S'il y a bien une course qui fait peur, c'est l'Enfer du nord. Depuis sa première édition en 1896, la Reine des classiques brise les hommes et leurs machines sur ses six millions de pavés souvent disloqués, au point d'être aujourd'hui la seule épreuve de l'année où les équipes laissent le choix à leurs coureurs d'y participer ou non.
C'est plus vrai encore cette année, avec des secteurs pavés gorgés d'eau et maculés de boue après un hiver particulièrement humide. Même si on annonce un temps chaud, sec et venteux, le parcours ressemblait vendredi encore par endroits à une vraie patinoire propice à un nouveau festival de glissades et de crevaisons.
Les chutes sont le thème du moment dans le cyclisme et l'effroi est monté d'un cran jeudi, lors du terrible crash au Tour du Pays basque qui a notamment envoyé au tapis Jonas Vingegaard et Remco Evenepoel, tous 2 victimes de fractures et d'un pneumothorax pour le premier, qui, à 3 mois du Tour de France, sont contraints de mettre sur pause leur saison pour de longues semaines.
L'accident, précédé par celui tout aussi grave de Wout Van Aert, il y a 10 jours lors d'A travers la Flandre, remet la dangerosité et les vitesses folles de ce sport au coeur du débat.
Pour un sixième Monument
Le peloton est "sacrément traumatisé", selon le directeur de Paris-Roubaix, Thierry Gouvenou, à qui les syndicats de coureurs ont demandé un moyen de freiner les coureurs à l'entrée de la redoutable trouée d'Arenberg, pour éviter un nouveau jeu de quilles.
Après de nombreux conciliabules avec les autorités, il a été décidé que les coureurs allaient contourner un îlot juste avant, une sorte de chicane improvisée qui n'est pas sans poser d'autres problèmes de sécurité, tellement elle est serrée.
"C'est une blague?", a réagi Van der Poel qu'une entrée à plus de 60 km/h dans la trouée d'Arenberg ne semble pas effrayer, comme pas grand-chose d'ailleurs. Vainqueur sortant, le Néerlandais est le grand favori pour réussir le doublé à Roubaix, une semaine après sa démonstration sur le Tour des Flandres.
Certes, la Reine des classiques ne s'offre pas facilement. Aucun coureur n'a gagné les 2 Monuments pavés la même année depuis Fabian Cancellara en 2013. Et il faut remonter à 2009 et Tom Boonen pour trouver trace d'un vainqueur sortant qui conserve son bien à Roubaix. Mais Van der Poel a d'excellentes raisons d'y croire car sa puissance, son agilité et sa supériorité rappellent justement celles exprimées à l'époque par Cancellara et Boonen avec qui il commence à jouer dans la même cour.
Le Suisse et le Belge, respectivement triple et quadruple vainqueurs de Paris-Roubaix, ont gagné 7 Monuments dans leur carrière.
Laporte de retour
Van der Poel peut s'approcher dimanche à une longueur de ces 2 géants des pavés. Et dépasser Tadej Pogacar pour devenir le seul coureur en activité à en compter 6 dans sa musette, à seulement 29 ans.
Si le champion du monde, qui a passé la semaine à s'entraîner au soleil en Espagne, est autant favori, c'est aussi parce que la concurrence arrive, comme au Tour des Flandres, dans ses petits souliers.
Outre Wout Van Aert, absent pour de longues semaines, une incertitude entoure l'état de forme de Mads Pedersen qui panse lui aussi encore ses plaies après le Tour des Flandres. Même chose pour l'équipe Visma-Lease a bike qui enregistre le retour de Christophe Laporte, mais fera sans Van Aert et Matteo Jorgenson.
Le concurrent le plus sérieux de Van der Poel pourrait au final être son équipier chez Alpecin, Jasper Philipsen, 2e l'an dernier et vainqueur de Milan-Sanremo il y a un mois.
Si l'un des deux gagne, Alpecin deviendra la première équipe depuis plus d'un demi-siècle à remporter les 3 premiers Monuments de l'année, un joli pied de nez aux mastodontes Visma, UAE ou Ineos qui présentent un budget autrement plus joufflu.
Après, il reste l'aléatoire d'une course sans nulle pareille, 260 km truffés de pièges où ce n'est pas toujours le plus fort qui gagne et où il faut aussi une bonne dose de chance pour éviter les crevaisons et évidemment les chutes.
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agences/tai