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Lance Armstrong: "Je ne pouvais pas abandonner"

Oui, "adios" Lance Armstrong. Le Texan a disputé son dernier Tour.
Oui, "adios" Lance Armstrong. Le Texan a disputé son dernier Tour.
Septuple vainqueur de l'épreuve et encore deuxième l'an dernier, Lance Armstrong ne remportera pas de 8e Tour de France. Le si controversé Américain ne courra plus cette année, et peut-être plus du tour. Interview.

Lance Armstrong est revenu dimanche matin, dans le TGV qui amenait le peloton au départ de la dernière étape du Tour de France à Longjumeau, sur sa dernière Grande Boucle qu'il "ne pouvait pas abandonner" malgré un résultat pas à la hauteur de ses attentes.

L'Américain, septuple vainqueur du Tour, a confirmé que cette Grande Boucle était sa dernière course professionnelle de l'année.

- Ce Tour était un Tour de trop ?

LANCE ARMSTRONG: Sportivement ? Je n'ai pas couru aussi bien que ce que j'aurais voulu. Je pensais que j'étais prêt. J'ai bien commencé, il y a eu cette crevaison sur les pavés, les chutes... La première chute, je n'ai pas perdu de temps mais je n'ai jamais récupéré totalement, la deuxième a été le clou dans le cercueil. Mais je pensais, après l'an dernier et le début de course, que je ferais mieux que l'an dernier (3e).

- Que retirerez-vous personnellement de ce Tour ?

LANCE ARMSTRONG: Je ne pouvais pas abandonner. J'aurais pu dire "j'ai chuté deux fois", trouver une douzaine de choses qui ne se sont pas bien passées. Le résultat n'est pas idéal mais ç'aurait été une grosse erreur d'abandonner l'équipe, le sponsor, mes fans...

"Je ne courrai plus cette année"

- Vous reverra-t-on toujours autant ou allez-vous disparaître ?

LANCE ARMSTRONG: Je ne courrai plus cette année, sauf quelques événements en loisir. Je n'ai pas décidé si je ferai des choses l'an prochain. A Austin (sa ville), vous me verrez rouler avec mes enfants, il y aura d'autres événements de charité... Au moins pour la fin de l'année, il n'y aura pas de courses professionnelles.

- Renoncer à la compétition est-il plus facile après votre résultat de cette année ?

LANCE ARMSTRONG: Je pense. Je suis fixé sur ma compétitivité pour les quarante prochaines années ! Ca m'amènera à 80 ans et après je pense que je n'aurai pas envie de faire un come-back ! Il y a d'autres formes de compétition. Je peux me lancer des défis au marathon, me mettre des objectifs personnels pour me dépasser...

- Et l'enquête judiciaire qui vous vise sera aussi une compétition...

LANCE ARMSTRONG: Ce sera très compétitif. On mettra la meilleure équipe. Mais au final ce sera une compétition juste. Aujourd'hui, ça ne l'est pas mais au final, ça le sera. J'aurai l'occasion d'exprimer mon point de vue. Je suis 100% confiant. Tout sera dit.

Landis, "quelqu'un qui veut ruiner la vie d'autres"

- Les accusations de dopage de votre ancien équipier Floyd Landis vous ont-elles perturbé ?

LANCE ARMSTRONG: Quelqu'un qui dit qu'il veut soulager sa conscience et en même temps incrimine une douzaine de personnes et ajoute "Je n'ai pas de regrets de ce que j'ai fait", ça ne va pas ensemble. C'est juste quelqu'un qui veut ruiner la vie d'autres. Est-ce que ça m'embête ? Oui. Ce n'est pas sincère.

- Certains disent que ça a "ruiné" votre Tour...

LANCE ARMSTRONG: Je ne dirais pas ça. Dans dix ans, quand je me rappellerai de ce Tour, ce ne sera pas le souvenir que j'en aurai.

- Quel sera-t-il ?

LANCE ARMSTRONG: Plusieurs choses. Bien sûr, je n'aurai pas de maillot jaune à me rappeler, mais il y a le fait que l'équipe se soit battue pour avoir le classement par équipes, avoir eu mon fils pendant une semaine sur le Tour, la malchance, les chutes...

Armstrong en politique? "Les chances sont faibles"

- Quelle est la suite pour vous ? On parle de politique, il y a aussi des questions judiciaires...

LANCE ARMSTRONG: On m'interroge beaucoup sur la politique. Il ne faut jamais dire jamais. Mais les chances sont faibles. Les deux choses sont des questions politiques. En tant qu'Américain, il faut demander à nos dirigeants "Faites-vous ce qui est dans notre intérêt ?" sur l'environnement, le système de santé... Beaucoup de gens répondent "oui". Est-ce que laisser des agents traquer des athlètes sans preuves et détruire la crédibilité est une bonne utilisation des impôts des Américains ? Je pense que beaucoup de gens diraient "non".

- Comprenez-vous les doutes qu'il y peut y avoir sur vous dans le public ?

LANCE ARMSTRONG: Bien sûr. Mais ça a commencé en 1999, je suis vacciné contre ça. Il y a des gens qui disent "il n'a rien fait", d'autres qui disent "il l'a fait", d'autres qui disent "il l'a fait mais tout le monde le faisait donc ça me va"... Chacun donne des arguments pour alimenter sa thèse. J'ai renoncé depuis longtemps à combattre ça. Ca ne m'empêchera pas d'avoir ma fondation, de faire ce que je veux de ma vie.

Ces doutes s'appliquent à tous les champions: Thévenet, Hinault, Fignon, LeMond, tout le monde. Dans quelques années, je serai un de ces anciens et il y aura un autre coureur dans l'oeil du cyclone. En ce moment, depuis dix ans, c'est moi.

afp/dbu

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Armstrong, un héritage en clair-obscur

Le septuple vainqueur du Tour de France Lance Amrstrong, qui a achevé dimanche à 38 ans sa dernière Grande Boucle, laisse un sentiment ambivalent dans le peloton, partagé par un coureur au palmarès unique qui a fait briller son sport malgré des zones d'ombre.

D'un avis largement répandu, la performance de l'Américain, revenu d'un cancer avant de remporter le Tour de France sept fois d'affilée entre 1999 et 2005, marque l'entrée du cyclisme dans une ère de professionnalisme exacerbé, porté par son esprit de compétition rarement égalé.

"Il y a des coureurs, des bons coureurs, des très bons coureurs et des champions. Armstrong est un champion comme Miguel Indurain lors de ces vingt dernières années", estime l'Italien Ivan Basso. "J'ai beaucoup appris en essayant de faire comme lui et son équipe: sa préparation au contre-la-montre, son alimentation pendant la course, son placement, sa stratégie...", explique le vainqueur du Giro.

"Quoi qu'on en dise, il a fait du bien au vélo. Il a fait venir un public qui ne s'y intéressait pas. Ca a boosté l'économie du vélo", souligne le champion de France Thomas Voeckler. "Il a dépassé le stade de star du vélo pour atteindre celui de star tout court", estime le Français.

"C'est un des grands coureurs de l'Histoire. Gagner n'importe quelle course sept fois d'affilée c'est incroyable ; gagner le Tour sept fois, c'est presque miraculeux", souligne le Britannique David Millar, qui estime que son record "ne sera jamais battu".

Force de caractère

Le palmarès unique de l'Américain, acquis face à nombre de coureurs rattrapés par des affaires de dopage (Ullrich, Hamilton, Vinokourov, Mancebo, Mayo, Rasmussen, Basso, Heras, Rumsas), a suscité tout au long des années 2000 suspicions et polémiques. "Quand on est au sommet, on est exposé au vent et souvent de face", métaphorise Basso.

"Ses victoires ont eu lieu dans une ère d'ombre et ça suscite le doute. C'est malheureux mais c'est comme ça", explique Millar en appelant à "aller de l'avant".

Dans les équipes françaises, l'admiration n'est pas la dominante. Son retour à la compétition en 2008, qui l'a vu sensiblement moins dominateur, n'a rien atténué. "On ne peut pas dire que ce qu'il a remporté, il l'a remporté dans une clarté totale", estime le directeur sportif de Cofidis, Francis van Londersele. "Son come-back est décevant. C'est plus pour le 'business' qu'autre chose, et pour tenter de reconquérir le public", estime le Français.

"Je me pose encore la question de savoir pourquoi il est revenu", lâche, entre deux soupirs, Marc Madiot qui qualifie laconiquement de "très contrasté" le bilan de l'Américain. "Je n'ai pas de sympathie particulière, mais je lui reconnais une grande force de caractère", explique-t-il.

"Il a peut-être gagné sept Tours mais il n'arrive pas à la cheville d'un Merckx ou d'un Hinault. Ses victoires étaient bétonnées, stéréotypées", estime Madiot. "Il ne m'a fait vibrer qu'une fois: quand il gagne à Limoges après la mort de Fabio Casartelli (lors du Tour 1995). Là, il m'a plu et il m'a mis le frisson. Après, c'est devenu une machine", ajoute-t-il.

"Cette victoire est l'image que je garderai de lui, sourit le directeur sportif de la FDJ. A la fin d'un livre, on essaie toujours de garder une image positive, sinon ça ne vaudrait pas la peine de l'avoir lu".