Les forces ont manqué. Fabian Cancellara, vidé au terme des
259,5 km du 106e Paris-Roubaix, n'a rien pu faire au sprint face au
Belge Tom Boonen (Quick Step), vainqueur sur le mythique vélodrome
pour la deuxième fois après 2005. Le Bernois, deuxième, a terminé
devant l'autre échappé, l'Italien Alessandro Ballan, mettant ainsi
un terme à une première partie de saison fantastique.
Même les guerriers les plus courageux doivent un jour rendre les
armes. Ainsi, «Spartacus» n'a pas réussi son pari fou - voire
impossible - de remporter Milan-San Remo, le Tour des Flandres et
Paris-Roubaix. Mais le légendaire esclave n'avait-il pas, lui
aussi, mordu la poussière face au dernier assaut des armées de
Crassus ? Lauréat en Italie, victime «d'un jour sans» lors du Ronde
et battu sur le fil dans la «dure des dures», le Bernois gardait
malgré tout le sourire.
Enfin du repos
«C'est difficile de remporter ces trois courses, se résignait
avec humour le Bernois, vainqueur de l'Enfer du Nord en 2006. Je
suis quand même content de mon début de saison. J'ai été en grande
forme durant une longue période, ce qui est très positif. Je peux
enfin observer ma première pause de l'année...»
La 106e édition de Paris-Roubaix tint toutes ses promesses. Seuls
les meilleurs coureurs du monde peuvent s'y illustrer. Un constat
qui ne fut pas démenti par le film de la course. L'échappée
décisive se formait en deux fois. Une première consécutive à une
accélération à 50 km de l'arrivée qui plaçait à l'avant un groupe
de huit prestigieux cyclistes: Boonen, Cancellara, Ballan, Hoste,
O'Grady, Devolder, Maaskant et Van Summeren.
Manque de force
Quand Boonen élevait une nouvelle fois le rythme à 34 km du but,
seuls Cancellara et Ballan purent suivre l'allure. Il faut dire que
le vainqueur 2007 Stuart O'Grady, coéquipier du Bernois à la CSC,
et Stijn Devolder, récent vainqueur en solitaire du Tour des
Flandres, avaient tenté de fuir peu auparavant, laissant dans
l'aventure trop de forces.
Des forces, ce fut justement ce qu'il manquait à Cancellara pour
triompher. «J'ai vu que j'étais le plus frais», confiait un Boonen
retrouvé, lui qui n'avait plus remporté de grande course depuis
2006 et le Tour des Flandres. «Je rêvais de regagner ici,
lâchait-il encore. Ce fut une épreuve très difficile qui ne s'est
pas simplement jouée au sprint. Pour preuve, nous l'avons terminée
à plus de 43 km/h de moyenne. C'est énorme !» Il s'agit même, avec
43,406 km/h, de la moyenne la plus élevée de l'histoire depuis
l'adoption, en 1968, du parcours moderne.
Essayé, pas pu
Cancellara essaya pourtant par deux fois de fausser compagnie à
ses adversaires. Néanmoins, tant dans le secteur pavé du Carrefour
de l'Arbre qu'à la sortie de celui de Gruson, le double champion du
monde contre la montre ne prenait même pas dix mètres d'avance.
«Finalement, avec trois beaux coureurs à l'arrivée, je me suis dit
qu'une explication à trois sur le vélodrome n'était pas une si
mauvaise chose», relevait encore le Suisse.
Fidèle à son habitude, l'Enfer du Nord fit, tout au long de son
parcours, beaucoup de dégâts. Certains favoris tels Juan Antonio
Flecha et Filippo Pozzato perdirent en effet toute chance de succès
après des chutes ou des crevaisons. Les Suisses ne furent pas
épargnés. Aurélien Clerc, bon deuxième dans Gand-Wevelgem, se
retrouva au sol à 55 km de l'arrivée, alors qu'il figurait encore
dans le bon wagon. Même mésaventure pour Martin Elmiger, propulsé
chef de file de l'équipe AG2R, mais tombé à 104 bornes de
Roubaix.
si/mor
Paris-Roubaix, classement
1. Tom Boonen BEL 5h58'42"
moyenne: 43,41 km/h
2. Fabian Cancellara SUI + 0"
3. Alessandro Ballan ITA 0"
4. Martijn Maaskant NED 3'39"
5. Stuart O'Grady AUS 3'57"
6. Leif Hoste BEL 3'57"
7. Stijn Devolder BEL 3'59"
8. Johan Vansummeren BEL 4'35"
9. George Hincapie USA 5'12"
10. Fabio Baldato ITA 5'12"
11. Frédéric Guesdon FRA 5'12"
12. Juan Antonio Flecha ESP 5'12"
13. Manuel Quinziato ITA 5'12"
14. Wim De Vocht BEL 5'12"
15. Staf Scheirlinckx BEL 5'12"
28. Steffen Wesemann SUI 7'27"
32. Martin Elmiger SUI 11'26"
35. Aurélien Clerc SUI 11'44"
Réactions
Tom Boonen
"Je pense que j'étais le plus frais pour le sprint. Je tenais à entrer dans le vélodrome en dernière position. Dans la ligne droite, je n'ai pas regardé derrière. Quand je ne gagne pas, on dit tout de suite que je suis moins fort. Mais je fais tout pour gagner les grandes courses, Milan-San Remo, le Tour des Flandres, Paris-Roubaix. Au total, j'en suis déjà à six victoires. Combien de coureurs dans le peloton peuvent en dire autant ?"
Fabian Cancellara
"C'est plus que bien. La victoire à Milan-San Remo, la deuxième place à Paris-Roubaix. C'était un rêve de tout gagner avec aussi le Tour des Flandres. Gagner l'une de ces classiques, c'est déjà pas facile. Je peux être vraiment content de ce résultat. Je savais que je devais attaquer mais, à la fin, nous étions les plus forts devant. J'ai pensé que ça se jouerait sur le vélodrome. On le méritait."
Alessandro Ballan
"Dans le final, j'ai ressenti la fatigue. J'étais dur, je commençais à avoir des crampes. Je suis donc content d'être sur le podium, content de ma course. J'ai essayé de tenter quelque chose mais Boonen et Cancellara étaient aujourd'hui supérieurs. Quand ils ont "vissé", ils ont fait vraiment mal. Mais c'est sûr, je reviendrai pour gagner."