C'est un Tour de France hanté par des
affaires de dopage qui s'élancera samedi de Londres pour trois
semaines que les scientifiques redoutent de voir placées sous le
signe de nouveaux produits capables d'échapper à un arsenal de
contrôles pourtant déjà bien rodés. Jamais, depuis que la Grande
Boucle vit au rythme des scandales, tant de dossiers ne s'étaient
entrechoqués lors d'une même édition: les cas en cours
d'instructions - Landis, Puerto -, les repentis de l'ère Telekom et
les bombes susceptibles d'exploser à tout moment. Les 189 coureurs
du peloton vont rouler durant 21 jours sur une poudrière...
La véritable bombe à retardement qui menace le Tour 2007 n'a été
amorcée que dans les dernières semaines. L'UCI a ciblé une
demi-douzaine de coureurs de premier plan, dont trois surnommés
"Men in black" (les hommes en noir). Le sentiment que des contrôles
inopinés "non négatifs" sur certains d'entre eux soient révélés
avant ou pendant le Tour est d'une actualité toujours brûlante.
Comme chaque année, les 189 partants ont livré un échantillon de
sang qui servira de base à de possibles contrôles inopinés. Toute
anomalie sur ce test déclenchera un ciblage, donc au moins un
contrôle durant la course.
"Vino" et Astana à l'index
Dans ce contexte explosif, les autorités françaises veilleront
également au grain. Ainsi, Roselyne Bachelot a prévenu que les
contrôles seront renforcés cette année. La nouvelle ministre des
Sports veut en effet se profiler comme la "ministre de la lutte
antidopage". Pour passer entre les mailles du filet, certains
coureurs disposent d'un césame de l'UCI: les autorisations à usage
thérapeutique. En 2006, 60% des partants avaient ainsi accès à des
médicaments contre l'asthme ou les douleurs. L'Agence française de
lutte contre le dopage s'inquiète de ce phénomène et parle d'un
"passeport pour le dopage".
Favori no1, Alexandre Vinokourov va s'élancer sur le Tour avec une
forte suspicion de tricherie alimentée par la rumeur. Le Kazakh et
sa formation, Astana, dérangent. Leurs moyens, sportifs et
financiers, suscitent la jalousie. Les déclarations de l'UCI,
l'engagement de nombreux ex-coureurs de T-Mobile, les mises à
l'écart récentes de Kessler et Mazzoleni ainsi que la présence de
Godefroot dans l'encadrement provoquent le malaise autour de
l'équipe kazakhe. Malgré cela, la formation basée à Neuchâtel a
bien l'intention de jouer les premiers rôles sur la Grande Boucle.
Et elle semble en avoir les moyens.
Pereiro pas dans les favoris
Deuxième en 2004 et 3e l'an dernier, Andreas Kloeden aura aussi
sa carte à jouer pour la victoire finale. Astana pourra en outre
compter sur des lieutenants de grande valeur, à l'image de Paolo
Savoldelli et Andrey Kashechkin. Les autres favoris seront Levi
Leipheimer, Cadel Evans, Alejandro Valverde et Denis Menchov.
Deuxième l'an dernier et peut-être bientôt désigné vainqueur après
le déclassement de Floyd Landis, Oscar Pereiro ne paraît pas assez
affuté pour viser un nouveau podium. Tout le contraire de
Christophe Moreau, qui peut viser le top-5 s'il garde son
excellente forme du dernier Dauphiné.
CANCELLARA ATTENDU A
LONDRES
Cinq Suisses seront présents sur les routes du Tour: Fabian
Cancellara, Martin Elmiger, Michael Albasini, Gregory Rast et
Johann Tschopp. Pour sa première Grande Boucle, le Valaisan tentera
de profiter de ses qualités de grimpeur afin de s'immiscer dans une
échappée peut-être décisive.
Samedi, tous les regards se porteront sur Cancellara, qui sera
l'un des principaux candidats à la victoire du prologue couru en
plein centre de Londres. Le Bernois a toutefois connu des petits
problèmes de santé ces derniers jours. Souffrant du dos, il a dû
consulter un chiropraticien. Sera-t-il remis pour la conquête du
maillot jaune samedi?
TXT/Samuel Jaberg avec les agences
Equipes, leaders et Suisses
AG2R Prévoyance: Moreau, Elmiger
Agritubel: Mercado, Jalabert
Astana: Vinokourov, Savodelli, Kloeden, Kashechkin, Rast
Barlowolrd: Hunter, Guidi
Bouygues T.: Voeckler, Tschopp
Caisse d'Epargne: Valverde, Arroyo, Pereiro, Karpets
Cofidis: Chavanel, Parra
Crédit Agricole: Caucchioli, Halgand, Hushovd
CSC: Sastre, F.Schleck, O'Grady, Cancellara
Discovery Channel: Contador, Popovych, Leipheimer, Gusev.
Euskatel: Zubeldia
Française des Jeux: Casar, Gilbert
Gerolsteiner: Fothen, Foerster, Wegmann
Lampre: Valjavec, Bennati, Bruseghin
Liquigas: Pozzato, Beltran, Albasini
Milram: Celestino, Zabel
Predictor-Lotto: Evans, McEwen, Horner
Quick Step: Boonen, Vasseur
Rabobank: Menchov, Rasmussen, Freire, Flecha, T.Dekker
Saunier Duval: Millar, Mayo
T-Mobile: Sinkewitz, Kirchen, Rogers.
Un parcours plus rythmé
Une localité (Tignes), un plateau (Beille) et un col (Aubisque) forment la trilogie des arrivées au sommet du Tour, qui reste fidèle à son dosage de difficultés mais cherche à adopter un rythme différent après son départ.
Ce premier parcours conçu par Christian Prudhomme, le nouveau directeur du Tour, veut d'abord rompre avec le scénario répétitif des étapes de plaine en début de course. Il attend en effet beaucoup de la 5e étape dans les reliefs du Morvan. "Pas un centimètre de plat!". La montagne survient dès la fin de la première semaine dans un crescendo logique de grosses difficultés.
Tournant dans le sens des aiguilles d'une montre, le parcours privilégie le second massif montagneux après la transition du Midi. Les coureurs entrent dans les Pyrénées par l'Ariège et le rude enchaînement de deux ascensions. Deux autres grandes étapes de montagne s'ajoutent à ce menu réservé aux grimpeurs. La seconde s'annonce épuisante à quatre jours du défilé sur les Champs-Elysées.
Trois jours plus tard, le clm de 55,5 kilomètres entre Cognac et Angoulême fixera la hiérarchie. Il ne reste plus ensuite qu'à boucler la dernière étape en région parisienne pour en terminer avec la 94e édition et ses 3570 kilomètres, à peu près la même distance que lors de la précédente édition.