qui font le groupe et, à plus long terme, le résultat. Il n'y a pas uniquement un entraîneur qui crée et des joueurs qui écoutent puis exécutent. Non. Nous sommes tous adultes. Alors bien sûr, on a le droit de se lever du pied gauche, mais il faut savoir passer outre afin de mettre et remettre l'ouvrage sur le métier, ceci pour le bien du collectif. De mon côté, je dois disposer des outils pour guider l'équipe et la faire progresser, mais il me faut aussi des joueurs qui donnent "plus", des leaders qui conseillent les autres, voire parfois, qui provoquent des engueulades.
RTSsport: Cette équipe, vous la trouvez à votre image, à savoir composée de joueurs ouverts d'esprit, prêts à tout pour se faire accepter?
ANDREJ STIMAC: Je pars toujours du principe que c'est aux gens qui arrivent quelque part de faire le nécessaire pour s'intégrer, pour tisser des relations, voire des liens avec les autres. Un athlète ou même tout autre travailleur ne peut pas rester fermé sur son terrain, en refusant de lever les yeux sur ce qui se passe autour, sur les personnes qui l'entourent. Ce n'est pas ma vision des choses! Il faut des gens ouverts et francs pour se donner la possibilité de bosser de la meilleure des manières. Cela n'exclut évidemment pas les conflits, ni même les explosions, qui ont parfois du bon et peuvent permettre d’avancer, mais on doit tous tirer à la même corde.
Arnaud Cerutti, @arnaud_cerutti
Jaunin: "On peut toujours compter sur Andrej"
Jeremy Jaunin connaît Andrej Stimac depuis l'été 2012, lorsque le Croate a posé ses grands compas chez les Lions. Très vite, une connexion particulière s'est faite entre le meneur genevois et son aîné de 12 ans. A tel point que c'est sur l'un de leurs géniales actions que les Genevois ont remporté leur 1er titre national, le 31 mai 2013. Depuis, le meneur a connu Stimac comme coach-assistant à Fribourg et désormais comme entraîneur-principal au Pommier.
De fait, son regard est important lorsque l'on se penche sur Stimac. "Et je peux vous dire qu'Andrej n'a pas changé, relève Jaunin. Il est resté fidèle aux valeurs qui l'accompagnaient quand il était joueur. A l'époque, il était déjà très exigeant avec ses coéquipiers, mais savaient aussi prendre du recul une fois dehors du terrain. En tant que coach, c'est pareil, sauf qu'il a encore installé un autre niveau de respect. C'est quelqu'un de compréhensif, d'ouvert au dialogue et qui explique ses choix. Donc oui, c'était agréable d'être son coéquipier et c'est maintenant agréable d'évoluer sous ses ordres..."
Et le Genevois d'ajouter: "Andrej est vraiment une personne sur laquelle on peut compter. Malgré son expérience de joueur, il a su faire ses armes à Fribourg en tant qu'assistant pour grandir encore. L'été dernier, il était mûr pour devenir coach principal. Il a tiré des enseignements de tous ceux qui l'ont dirigé. Je suis heureux pour lui que cela tourne déjà bien, qui plus est dans un club où il y a de la pression."
Fattal: "Le meilleur joueur de notre histoire"
Président des Lions de Genève depuis toujours, Imad Fattal ne tarit pas d’éloges sur Andrej Stimac: "C’est clairement le plus grand joueur de l’histoire de notre club", martèle à juste titre l’avocat genevois, qui se félicite d’avoir pu enrôler le Croate 5 ans après avoir manqué de renouveler son contrat de joueur. Et de préciser: "Je suis impressionné par la facilité avec laquelle Andrej a réussi la transition du parquet au banc. Je m’attendais à ce qu’il connaisse davantage de difficultés. Mais non, il est là, plein de sang-froid, très serein." Quant au fait que tout le monde s’attendait à voir un jour Stimac entraîneur des Lions, Fattal sourit: "Je le ressens effectivement un peu de la même manière. Andrej aurait d’ailleurs déjà pu venir en 2019, mais il était encore sous contrat avec Fribourg."