Laurent Dufaux: "C'est la course qui m'a révélé"
Treize ans après avoir rangé son vélo, Laurent Dufaux est un homme serein, qui n’exprime aucun regret. "Je préfère me satisfaire de ce que j’ai pu faire, vivre de ma passion, voyager et rencontrer des gens". C’est à Aigle, dans les locaux de son entreprise pour laquelle il est représentant en vêtements de sport, que le Vaudois de 47 ans a reçu RTSsport.ch. L’occasion pour le sympathique Chablaisien de se replonger quelques années en arrière et d’évoquer notamment la Boucle romande.
RTSsport.ch: Qu’est-ce que le Tour de Romandie représente pour vous?
LAURENT DUFAUX: En tant que coureur romand, c’était un rêve de faire le Tour de Romandie. Quand j’étais gosse, j’allais voir les coureurs au bord de la route pour les encourager. Mon premier Tour de Romandie remonte à 1991, année de mes débuts sur le circuit professionnel. Cette année-là, j’ai pris la 5e place avec l’équipe Helvetia. C’est la course qui m’a révélé. La Boucle romande a toujours été un objectif. Je me suis affirmé au fil des ans et en 1998, j’ai remporté le général.
L'un des grands moments de ma carrière sportive
RTSsport.ch: Justement, quels souvenirs en gardez-vous?
LAURENT DUFAUX: J’en garde un excellent souvenir. C’était beaucoup de bonheur. Je me souviens avoir pris mon fils Lois (ndlr : né deux mois plus tôt) sur le podium avec moi. On avait une équipe très forte, j’avais gagné le prologue à Rheinfelden puis le lendemain à Saignelégier avec le maillot de leader sur les épaules. Le dimanche, on est arrivé avec le maillot vert à Genève sur les quais du Mont-Blanc. C’est l’un des grands moments de ma carrière sportive.
RTSsport.ch: Courir devant son public, ce sont des émotions particulières?
LAURENT DUFAUX: Evoluer devant son public et des gens qui nous connaissent nous donne cette force de nous surpasser et de donner le meilleur de nous-mêmes. Il y a toujours eu un échange avec les gens. Le Tour de Romandie est une magnifique manifestation sportive et fait partie du patrimoine romand. J’ai essayé à chaque fois d’y prendre part avec beaucoup d'ambitions et de détermination pour essayer de donner le meilleur de moi-même. Je n’ai pas toujours bien réussi mais j’ai terminé à deux reprises sur le podium en plus de ma victoire.
Une course difficile à manoeuvrer
RTSsport.ch: Rouler sur des routes que l’on connaît, est-ce un avantage?
LAURENT DUFAUX: Clairement, c’est un avantage. Souvent on empreinte des routes que l’on connaît bien. Depuis quelques années, les équipes ont pris l’habitude d’aller reconnaître en amont les étapes de montagne pour s’imprégner de la difficulté. Quand on est coureur romand et qu’on habite sur place, logistiquement parlant ce n’est pas très compliqué d’aller repérer les étapes clés. Cela vaut la peine de mettre toutes les chances de son côté. Je me souviens qu’à mon époque, on se regroupait entre Romands pour le faire.
RTSsport.ch: Comment trouvez-vous le parcours cette année?
LAURENT DUFAUX: C’est toujours un parcours assez bien équilibré. En raison de la topographie de la Romandie, le parcours est sélectif, c’est une course difficile à manoeuvrer, avec un prologue, une étape de moyenne montagne et de haute montagne et un contre-la-montre. Il faut les caractéristiques d’un coureur complet pour briller. Cette année, le prologue à Aigle est relativement nerveux et court. Pour les coureurs qui visent la victoire finale, il faudra déjà être affûté lors de la première étape à Champéry. Le coureur qui vient avec des ambitions aura besoin d’avoir une équipe forte autour de lui.
Floriane Galaud - @FlorianeGalaud
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"Il ne faut pas dénaturer le cyclisme"
RTSsport.ch: Quel regard portez-vous sur le cyclisme actuel?
LAURENT DUFAUX: C’est un sport qui a beaucoup évolué. Les équipes sont beaucoup plus importantes en terme d’effectif avec près de 30 coureurs par formation, les budgets croissent d’année en année et le matériel a également évolué. L’UCI essaie de mondialiser le vélo pour essayer de vendre ce sport à des pays qui n’en ont pas forcément la culture. Mais c’est devenu compliqué d’organiser une course cycliste. Beaucoup ont d’ailleurs disparu du calendrier ces dernières années en raison des coûts financiers de plus en plus élevés.
Il faut avoir des structures fortes mais il faut veiller à ne pas dénaturer notre sport. C’est impératif de garder les courses qui ont fait la renommée du cyclisme. Et chaque année, on assiste à la disparition de deux grosses formations, comme IAM ou Tinkoff et de nombreux coureurs restent sur le carreau. Finalement, il y a beaucoup de monde pour peu de place. Combien de cyclistes ont eu des difficultés après le retrait de IAM Cycling?
RTSsport.ch: L’exemple le plus flagrant, c’est Jonathan Fumeaux, champion suisse 2016, qui après la disparition de la formation helvétique a dû se résoudre à rejoindre une équipe continentale…
LAURENT DUFAUX: Exactement. On voit que ces athlètes, que ce soit Jonathan Fumeaux ou Simon Pellaud ont énormément de difficultés à trouver de l’emploi et que même le champion suisse a dû aller dans une petite équipe et faire des sacrifices financiers pour ne pas arrêter complètement sa carrière. C’est un vrai paradoxe: on a des coureurs de qualité mais il y a une telle concurrence avec les pays voisins que ce n’est pas évident de trouver une place dans une équipe que ce soit en France, en Italie ou en Espagne.
"Ce serait important d'avoir une formation suisse"
RTSsport.ch: Une formation suisse est-elle nécessaire pour tous ces jeunes?
LAURENT DUFAUX: Pour le cyclisme suisse, ce serait important d’avoir une équipe dans les années à venir car on a une qualité de cyclisme très intéressante. Une équipe helvétique permettrait à la jeune génération de faire le grand saut et d’émerger au plus haut niveau. Il faut croiser les doigts pour avoir un investisseur ces prochaines années qui souhaite mener un projet à long terme.
RTSsport.ch: Pourquoi n’arrive-t-on pas à avoir une équipe suisse qui perdure?
LAURENT DUFAUX: On a eu déjà des formations helvétiques et il faut déjà remercier Michel Thétaz qui a investi durant tant d’années dans le cyclisme. Le problème aujourd’hui c’est que la mise sur pied d’une équipe suisse compétitive demande de gros moyens, de gros investissements. Le sponsor TAG Heuer a fait un premier pas dans le vélo, on verra s’il est prêt à s’investir pleinement pour créer une véritable équipe dans le futur, ce qui serait une bonne chose. Et même en visant le haut de l’affiche avec de grandes ambitions, mettre en avant la formation, un peu à l’image de ce que fait la BMC avec leur équipe de développement.
Laurent Dufaux et..
Le dopage: Le sport de haut niveau est le reflet de notre société. Du moment qu’il y a de l’argent en jeu, il y a des tentations. Le vélo a beaucoup souffert de son image mais a essayé de se donner les moyens de faire le maximum avec le fameux système ADAMS, des contrôles surprises, inopinés au quotidien avec même des contrôles de nuit. Mais on ne peut pas exclure que l’athlète essaie de feinter se pensant plus malin que les autres et il finit par se faire pincer. Mais on sent qu’il y a une amélioration. Certes le vélo va très vite mais il y a aussi une évolution du matériel et de l’alimentation. Tout s’est professionnalisé. Je pense quand même que le vélo est sur la bonne voie et d’autres sports devraient s’en inspirer. Le cyclisme a été le bouc émissaire pendant pas mal d’année. Nous, avec Festina, on a été les premiers boucs émissaires, on nous a mis la tête sous l’eau alors qu’on faisait partie d’un système. On était tous sur le même bateau, il ne faut pas penser que les autres équipes tournaient à l’eau. C’est tombé sur nous mais cela aurait pu tomber sur n’importe quelle équipe.
La jeune génération suisse: Il y a de jeunes coureurs qui arrivent, notamment la génération de 1998. On a notamment un Marc Hirschi qui est aujourd’hui dans BMC développement qui a remporté l’année passée le Tour du Pays de Vaud. C’est une pépite que l’on a en Suisse et ce sera important qu’il progresse pas à pas et de ne pas brûler les étapes. C’est un coureur en devenir qui a vraiment les capacités d’être le futur grand, des courses par étape. C’est un petit gabarit qui grimpe bien, il a tous les éléments nécessaires pour bien faire.
Tour de Romandie, parcours (25-30.04)
25.04 - prologue:
Clm à Aigle (4,8 km)
26.04 - 1re étape:
Aigle - Champéry (168,9 km)
27.04 - 2e étape:
Champéry - Bulle (161,3 km)
28.04 - 3e étape:
Payerne - Payerne (187 km)
29.04 - 4e étape:
Domdidier - Leysin (163,5 km)
30.04 - 5e étape:
Clm individuel à Lausanne (18,3 km)