Membre du CIO depuis 1995, le Fribourgeois de 64 ans estime que l'on devrait parler davantage du positif de l'organisation russe.
Sollicité par "RTSsport.ch", René Fasel, qui est également le président de la Fédération internationale de hockey sur glace (IIHF), est convaincu de la réussite de ces Jeux. "Si la météo est de la partie, ce seront de grands JO".
"Cela me rend triste"
RTSsport.ch: Depuis de nombreuses semaines, les critiques pleuvent sur Sotchi (sécurité, coût exorbitant des JO, travailleurs pas payés, etc). Cela vous énerve-t-il?
RENE FASEL:
Oui absolument, cela me rend surtout triste! Les médias ne parlent que des aspects négatifs. Il y a peut-être 5 à 10% de problèmes, mais sur un projet d’une telle envergure, il y aura toujours des défis. Vous savez, quand plusieurs milliards sont investis dans un projet, que ce soit en Russie, au Brésil (Mondial 2014), en Afrique du Sud (Mondial 2010) ou n’importe où dans la monde, on parlera toujours de la corruption. C’est malheureusement dans la nature humaine.
Il y a 70'000 ouvriers qui ont travaillé pour Sotchi 2014 et une petite partie d’entre eux n’a pas été rémunérée correctement. Des gens malhonnêtes qui profitent du système, on en trouvera toujours. Alors, bien entendu, je ne critique pas le fait de parler des aspects négatifs mais je n’entends jamais parler des aspects positifs.
"On a pensé au développement durable"
RTSsport.ch: Parlez-nous justement du bon côté de Sotchi 2014?
RENE FASEL: Les Russes ont quand même réalisé un travail admirable en construisant les différents sites en 6-7 ans. C'est un exploit que l’on oublie. En Suisse, pour ériger une station comme St-Moritz ou Verbier, ce sont des dizaines d'années de labeur!
Bien sûr, pour certains, le projet Sotchi semble mégalo. Mais il n’y a rien de nouveau, ce type de concept fait partie de la culture russe. Il n’y pas eu d’exagération, comme pour les deux patinoires d’une capacité raisonnable de 12'000 et 7'000 spectateurs. On a pensé au développement durable. Le stade de patinage, par exemple, deviendra un vélodrome.
Deuxième point, le site de "glace" au bord de la mer a énormément d’avantages. Il est situé juste à côté du village olympique, c’est-à-dire à distance de marche pour se rendre sur les différents sites. Un joueur de hockey, par exemple, ira à pied à son match! Pour les athlètes, c’est quand même l’idéal je pense.
"La menace est bien présente"
RTSsport.ch:
On se pose des questions sur l’affluence pour ces JO. Y aura-t-il beaucoup de spectateurs?
RENE FASEL: Pour les sites à la montagne, c’est vraiment un défi d’amener les gens sur le lieu de compétition puis ensuite de les évacuer. Surtout quand il y a plusieurs événements en simultané. Mais je suis persuadé que l’atmosphère au bord des pistes sera belle et qu’il y aura du monde. Mais c’est bien clair que ce ne sera pas Lillehammer 1994 avec des dizaines de milliers de spectateurs au bord des pistes de ski de fond.
RTSsport.ch: On parle beaucoup de menaces terroristes et de sécurité. Faut-il s’en inquiéter?
RENE FASEL: La situation était identique à Salt Lake City en 2002, quelques mois après les attentats du 11 septembre. Il y avait des militaires et des policiers partout. Le dispositif de sécurité à Sotchi sera conséquent, parce que la menace est bien présente. La Russie a quand même une certaine fierté et va tout mettre en œuvre pour y faire face. Mais le risque zéro n’existera jamais et il faut prier pour que tout se passe bien.
"Un potentiel énorme en Asie"
RTSsport.ch: Il se dit que les stars de NHL seront peut-être là pour la dernière fois à des Jeux...
RENE FASEL: Je reste très optimiste pour Pyeongchang 2018. Il y a un potentiel énorme en Asie pour le développement du hockey sur glace. Il n'y a, par exemple, que 500 licenciés en Chine! Je pense que pour la NHL, il sera important d’être présent sur ce marché asiatique, qui économiquement se porte très bien. Le point qui me rend optimiste ce sont les joueurs de NHL. Pour eux, remporter un titre olympique n’a pas de prix.
RTSsport.ch: L'an dernier, les Grisons ont refusé une candidature pour 2022. Des JO en Suisse, est-ce utopique?
RENE FASEL: C’était une très bonne candidature avec un esprit du style Lillehammer 1994, des Jeux à la montagne. Il y a quand même une volonté du CIO de retrouver une dimension normale pour les JO. J’espère vraiment que St-Moritz reprenne le dossier et soit candidate pour 2026. Cela permettrait aux Grisons de renouveler leurs infrastructures (rail, routes, hôtellerie, etc.). Ce serait également un message fort de la Suisse au monde entier si elle pouvait organiser des JO.
"Il y a un effort à faire"
RTSsport.ch:
Mais l’image du CIO, comme la FIFA, est peu reluisante. N'est-ce pas une des raisons pour expliquer le refus populaire de la candidature grisonne?
RENE FASEL: Il y a un effort à faire, c’est juste. Il y a beaucoup d’argent brassé dans ces deux institutions, mais c’est très difficile de faire changer d’avis des gens quand les médias ne parlent que de corruption ou d’accident mortel sur les sites de construction. Vous savez, aussi bien le CIO que la FIFA ne sont pas responsables s’il y a quelques ouvriers non payés (ndlr: une solution aurait été trouvée à ce sujet. 8,34 millions de dollars de salaires en retard vont être versés) ou des accidents. C’est intéressant parce qu’avant les JO de Pékin, les médias ne parlaient que du Tibet et des Droits de l'Homme. Les Jeux terminés, plus un mot à ce sujet…
RTSsport.ch: Vous entamez en 2014 votre 20e année à la tête de l’IIHF, quelles sont vos priorités?
RENE FASEL: Le développement du hockey sur glace en Asie, c’est vraiment une de mes priorités principales. Il y a également la reprise de la Champions League l’hiver prochain. Le 3e point est qu'un changement de règle pourrait se produire ce printemps pour tenter d'éradiquer les commotions, qui sont plus en plus nombreuses.
RTSsport.ch: Qu’envisagez-vous comme modification?
RENE FASEL: Ce problème est surtout dû à la vitesse, mais également à un manque de respect de certains joueurs. On pourrait interdire les charges en zone neutre ou réintroduire le hors-jeu à la ligne rouge (passe de 2 lignes). Les discussions à ce sujet ont lieu en ce moment. Mais les joueurs, c’est intéressant, préfèrent ne rien changer. On se dirige a priori donc plutôt vers un statu quo.
Propos recueillis par Stéphane Altyzer
"La penalty de Forsberg à Lillehammer m'a beaucoup marqué!"
RTSsport.ch: Quel est l'événement sportif des JO d’hiver qui vous a le plus marqué?
RENE FASEL: C’était en 1994 à Lillehammer. Le penalty décisif inscrit par Peter Forsberg en finale contre le Canada qui a permis à la Suède de décrocher le titre (ndlr: Forsberg trompe Corey Hirsch pour permettre à son équipe de mener 3-2. Tommy Salo offre le titre à son équipe en arrêtant le tir de Kariya). C’était un moment assez exceptionnel. Forsberg avait 20 ans à l’époque et forcément une certaine insouciance. Il a réussi un geste technique sensationnel.