Le cyclisme renoue avec sa légende annuelle, dimanche, dans Paris-Roubaix dont la 109e édition aura, sous le soleil annoncé sur les pavés du Nord, le Suisse Fabian Cancellara pour grand favori.
Au départ des 258 kilomètres à Compiègne, quatre anciens lauréats figurent dans le peloton des 25 équipes. Deux d'entre eux, Fabian Cancellara (2006 et 2010) et l'Australien Stuart O'Grady (2007), se côtoient dans la même équipe. Le Français Frédéric Guesdon (1997) s'aligne pour la 16e fois dans l'épreuve qui l'a révélé, preuve de la passion que suscite la "reine des classiques".
Quant au Belge Tom Boonen, il n'est autre que le triple vainqueur (2005, 2008 et 2009), candidat naturel au record des quatre succès détenu par son compatriote Roger De Vlaeminck depuis les années 1970.
Pas de vrai duel en 2010
Si Cancellara bénéficie de la présence de O'Grady au sein d'une équipe Leopard sensiblement moins impressionnante que leur ancienne formation (Saxo Bank), Boonen possède également un appui solide chez Quick Step, longtemps le groupe dominant dans Paris-Roubaix. A côté de l'Anversois, Sylvain Chavanel représente plus qu'un simple lieutenant, surtout après son numéro dimanche dernier dans le Tour des Flandres (2e). Mais le Français, là encore, manque d'expérience sur les pavés du Nord bien qu'il se soit déjà classé en bon rang sur le vélodrome roubaisien (8e).
Entre Cancellara et Boonen, l'an passé, le match avait tourné court. Le Bernois, surpuissant, s'était isolé dès les pavés de Mons-en-Pévèle, à une cinquantaine de kilomètres de l'arrivée. Il avait "détruit" ses adversaires, comme une semaine plus tôt au Tour des Flandres. Cette fois encore, tout semblait en place pour aboutir au même scénario. Jusqu'à 16 kilomètres de l'arrivée du "Ronde" et un début de crampes pour Cancellara.
"C'est un homme comme nous, il a aussi ses faiblesses", a commenté Boonen, quatrième du Tour des Flandres juste derrière son grand rival. Le Flamand fait néanmoins du Bernois le grand favori. "Avec son expérience et sa forme actuelle, Fabian est le grand favori. Il était déjà très bien à Milan-Sanremo. Maintenant, il arrive à la fin de son état de grâce mais c'est suffisant pour en faire l'homme à battre".
Taillé pour les pavés
Depuis son titre mondial acquis à l'automne dernier, Thor Hushovd ne pense qu'au rendez-vous. Le Norvégien, présent sur le podium roubaisien depuis deux ans (3e en 2009, 2e en 2010), veut gagner à Roubaix, où le dernier lauréat habillé du maillot de champion du monde s'appelle Bernard Hinault... en 1981.
Convaincu d'être taillé pour cette course épique depuis qu'il l'a enlevée dans la catégorie espoirs (1998), Hushovd espère tirer parti des conseils d'un ancien vainqueur, le retraité Peter Van Petegem, recruté à cette fin. Et, plus encore, de la supériorité numérique escomptée par son équipe Garmin (Hammond, Haussler, Farrar, Klier), a priori la mieux armée avec la BMC de l'Italien Alessandro Ballan (Quinziato, Burghardt, Hincapie) et la Katusha menée par un autre Italien, Filippo Pozzato (Gusev, Hoste, Ivanov).
Une première pour l'Espagne?
Juan Antonio Flecha, qui rêve toujours de devenir le premier Espagnol à figurer au palmarès, bénéficie lui aussi d'un solide entourage chez Sky (Hayman, Wiggins). Avec, pour possible révélation, le poursuiteur gallois Geraint Thomas, remarqué au Tour des Flandres (10e).
Tous savent que le courage et la persévérance sont indispensables dans Paris-Roubaix, course des extrêmes dont les sentes archaïques renvoient un écho de grande modernité. Mais aussi que savoir franchir les pavés - 51,5 km au programme, dont le secteur nouveau de Millonfosse aussitôt après la trouée d'Arenberg - réclame des qualités de puissance et de souplesse qui sont l'apanage des "grands".
Il y a dix ans... la pluie
Contrairement à son mythe, Paris-Roubaix, qui devrait se courir dimanche sous le soleil, rencontre rarement la pluie sur son passage. Pour trouver trace d'une édition pluvieuse, il faut remonter à 2001, année du triplé de l'équipe Domo (Knaven, Museeuw, Vainsteins) qui avait su utiliser la longue échappée du Belge Wilfried Peeters -l'actuel directeur sportif de Quick Stepjusqu'au Carrefour de l'Arbre.
A la pluie du départ avaient succédé quelques éclaircies. Mais les intempéries des jours précédents avaient rendu les pavés très boueux et les chutes s'étaient multipliées. La plus grave étant celle de Philippe Gaumont dans la trouée d'Arenberg, transformée en cloaque gras et luisant.
Depuis cette édition, la "reine des classiques" s'est disputée par temps sec pour l'essentiel. Sans que les coureurs, dont le visage porte un masque de poussière (ou de boue), soient plus facilement reconnaissables à l'arrivée.
"Les Paris-Roubaix les plus éprouvants se courent sur le sec car l'allure est plus rapide", avait coutume d'expliquer Laurent Fignon, qui passa tout près de la victoire en 1988 (3e). Mais les plus mémorables sont ceux qui rencontrent les pires conditions météo.
En 1994, des flocons de neige avaient accompagné la sortie de Compiègne et le froid sévissait sur l'ensemble de la région. Cette année-là, Andrei Tchmil gagna une édition légendaire, en attaquant à plus de 60 kilomètres de l'arrivée et en sortant vainqueur d'un impressionnant bras de fer avec le Belge Johan Museeuw, futur triple vainqueur. Tchmil, devenu président de l'équipe Katusha, était un vrai guerrier. Accablé par les ennuis mécaniques en 2001 (8e à l'arrivée), il eut ce commentaire: "Je n'ai jamais pensé à abandonner. Abandonner ici, c'est comme une trahison."
agences/lper
Paris - Roubaix
Le parcours
258 km
Départ à Compiègne à 10h20. Arrivée prévue à Roubaix (vélodrome) vers 16h45.
Vingt-sept secteurs pavés d'une longueur totale de 51,5 km échelonnés à partir de Troisvilles (Km 98). Ravitaillements à Solesmes (Km 115,5) et Beuvry-la-Forêt (Km 189,5). Passages à Arenberg (Km 172), Mons-en-Pévèle (Km 209) et au Carrefour de l'Arbre (Km 241). Sur le vélodrome, les coureurs ont à effectuer la distance depuis l'entrée du vélodrome jusqu'à la ligne d'arrivée (300 m), puis un tour complet (500 m).
La participation
25 équipes. Leopard, AG2R La Mondiale, BMC, Bretagne-Schuller, Cofidis, Euskaltel, FDJ, HTC, Katusha, Lampre, Liquigas, Movistar, Omega Pharma, Astana, Quick Step, Rabobank, Saur-Sojasun, Saxo Bank, Skil, Sky, Europcar, Garmin, Netapp, RadioShack, Vacansoleil
Les favoris
Fabian Cancellara (SUI), Tom Boonen (BEL), Thor Hushovd (NOR), Juan Antonio Flecha (ESP), Alessandro Ballan (ITA), Sylvain Chavanel (FRA), Filippo Pozzato (ITA), Björn Leukemans (BEL), Sebastian Langeveld (NED)
Les grands absents
Nick Nuyens (BEL), Philippe Gilbert (BEL), Alexandre Vinokourov (KAZ), Edvald Boasson Hagen (NOR), Matti Breschel (DEN)
Prix
91'000 euros, dont 30'000 pour le vainqueur
Les victoires
108 éditions disputées depuis la création de l'épreuve en 1896. 53 victoires pour la Belgique, 28 pour la France, 13 pour l'Italie, 5 pour les Pays-Bas, 3 pour la Suisse, 2 pour l'Irlande, 1 pour l'Allemagne, l'Australie, le Luxembourg, la Russie et la Suède (deux ex-aequo en 1949).
Record des victoires: 4 pour Roger De Vlaeminck (BEL) entre 1972 et 1977
Les dix derniers vainqueurs
2010: Fabian Cancellara (SUI)
2009: Tom Boonen (BEL)
2008: Tom Boonen (BEL)
2007: Stuart O'Grady (AUS)
2006: Fabian Cancellara (SUI)
2005: Tom Boonen (BEL)
2004: Magnus Backstedt (SWE)
2003: Peter Van Petegem (BEL)
2002: Johan Museeuw (BEL)
2001: Servais Knaven (NED)
Fabian Cancellara de A à Z
A comme Andersen: son directeur sportif depuis 2006
B comme Berne: sa ville de naissance, le 18 mars 1981
C comme Cecchini: l'ingénieur italien qui a mis au point un système révolutionnaire de roulement dans le pédalier déjà utilisé par Cancellara
D comme deux: ses titres de champion du monde juniors du contre-la-montre (1998 et 1999)
E comme E3: le dernier de ses 69 succès répertoriés dans des courses internationales (GP E3, le 26 mars)
F comme Fasso Bortolo: l'équipe de ses premiers grands succès (entre 2003 et 2005)
G comme Grammont: le lieu de sa démonstration de force la plus mémorable dans le Tour des Flandres 2010
H comme Huser: son agent
I comme Italie: le pays de ses aïeux, originaires de la région du Basilicate dans le Mezzogiorno
J comme journalistes: à travers un jury international, ils lui ont décerné en 2010 le trophée de coureur de l'année (Vélo d'Or)
K comme Kubler: la légende du cyclisme suisse (91 ans) qui a adoubé Cancellara
L comme Leopard: son équipe actuelle dans laquelle il a rejoint les frères Frank et Andy Schleck
M comme Mapei: sa première équipe professionnelle en 2001
N comme nouveauté: le maillot à dominante grise qu'il porte cette saison
O comme O'Grady: l'un de ses soutiens les plus précieux, qu'il a aidé à gagner Paris-Roubaix en 2007
P comme (GP) Palio del Recioto: le nom de la première course senior figurant à son palmarès (25 avril 1980)
Q comme quatre: ses titres mondiaux du contre-la-montre (2006, 2007, 2009 et 2010)
R comme Riis: son patron jusqu'à l'année passée, chez CSC puis Saxo Bank
S comme Spartacus: son surnom dû à son gabarit (1,86 m pour 80 kg)
T comme Tour de France: 6 étapes et 21 journées en maillot jaune dans la plus grande course du monde
U comme unique: le titre conquis aux JO, à Pékin en 2008
V comme vingt-trois: le nombre de ses jours de course en 2011 (avant Paris-Roubaix)
W comme watts: le pic de puissance (1400 watts) qu'il aurait délivrée l'an passé dans le mur de Grammont
X comme X: l'inconnue du nombre de changements de vélo auquel sacrifiera le Suisse dimanche
Y comme Youtube: le réseau qui a diffusé au printemps dernier une vidéo accusant Cancellara de dopage technologique (aide motorisée)
Z comme zéro: les contrôles antidopage positifs de Cancellara.