Pour asseoir un peu plus sa respectabilité, la plus grande
épreuve cycliste du monde créée en 1903 a imposé de nouvelles
règles. La Grande Boucle a fait payer à l'équipe Astana ses
errements des deux dernières années, bien que le nouvel encadrement
de cette formation ait recruté entre-temps l'Espagnol Alberto
Contador, vainqueur en titre de la compétition.
Les organisateurs du Tour (ASO) se sont éloignés aussi de l'Union
cycliste internationale (UCI), en point d'orgue d'un conflit
persistant sur le circuit ProTour. Ils se sont placés sous
l'autorité nationale et le couvert de l'Agence mondiale antidopage
(AMA) sans que le pouvoir d'attraction de leur épreuve, plus que
jamais le grand rendez-vous annuel de son sport, soit altéré.
Quelques grands noms (Bettini, Boonen) font défaut mais les
prétendants affluent au départ d'une course qui fabrique les
notoriétés et les légendes. C'est après elles que courent les
principaux candidats à la victoire, l'Australien Cadel Evans,
deuxième l'année passée, l'Espagnol Alejandro Valverde, l'Italien
Damiano Cunego, le Russe Denis Menchov ou encore les chefs de file
de l'équipe CSC (Sastre, Frank et Andy Schleck).
Evans revenchard
Evans, deuxième l'année passée, représente la valeur sûre du
peloton des 180 coureurs. Valverde, récent vainqueur du Dauphiné,
hausse de plus en plus ses ambitions. Menchov, débarrassé depuis
l'été dernier de la présence de l'encombrant grimpeur danois
Michael Rasmussen, s'impose comme seul leader dans son
équipe.
Cunego, qui a fait l'impasse sur le Giro, espère que son heure
arrive. Est-ce un clin d'oeil de l'histoire ? Le Tour sort cette
année une seule fois des frontières pour se rendre en Italie, à
l'entrée des Alpes. Quant à l'Espagnol Carlos Sastre, il est
investi du premier rôle dans sa formation malgré le potentiel du
Luxembourgeois Andy Schleck, débutant prometteur à l'âge de 23
ans.
Le Tour, immense scène ultra-médiatisée le direct est retransmis
dans 168 pays ! -, s'offre à tous les appétits. Des grimpeurs
(Soler et Ricco en tête de liste), des sprinters (Hushovd, McEwen,
etc) et, plus encore, des baroudeurs candidats à un succès d'étape,
l'objectif déclaré de la plupart des 20 formations en lice (17 de
première division, 3 de l'échelon inférieur).
En reconquête
Le parcours incite à l'offensive. C'est du moins ce qu'a cherché
Christian Prudhomme, directeur du Tour, en renonçant au prologue
instauré en 1967 et aux bonifications en temps. La course rompt
avec sa tradition dès les deux premières étapes bretonnes dont les
arrivées sont jugées en bosse (Plumelec, Saint-Brieuc). Elle aborde
le sixième jour la moyenne montagne, dans la verdure du Massif
Central, et s'attaque aux Pyrénées dans la foulée pour rejoindre
les hauteurs de Hautacam.
Le plus dur? La dernière semaine, bien sûr, afin de ménager
durablement le suspense. Les trois grandes étapes alpestres
franchissent chaque jour des cols hors catégorie (Agnel, puis
Lombarde et Bonette, Galibier, Croix-de-Fer et Alpe-d'Huez enfin).
Puis, le grand contre-la-montre le premier «chrono» est limité le
quatrième jour à 29,5 km fixe le classement, le 26 juillet, à la
veille du défilé sur les Champs-Elysées.
A Paris, le nom du successeur d'Alberto Contador au palmarès sera
connu au bout des 3560 kilomètres. Mais, pour le Tour, l'essentiel
se situe ailleurs. «J'avais dit aux coureurs l'année dernière que
c'était une formidable occasion de reconquête», a annoncé Christian
Prudhomme. «En voici une autre, il faut la saisir parce que ces
occasions ne se reproduiront pas indéfiniment!»
Cinq
favoris pour succéder à Contador
Damiano Cunego
(It/Lampre): 26 ans. 2e
participation. 12e en 2006 (et meilleur jeune). Le bébé-prodige,
vainqueur du Giro 2004 à l'âge de 22 ans, s'est émancipé pour
devenir un coureur mature qui sait cibler ses objectifs. A l'aise
tant dans les classiques (vainqueur de l'Amstel Gold Race en avril)
que dans les courses par étapes, l'Italien se comporte désormais en
leader à part entière. Il grimpe bien et roule mieux qu'avant même
si les longs contre-lamontre restent son point faible.
Cadel Evans
(Aus/Silence): 31 ans. 4e
participation. Meilleur résultat: 2e en 2007. 8e en 2006, 5e en
2006. 1 étape en 2007 (après déclassement de Vinokourov).
Incontournable. Sa régularité en témoigne, l'Australien est un
homme du Tour. Sa constance, sa solidité en montagne, sa qualité de
rouleur en font a priori le premier favori après sa deuxième place
de l'année passée (à 23'' de Contador). Longtemps catalogué
suiveur, il a pris une option plus offensive dans les courses.
L'équipe a été bâtie à son service quasi-exclusif (hormis
McEwen).
Denis Menchov
(Rus/Rabobank): 30 ans. 9e
participation. Meilleur résultat: 6e en 2006. 47e en 2001, 93e en
2002, 11e (et meilleur jeune) en 2003, 85e en 2005. 1 étape en
2006. 2 abandons (2004 et 2007). Habitué du Tour, dont il est l'un
des favoris les plus expérimentés (avec Carlos Sastre), il a
rarement convaincu dans la course française. Au contraire de ses
parcours de la Vuelta (deux victoires). Fort dans les
contre-la-montre, efficace en montagne, le Russe établi à Pampelune
(Esp) a mené cette année une approche différente au printemps en
allant disputer le Giro, non sans s'y montrer efficient (5e).
Andy Schleck
(Lux/CSC): 23 ans. 1re
participation. On prête au cadet des frères Schleck un potentiel de
champion. Deuxième du Giro l'année passée dès sa première
participation, le Luxembourgeois, au talent évident, possède des
qualités de récupération qui le prédisposent aux premiers rôles. A
l'aise en montagne, perfectible encore dans les contre-la-montre
même s'il s'y montre supérieur aux grimpeurs, ce battant a contre
lui de découvrir le Tour et surtout de figurer dans une équipe à
plusieurs têtes. Sastre, plus expérimenté, en est officiellement le
leader. Quant à Frank, le frère aîné, sa présence ne peut qu'aider
Andy.
Alejandro Valverde
(Esp/Caisse d'Epargne): 28
ans. 4e participation. Meilleur résultat: 6e en 2007. 1 étape en
2005. 2 abandons (2005 et 2006). Sa victoire dans le Dauphiné a
rehaussé ses ambitions. Candidat au podium, il rêve maintenant du
maillot jaune qui lui ferait oublier ses déboires dans la période
troublée de l'affaire Puerto pour laquelle il a été (lourdement
mais seulement) soupçonné. Coureur tout-terrain, capable de gagner
en maintes circonstances grâce à sa pointe de vitesse, il a pour
avantage d'être solidement entouré dans un groupe rompu à cet
exercice. Contre lui, ses limites relatives dans les
contre-lamontre et un style peu économique en montagne.
si/alt
L'édition 2008 en chiffres
1: le numéro du dossard attribué à Cadel Evans deuxième l'an passé (en l'absence du vainqueur sortant, Alberto Contador)
4: les arrivées au sommet (Super-Besse, Hautacam, Prato Nevoso, Alpe d'Huez)
7: le record de victoires de Lance Armstrong
8: les cols classés hors catégorie (Tourmalet, Hautacam, Agnel, Lombarde, Bonette, Galibier, Croix-de-Fer, Alpe d'Huez)
12 à 15: les millions de spectateurs sur le bord des routes (65% hommes, 35% femmes; 73% moins de 50 ans)
14: en millions, les cadeaux distribués par la caravane publicitaire
20: les équipes en lice
39: les départements traversés
45: le nombre moyen de vélos emportés par chaque équipe sur le Tour
76: le pourcentage des Français qui ont déjà vu le Tour
130: le kilométrage moyen des spectateurs pour venir voir le Tour
168: les pays qui diffusent la course en direct
197,5 km: la distance couverte en Italie (15e et 16e étapes), seul pays étranger visité cette année
400 euros: le prix prévu pour les coureurs qui termineront le Tour au-delà de la 90e place
642: les médias représentés
1300: les lits réservés chaque jour pour l'organisation et les équipes
1990: les journalistes, photographes, cameramen et consultants accrédités
2802 m: l'altitude de la cime de la Bonette (16e étape), "sommet" de cette édition
3559 km: la distance totale
8000 euros: le prix remis au vainqueur de chaque étape
8400: les musettes distribuées aux ravitaillements
14'000: les gendarmes présents
42'000: les bidons utilisés par les équipes
450'000 euros: le chèque remis au vainqueur final
Les 10 derniers vainqueurs
1998: Marco Pantani
1999: Lance Armstrong
2000: Lance Armstrong
2001: Lance Armstrong
2002: Lance Armstrong
2003: Lance Armstrong
2004: Lance Armstrong
2005: Lance Armstrong
2006: Floyd Landis *
2007: Alberto Contador
* = disqualifié pour dopage.
Les Suisses en jaune
1936 Paul Egli (1 jour)
1947 Ferdi Kübler (1)
1950 Ferdi Kübler (11)
1951 Giovanni Rossi (1)
1951 Hugo Koblet (11)
1954 Fritz Schär (6)
1987 Erich Mächler (7)
1992 Alex Zülle (1)
1996 Alex Zülle (3)
2002: Rubens Bertogliati (2)
2004: Fabian Cancellara (2)
2007: Fabian Cancellara (6)