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Une Grande Boucle toujours minée par les suspicions de dopage

L'essentiel des analyses sera effectué au laboratoire de Lausanne.
L'essentiel des analyses sera effectué au laboratoire de Lausanne.
Le Tour de France s'apprête une fois encore à jouer aux gendarmes et aux voleurs en matière de dopage. La plus grande épreuve cycliste du monde débutera samedi dans un éternel climat de suspicions encore alimenté par les récentes révélations de Floyd Landis.

Le Tour de France qui s'élancera samedi de Rotterdam fait tout pour se débarrasser de l'étiquette de grand rendez-vous du dopage qui colle à l'épreuve depuis le scandale Festina. La Grande Boucle ne parvient pas à éviter un climat de suspicions gonflé par les récentes accusations de Floyd Landis.

Les récentes révélations de Landis accablent, entre autres, Armstrong... [KEYSTONE - Dianne Manson]
Les récentes révélations de Landis accablent, entre autres, Armstrong... [KEYSTONE - Dianne Manson]

Quatre ans après un contrôle positif à la testostérone qui l'avait fait passer du grade de vainqueur à celui de tricheur, l'Américain a décidé de passer bizarrement aux aveux au printemps pour "soulager" sa conscience, lui qui n'a pas hésité à se ruiner en procédures judiciaires en jurant ne s'être jamais dopé. Landis en a profité pour accabler au passage une quinzaine d'anciens proches, dont Lance Armstrong, le septuple vainqueur, qui fut son coéquipier chez US Postal, et son directeur sportif Johan Bruyneel.

Mais faut-il croire sur parole un homme qui a passé des années à nier l'évidence? Farfelues ou non, les accusations de Landis et l'ébullition qu'elles ont suscitée en plein Tour d'Italie ont poussé l'Union cycliste internationale (UCI) à demander aux fédérations nationales de mener l'enquête. A suivre ou à classer, la sortie de Landis n'a pas de quoi arranger, aux yeux des sceptiques, l'image du cyclisme. Pourtant, le ménage continue et l'UCI y met les moyens.

Profil sanguin fatal à huit coureurs

Alejandro Valverde, le vainqueur du dernier Tour d'Espagne, a enfin été forcé par le Tribunal arbitral du sport de mettre pied à terre jusqu'au début 2012, quatre ans après la mise au jour du scandale Puerto en Espagne, dans lequel il était impliqué. Avec l'introduction du passeport biologique, l'UCI a coincé en un an huit coureurs sur la seule base des irrégularités de leur profil sanguin et une quinzaine d'autres, ciblés par des contrôles inopinés. Du nombre sont Danilo Di Luca et Franco Pellizotti, les deux Italiens sur le podium du Giro 2009.

La dernière Grande Boucle n'avait, elle, été ternie par aucun contrôle positif, ni pendant, ni après. Mais elle n'avait pas été épargnée par les polémiques, avec Pierre Bordry, le président de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), dans le rôle du pyromane. L'UCI, qui avait permis à l'AFLD d'être partenaire pour les contrôles sur le Tour 2009, s'en est mordu les doigts, en découvrant en octobre dans la presse un rapport de l'AFLD accusant ses inspecteurs de "manquer de professionnalisme" et d'avoir réservé "un traitement de faveur" à Astana, l'équipe d'Alberto Contador et alors d'Armstrong. Absurde, a rétorqué la fédération, soulignant, chiffres à l'appui, que cette équipe avait été au contraire la plus contrôlée. Avant de pointer à son tour les erreurs de l'AFLD et de reprocher à Pierre Bordry de se faire de la publicité sur son dos.

Observateurs indépendants

Pincé sur le Tour de France 2007, Vinokourov est de retour.
Pincé sur le Tour de France 2007, Vinokourov est de retour.

Dans cette bataille qui a pris une tournure politique, l'Agence mondiale antidopage (AMA) a été appelée à jouer l'arbitre. A la demande de l'UCI, elle envoie des observateurs indépendants sur le Tour pour vérifier que les contrôles - dont la fédération a la pleine responsabilité - se font bien dans les normes. Et si l'AMA n'a pu, pour des questions juridiques, dire oui à l'AFLD qui voulait mener ses propres tests durant l'épreuve, elle lui a offert la possibilité d'en diligenter par le biais de ses observateurs indépendants.

Côté coureurs, deux revenants seront au départ à Rotterdam: l'Italien Ivan Basso et surtout le Kazakh Alexandre Vinokourov, dont le contrôle positif en plein Tour 2007 avait fait l'effet d'une tornade. Pas de Grande Boucle en revanche pour l'Italien Ricardo Ricco, qui avait eu sa photo dans le journal en 2008 pour ses victoires d'étape, puis encadré par les gendarmes. Après sa suspension sportive, le "Cobra", jugé cette semaine à Foix, risque encore une sanction pénale en vertu de la loi du 3 juillet 2008 sur la détention de produits dopants, une loi qu'il fut le tout premier sportif à étrenner.

si/ggol

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Nombreux contrôles inopinés

Le Tour de France a la particularité cette année de se courir sous la surveillance d'une équipe d'observateurs de l'Agence mondiale antidopage (AMA). Ceux-ci sont invités à signaler en direct toute erreur ou lacune dans le dispositif de contrôles durant l'épreuve. L'UCI, chargée du programme antidopage, a prévu de mener environ 350 tests sanguins et 190 tests urinaires durant la Grande Boucle. La majorité des échantillons seront analysés au Laboratoire antidopage de Lausanne et une partie à Cologne.
Mais la lutte antidopage se fait surtout en amont. Dans les semaines précédant le coup d'envoi à Rotterdam, se sont multipliés ainsi les contrôles inopinés, les spécialistes de la lutte antidopage sachant que les sportifs qui veulent tricher optent souvent pour des cures avant les compétitions. Quelques jours voire quelques heures après la prise, les traces de ces substances deviennent difficilement détectables dans le sang ou l'urine, alors que le bénéfice physiologique est encore présent.

Observateurs indépendants
Grâce au passeport biologique mis en place depuis 2008, l'UCI peut cibler en priorité les coureurs dont les profils sanguins présentent des valeurs suspectes, ou même se servir de ces anomalies pour accuser formellement un coureur de dopage si des experts jugent que c'est le cas. Dans l'espoir d'éviter les critiques, la fédération internationale a demandé à l'AMA d'envoyer des observateurs indépendants sur le Tour, comme elle le fait pour les jeux Olympiques. Deux équipes de trois observateurs se succèderont ainsi sur l'épreuve avec pour mission de relater au jour le jour tout ce qui ne pourrait pas aller.

Huit ans le délai de prescription
L'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), en guerre avec la fédération internationale, n'est pas autorisée à mener elle-même des contrôles sur les coureurs, comme elle avait pu le faire les deux dernières années. Mais si les douanes ou des forces de l'ordre françaises observent des choses suspectes, elle a la possibilité de faire faire des contrôles additionnels via les observateurs indépendants.
Même si aucun contrôle positif ne vient perturber l'épreuve, les éventuels tricheurs ne peuvent pas considérer la ligne d'arrivée sur les Champ-Elysées comme une garantie d'impunité. Les échantillons des tests antidopage peuvent être conservés et réanalysés plus tard en fonction des avancées de la science, comme ce fut le cas en 2008. Le Code mondial antidopage fixe en effet à huit ans le délai de prescription pour une infraction.