Pascal Richard: "J'aurais pu gagner davantage"
RTSsport.ch: Vous avez remporté le Tour de Romandie en 1993 et 1994, quels souvenirs en gardez-vous?
PASCAL RICHARD: Ça remonte à loin (sourire). Le Tour de Romandie est une épreuve incontournable, juste avant le Giro. Les meilleurs coureurs et équipes viennent pour se préparer. Le Tour a toujours eu un palmarès des plus élogieux et en faire partie, surtout pour un coureur suisse romand, c’est gratifiant. Quand j’étais jeune, j’allais voir le Tour, cela reste toujours des souvenirs d’enfant. Et ensuite, il y a la concrétisation de pouvoir y participer puis de gagner. C’est comme les Jeux olympiques, c’est un rêve d’athlète.
Toutes les victoires sont belles
RTSsport.ch: Mais y a-t-il eu un moment empli d’émotion qui vous a le plus marqué?
PASCAL RICHARD: Je me souviens qu’après ma première victoire en 1993, j’avais été reçu par Boris Acquadro dans son émission des sports. Ce fut une émotion assez forte. Pour moi, Acquadro était un personnage, le journaliste qui faisait vibrer les téléspectateurs, qui avait l’amour du sport avec cette voix si particulière. Il m’a dit que c’était un honneur que je sois à cette émission, qu’il avait toujours été fan de moi. J’étais très ému de l’avoir devant moi.
RTSsport.ch: Laquelle de ces deux victoires a été la plus belle?
PASCAL RICHARD: C’est difficile de comparer. Toutes les victoires sont belles car elles ont toutes le même degré d’importance, de souffrance et de difficulté. En 1993, je venais de passer dans une équipe italienne par choix personnel. Je trouvais que mon ancienne équipe ne me donnait pas assez d’importance pour gagner, je manquais d’appui. C’est ce que j’ai trouvé en Italie. J’avais une équipe à disposition pour gagner le Tour de Romandie. C’est certes un sport individuel mais on a besoin de l’équipe pour gagner. En 1994, je revenais avec la même équipe, le même directeur sportif, la même approche et les mêmes bonnes habitudes (sourire). C’est comme ça que j’ai pu regagner un deuxième Tour de Romandie.
RTSsport.ch: Cette année, vous êtes le parrain de l’étape de Champéry, terre de vos exploits en 1993. Qu’est-ce que cela évoque pour vous ?
PASCAL RICHARD: Quand je suis retourné sur place, je ne me rappelais pas du lieu de l’arrivée (rires). Je me souviens très bien par contre du moment où j’ai gagné et du parcours. C’était un peu une concrétisation pour moi et une certaine fierté de gagner chez soi. On connaît l’environnement, les personnes, c’est beaucoup plus chaleureux. Mais le plus important ce n’est pas la victoire d’étape mais la victoire finale.
Personne n'a jamais voulu de mon savoir
RTSsport.ch: Quel regard portez-vous sur votre carrière avec un peu de recul?
PASCAL RICHARD: J’aurais pu gagner davantage (sourire). Avec du recul, on se dit qu’on aurait pu avoir un palmarès qui peut peser sur la suite de sa vie. Aujourd’hui, je ne vis pas de mon palmarès, de mon ancien métier. C’est juste une satisfaction personnelle. Si cela a pu marquer certains, tant mieux.
RTSsport.ch: Avez-vous des regrets ?
PASCAL RICHARD: Oui et non car avec des si et des la, on pourrait refaire beaucoup de choses. Mais ce qui est intéressant, c’est d’analyser, de comprendre ce qu’on aurait pu faire différemment. La première chose, aurait été de gagner un grand Tour. Je me suis penché la dessus mais je ne suis jamais allé au bout de mon délire. Dans tous ces tourments de dopage et de corruption, j’ai refusé les services d’un médecin et deux ans plus tard, il a fait gagner le Tour de France à un collègue. Ce dernier a par la suite avoué avoir pris des substances. Je n’ai pas eu envie de passer par là, prendre un médecin que j’aurais dû payer une somme mirobolante pour gagner un grand Tour: je me contentais de mes victoires.
RTSsport.ch: Avez-vous gardé contact avec vos anciens coéquipiers?
PASCAL RICHARD: Oui, mais ce sont des contacts très restreints. J’ai une vie totalement différente aujourd’hui, avec un métier qui me prend 100% de mon temps. Ce qui est malheureux c’est que j’ai un savoir-faire et de l’expérience à transmettre mais personne n’en a jamais voulu.
RTSsport.ch: Quand vous dites «personne», vous parlez de qui?
PASCAL RICHARD: Je parle en général de tous les gens qui sont actifs dans le cyclisme suisse. On a oublié un Rominger, Dufaux, Zülle, Camenzind, les frères Zberg. On ne les voit nulle part. On est un pays qui est trop riche, qui a perdu ses vraies valeurs. Les pays voisins mettent en valeur leurs athlètes. En Suisse, on ne fait rien. On a une génération d’athlètes qui a remporté des grands Tours et des courses prestigieuses mais qui ne font pas partie des structures de base du cyclisme en Suisse. A l’étranger, la plupart des anciens coureurs sont toujours actifs dans le milieu même si certains n’ont pas toujours été très clean à l’image de Richard Virenque. Je paie peut-être ma réputation de grande gueule. En Suisse, on est très aigri et jaloux. Ce manque de reconnaissance, je n’en ai rien à faire aujourd’hui. Je regrette juste de ne pas pouvoir transmettre mon savoir.
Floriane Galaud - @FlorianeGalaud
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Pascal Richard et...
Son meilleur souvenir: Je n’ai pas un meilleur souvenir. Il y en a beaucoup. Tout est un meilleur souvenir (rires).
Son pire souvenir: C’était en 1995. J’aurais pu gagner trois fois le Tour de Romandie et égaler Stephen Roche. Le samedi matin, la ville de mon club, Orbe, organisait un contre-la-montre. Je ne me sentais pas très bien, les conditions depuis le départ du Tour n’étaient pas excellentes.
A l’époque, Pierre Mercier, l’organisateur m’avait demandé quel parcours je souhaitais pour le contre-le-montre de l’après-midi. J’avais demandé un parcours pas trop long avec un peu de montagne. Cela aurait dû me favoriser et ce fut tout le contraire. Finalement on s’est retrouvé avec un tracé long de 30km. Je portais le maillot vert de leader avec 45 secondes d’avance. J’étais fiévreux, j’ai pris 2 minutes et reculé au 5e rang du général. Le lendemain, je ne suis pas parti, j’ai dû abandonner. C’était vraiment un cauchemar.
Le deuxième, c’est au Tour de Lombardie 1994. Je perds la course à 100m de la ligne d’arrivée. Je ne m’en suis jamais remis. J’ai toujours l’impression de ne pas avoir assez donné car je n’ai eu aucune défaillance ce jour-là.
Pascal Richard et...
Sa devise: "Pardonner à ses ennemis et prier pour ses persécuteurs". Quand on a des moments durs, des conflits avec des gens, je me dis toujours, ce n’est pas de leur faute. Cela ne sert à rien d’aller contre les gens qui sont bêtes, ignorants et arrogants.
Son principal défaut: La franchise. On doit être diplomate aujourd’hui. Les gens n’aiment pas entendre ce qu’ils ne veulent pas.
Sa principale qualité: Rester soi-même. C’est peut-être pour cela qu’on n’aime pas certains champions.
Son avis sur le dopage: Le dopage fait partie du sport, c’est humain de mettre tous les atouts de son côté pour gagner. J’ai pris des substances mais pas celles que l’on croit. A l’époque, j’ai pris de la cortisone pour soigner des tendinites mais ce fut néfaste pour moi, j’ai fait une mauvaise réaction. On m’a fait des infiltrations sous-cutanées soit disant anodines mais je reste persuadé que c’était de l’EPO. Je soupçonne donc qu’on m’a fait prendre à mon insu des substances illégales visant à améliorer mes performances.
Tour de Romandie, général (25.04)
1. Fabio Felline ITA 5'57"
2. Alex Dowsett GBR + 0'02"
3. Alexander Edmondson AUS 0'07"
4. Maximilian SchachmannGER 0'08"
5. Victor Campenaerts BEL 0'08"
8. Tom Bohli SUI 10"
32. Mathias Frank SUI 20"
34. Stefan Kueng SUI 20"
41. Danilo Wyss SUI 21"
55. Michael Albasini SUI 24"
72. Sébastien Reichenbach SUI 28"
73. Michael Schaer SUI 28"
Tour de Romandie, parcours (25-30.04)
25.04 - prologue:
Fabio Felline
26.04 - 1re étape:
Michael Albasini
27.04 - 2e étape:
Champéry - Bulle (161,3 km)
28.04 - 3e étape:
Payerne - Payerne (187 km)
29.04 - 4e étape:
Domdidier - Leysin (163,5 km)
30.04 - 5e étape:
Clm individuel à Lausanne (18,3 km)