Le capitaine Patrice Evra qui manque d'en venir aux mains avec le préparateur physique, un dirigeant de la FFF qui annonce sa démission et des joueurs qui refusent de s'entraîner par solidarité avec Anelka: l'équipe de France a volé en éclats dimanche au cours d'un après-midi surréaliste. "Le groupe a explosé", avait déclaré dans la matinée Franck Ribéry, lors d'une intervention impromptue sur le plateau de Téléfoot sur TF1.
Les joueurs de l'équipe de France ont donc refusé de s'entraîner dimanche pour protester contre l'exclusion du groupe de Nicolas Anelka, selon un communiqué des joueurs lu à la presse par le sélectionneur Raymond Domenech. "Tous les joueurs de l'équipe de France sans exception souhaitent affirmer leur opposition à la décision prise par la Fédération Française de Football d'exclure Nicolas Anelka", indique notamment ce communiqué.
Un clash hallucinant
Tout a commencé vers 16 heures quand le bus des Bleus a fait son apparition sur le terrain du Pezula Resort, leur repère cinq étoiles durant le Mondial. Aucun signe avant-coureur n'indique le clash hallucinant qui va suivre, les joueurs allant saluer les supporters pour signer des autographes. Un homme cependant est resté à l'écart. Il s'agit du capitaine Patrice Evra, en grande conversation au milieu du terrain avec le sélectionneur Raymond Domenech et tenant une feuille de papier à la main. A ce moment-là, les joueurs ont déjà décidé de ne pas participer à la séance; le papier en question est un communiqué rédigé par le groupe, ce que les journalistes n'apprendront que plus tard.
Alors que le sélectionneur et Evra devisent, le préparateur physique Robert Duverne, manifestement au courant de la volonté de grève des joueurs, surgit en faisant des signes menaçants vers le capitaine. Duverne est dans une colère noire et il faut l'intervention de Raymond Domenech, qui l'aggripe, pour éviter un pugilat. Robert Duverne, fou furieux, quitte alors la pelouse en jetant de rage son chronomètre, bientôt suivi par les joueurs qui, une fois les spectateurs salués, montent directement dans le bus. L'encadrement, décontenancé, reste sur le terrain mais Raymond Domenech et Jean-Pierre Escalettes, le président de la FFF, vont alors entamer une négociation avec les joueurs, qui durera plus d'une trentaine de minutes.
Les joueurs affichent leur solidarité avec Nicolas Anelka
Anelka a été exclu du groupe samedi pour avoir insulté Raymond Domenech à la mi-temps du match France-Mexique (0-2) jeudi. "Nous regrettons l'incident qui s'est produit à la mi-temps du match France-Mexique, nous regrettons encore plus la divulgation d'un événement qui n'appartient qu'au groupe et inhérent à la vie d'une équipe de haut niveau", indiquent les joueurs. "A la demande du groupe, le joueur mis en cause a engagé une tentative de dialogue. Nous regrettons que sa démarche ait été volontairement ignorée".
"De son côté, la FFF n'a a aucun moment tenté de protéger le groupe", accuse le communiqué des Bleus: "Elle a pris une décision sans consulter l'ensemble des joueurs, uniquement sur la base des faits rapportés par la presse. En conséquence, et pour marquer leur opposition à l'attitude adoptée par les plus hautes instances, l'ensemble des joueurs a décidé de ne pas participer à la séance programmée aujourd'hui. Nous sommes conscients de nos responsabilités", indiquent cependant les joueurs, "celles de porter les couleurs de notre pays, également celles que nous avons à l'égard de nos supporteurs, des éducateurs, des bénévoles et des innombrables enfants qui ont les Bleus pour modèles. Nous n'oublions rien de nos devoirs. Nous ferons tout individuellement et bien sûr sur le plan collectif pour que la France mardi retrouve son honneur par une performance enfin positive", conclut le texte, signé "les joueurs de l'équipe de France". "Merci beaucoup, au revoir", a ajouté Raymond Domenech à la fin de sa lecture.
"Ecoeuré", un premier dirigeant présente sa démission
Pour Jean-Louis Valentin, cette prise de pouvoir et le diktat d'un groupe miné par les dissensions internes et les luttes d'ego sont visiblement inacceptables. Le directeur général délégué de la FFF auprès de l'équipe de France, ému et presque au bord des larmes, effectue un geste d'éclat en quittant le terrain d'entraînement et en annonçant sa démission. La voix tremblante, cet énarque et ancien directeur de cabinet du président de l'Assemblée nationale Jean-Louis Debré de 2002 à 2005, ne comprend pas les caprices des joueurs.
"Je suis écoeuré, je quitte mes fonctions", a lancé Valentin devant les journalistes présents. Interrogé sur le motifs du refus des joueurs de s'entraîner, Jean-Louis Valentin a déclaré: "C'est aux joueurs de vous le dire". Jean-Louis Valentin, vêtu d'un jean et d'un survêtement aux couleurs de l'équipe de France, a alors remonté le terrain en s'écriant: "J'ai honte, je quitte immédiatement l'Afrique du Sud pour Paris". Quelques secondes plus tard, interrogé par les journalistes, il a déclaré: "Je suis écoeuré, dégoûté, je quitte mes fonctions, ce qui s'est passé est un scandale pour la Fédération, pour l'équipe de France et pour le pays tout entier. Ils ne veulent pas s'entraîner, c'est inacceptable". Une dizaine de minutes après l'incident, l'entraînement n'avait toujours pas débuté. Les rideaux du bus des joueurs étaient tirés, le staff étant toujours au bord du terrain. L'équipe de France traverse depuis jeudi la pire crise de son histoire, après la révélation d'injures proférées par Nicolas Anelka à l'encontre du sélectionneur Raymond Domenech, qui ont entraîné samedi l'exclusion du groupe de l'attaquant de Chelsea.
afp/rsch
Duverne n'est pas le traître pour Evra
Patrice Evra "démenti avec vigueur" auprès de l'AFP considérer Robert Duverne comme "le traître" qui a révélé à la presse les insultes de Nicolas Anelka. "Je souhaite démentir avec vigueur l'information relayée par certains médias selon laquelle notre refus de nous entraîner serait motivé par le fait que nous estimions que Robert Duverne était le traître", indique Evra. "En aucun cas cette information n'est vraie. Nous avons toujours eu pleinement confiance en Robert, sur le terrain pour nous préparer physiquement, comme en dehors dans la vie quotidienne de la sélection", conclut le capitaine des Bleus.
Le préparateur physique Robert Duverne a tenu à réagir dimanche soir sur tf1 afin d’expliquer son altercation avec Patrice Evra et a surtout nié être le "traître" du vestiaire français. "Au moment ou je comprend que les joueurs ne vont pas prendre part à l’entraînement, j’essaie de convaincre Patrice de participer. J’insiste car je ne peux pas concevoir qu’on ne s’entraîne pas. Moi je n’ai qu’un soucis, c’est de comprendre les raisons sportives de notre échec contre le Mexique pour pouvoir s’améliorer sur le terrain, pour pouvoir marquer des buts contre l’Afrique du Sud. Comme je n'arrive pas à le convaincre, je pars très énervé. C'est une interprétation hâtive de dire que je suis le traître, poursuit-il. Je ne suis pas la personne qui a divulgué les infos sur Nicolas Anelka. Je trouve ça inconcevable que l’on dise que je suis cette personne".
Jean-Pierre Escalettes a "pris acte avec consternation du refus des joueurs de l'équipe de France de participer à l'entraînement" dimanche et dénonce un "mouvement inacceptable et un comportement inadmissible des joueurs représentants notre pays". M. Escalettes était présent lors de l'entraînement qui a été annulé par les joueurs. "Ce mouvement inacceptable est la conséquence de l'éviction de Nicolas Anelka, selon eux, injustiée. Contrairement aux affirmations des joueurs, cette sanction a été prise à l'issue d'un long entretien avec l'intéressé, en présence du capitaine". La FFF, "par la voix de son Président, présente ses excuses pour le comportement inadmissible des joueurs représentants notre pays".