Un début de carrière flamboyant puis une interminable descente
aux enfers ont marqué la trajectoire de Frank Vandenbroucke, le
talent gâché du cyclisme belge, décédé lundi à l'âge de 34 ans.
Soit au même âge que le grimpeur italien Marco Pantani, parti cinq
ans plus tôt.
La dernière vraie victoire de "VDB", une étape dans la Vuelta,
datait de 1999. Depuis, il avait surtout fait parler de lui pour
ses démêlés avec la justice, entre dopage et drogue, ses tentatives
de suicide, ses changements d'équipe quasi-annuels jusqu'à cette
année. Il avait échoué à se stabiliser malgré l'affection du
public, dont une partie lui resta longtemps acquise.
En 1999, le Wallon, alors âgé de 24 ans, avait tutoyé les sommets
en gagnant la "Doyenne" des classiques, Liège-Bastogne-Liège. Dans
les jours précédant la course, il avait indiqué l'endroit exact, la
partie la plus pentue de la côte de Saint-Nicolas, où il allait
porter son attaque. Parole tenue. De cette victoire, la plus
spectaculaire d'un palmarès entamé tambour battant (Paris-Nice,
Gand-Welvelgem, Paris-Bruxelles, GP Ouest-France, etc.), "VDB"
gardait le souvenir d'un bonheur "un peu irréel".
"Je ne connaissais pas ma fragilité humaine"
"Je me voyais gagner Liège encore deux fois, le Tour des
Flandres, un ou plusieurs Championnats du monde. Je ne connaissais
pas ma fragilité humaine", disait-il en avril dernier dans les
colonnes du journal "Le Soir".
Quelques jours après ce succès mémorable, il était interpellé en
France par la brigade des stupéfiants, en même temps que son
coéquipier français Philippe Gaumont, dans le cadre de l'affaire
dite "Sainz-Lavelot". Hormis deux succès d'étape dans la Vuelta
1999, la suite n'allait être qu'une litanie d'échecs. Coureur
qualifié de prodige à ses débuts tant il s'était imposé précocement
par son punch et son style, celui qui était issu d'une famille très
cycliste allait sans cesse rechuter.
Le début de la fin... fin 1998
Dans une autobiographie intitulée "Je ne suis pas Dieu", il
racontait l'année passée son mal-être. Il situait le début de sa
déchéance à la fin 1998, quand l'un de ses coéquipiers lui proposa
"un trip" en avalant un somnifère avec de l'alcool, ce qui
rend le médicament fortement hallucinogène: "C'est à cette
seconde précise que tout a commencé: lorsque j'ai simplement dit
oui à la question de prendre ou ne pas prendre ces
pilules."
Le coureur de Ploegsteert, une petite localité située près de la
frontière française, s'était exprimé sur la drogue et ses ravages.
"Si, physiquement, vous êtes convaincu d'être guéri, votre
cerveau, chimiquement, réclame le produit", expliquait-il
avant d'avouer: "Je ne me prétends pas guéri, je reste aux
aguets mais ma plus grande fierté, ma plus belle victoire,
aujourd'hui, c'est d'être en vie". C'était en avril
dernier.
ENQUETES ET INTERROGATIONS
Un employé de l'auberge «La Maison Bleue», s'exprimant sous
couvert de l'anonymat, a raconté les dernières heures du cycliste,
toujours très populaire en Belgique. Il est arrivé dans la nuit de
dimanche à lundi "à deux heures du matin. Quand il est venu, il
était ivre. Il était avec une Sénégalaise. Il était ici pour une
nuit, on lui a servi une flag (bière locale)", a déclaré cet
employé. "Vers 4h00 du matin, sa compagne est venue demander
une serpillière car il avait vomi", a-t-il précisé, après
avoir été interrogé mardi matin par la gendarmerie.
Selon le même témoignage, Vandenbroucke avait "refusé de
donner son nom et ses papiers, et la femme qui l'accompagnait s'est
enregistrée" à sa place. "Jusqu'à 13h00, il n'est pas
sorti de sa chambre. Vers 20h00, mon patron m'a appelé et m'a dit
que le client était décédé", a-t-il poursuivi. La gendarmerie
et les sapeurs-pompiers ont ensuite enlevé le corps.
Frank Vandenbroucke était arrivé au Sénégal dimanche à 17h00,
accompagné d'un ami, cycliste lui aussi, Fabio Polazzi. Selon
Polazzi, qui s'est exprimé sur la télévision belge RTBF, la fille
accompagnant Vandenbroucke a déclaré à la police que le coureur
cycliste s'était senti mal et s'était évanoui. L'ami de
Vandenbroucke a encore déclaré que le corps avait été découvert
lundi vers 15h30 à "La Maison bleue", située à 3 km de son hôtel,
l'hôtel Royam, et que Vandenbroucke était mort sans doute depuis
plusieurs heures. Les deux amis s'étaient quittés dimanche vers
minuit.
L'autopsie du cycliste belge doit avoir lieu mercredi ou jeudi à
Dakar, a indiqué la gendarmerie sénégalaise.
IL SE PRENAIT POUR TOM BOONEN
Dans sa vie chaotique, Frank Vandenbroucke a souvent fait parler
de lui pour ses frasques, sa vie personnelle agitée, mais aussi
pour une étonnante usurpation d'identité.
En 2006, alors qu'il venait d'être licencié par la formation
Unibet, le Belge était parti en Italie, le pays de sa femme Sarah
(un mannequin dont il allait divorcer par la suite), afin de courir
sous un faux nom.
Le Wallon, qui se faisait appeler Francesco Del Ponte, avait ainsi
participé à plusieurs courses régionales sous un maillot bleu
neutre. Il avait pris un malin plaisir à faire la course en tête
avant de finir par être reconnu.
Pour établir sa fausse licence, "VDB" avait utilisé la photo de...
Tom Boonen, son compatriote alors champion du monde en titre.
si/dbu
Virenque: "il était super à côtoyer"
Richard Virenque, qui a été le coéquipier de Frank Vandenbroucke pendant plusieurs saisons, a estimé que le cycliste belge était "quelqu'un de super à côtoyer" quand "il était bien dans sa tête", mais que "des fois, il se renfermait sur lui-même". "Après, nos chemins se sont quittés parce qu'il a changé d'équipe, et après il est parti dans une dérive", a précisé sur France-Info l'ancien champion cycliste français.
Frank Vandenbroucke "a été retrouvé mort lundi dans un hôtel au Sénégal, où il était en vacances", selon son site Internet officiel "www.frankvdbroucke.be". Agé de 34 ans, "il aurait succombé aux effets d'une embolie pulmonaire", précise le site web.
Frank Vandenbroucke totalise 54 victoires, dont la classique Liège-Bastogne-Liège en 1999. Il est le neveu du coureur cycliste professionnel et directeur sportif Jean-Luc Vandenbroucke. Son propre père était mécanicien d'équipe cycliste.
En 2007, il avait tenté de se suicider à Milan, avant d'annoncer son retour à la compétition. En 2004, Frank Vandenbroucke avait été condamné à 200 heures de travaux d'intérêt général, après la découverte de produits dopants à son domicile deux ans plus tôt. Il avait également été impliqué dans une affaire de dopage en 1999. Il a deux filles, de deux unions différentes, l'une est âgée de dix ans, la seconde de sept ans.
Frank Vandenbroucke en bref
Date de naissance: 6 novembre 1974.
Lieu de naissance: Mouscron (Belgique).
Professionnel à partir de 1995.
Equipes: Lotto (1994 et début 1995), Mapei (1995 à 1998), Cofidis (1999 et 2000), Lampre (2001), Domo (2002), Quick Step (2003), MrBookmaker (2004 et 2005), Unibet (début 2006), Acqua e Sapone (fin 2006 et début 2007), Mitsubishi (début 2008), Cinelli (2009).
Courses d'un jour: Liège-Bastogne-Liège 1999, Paris-Bruxelles 1995, GP Ouest-France 1996, Gand-Wevelgem 1998, Het Volk 1999, Cholet Pays de Loire 1995, GP de l'Escaut 1996, Trophée Laigueglia 1996, Tour de Cologne 1997, Trophée Matteoti 1997, GP d'Ouverture La Marseillaise 1999.
Courses par étapes: Paris-Nice 1998, Tour méditerranéen 1996, Tour d'Autriche 1996, Tour du Luxembourg 1997, Tour de Galice 1998,
Grands tours: Tour de France: 50e en 1997 (2e à Plumelec et à Fribourg). Vuelta: deux étapes en 1999 (Teruel et Avila).