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"Il faut donner aux filles des moyens à la hauteur de leur motivation"

Eric Severac était déjà à la barre du SFCCF la saison passée quand les Genevoises ont fêté leur promotion en LNA. [Fenoh Avotra]
Eric Severac était déjà à la barre du SFCCF la saison passée quand les Genevoises ont fêté leur promotion en LNA. - [Fenoh Avotra]
A l'occasion du derby romand de football féminin entre Yverdon et le Servette FC Chênois, RTSsport.ch est allé à la rencontre d'Eric Severac, l'entraîneur des Grenat. Néo-promue, son équipe s'adapte petit à petit au plus haut niveau, malgré les nombreuses difficultés hors rectangle vert.

C'est un homme souriant que l'on retrouve au bord de la pelouse du stade Municipal d'Yverdon à l'issue du "derby de la peur". Et pour cause, ses protégées viennent de battre un concurrent direct dans la lutte contre la relégation grâce à un but de Sandy Mändly à la... 91e minute (voir encadré).

RTSsport.ch: Quel dénouement! Après 5 défaites consécutives, ce but dans les arrêts de jeu vous fait du bien...

ERIC SEVERAC: C'est clair. Je l'avais dit aux filles avant le coup d'envoi: c'est un match qui se gagnera au mental! En face, Yverdon a l'habitude de se battre jusqu’au bout donc ça n'allait pas du tout être facile, loin de là.

Ce but fait plaisir à tout le monde, car il récompense 2 mois d’efforts, 2 mois durant lesquels nous n'avions pas marqué le moindre point...

RTSsport.ch: Après la promotion en Ligue nationale A cet été, vous aviez déclaré viser le « ventre mou » du classement. Un objectif revu à la baisse à l'approche de la trêve?

ERIC SEVERAC: Non, pour moi on doit encore viser la 4e place, qui est largement atteignable au vu des joueuses que j’ai à disposition. L’année passée aussi nous avons eu un coup de mou en automne, mais nous avions limité les dégâts car le niveau était moins élevé. Cette saison, on perd souvent sur des erreurs individuelles, ce n'est donc pas une question de niveau général.

On paie aussi une mauvaise préparation, due à l’euphorie après la promotion. Les filles sont parties en vacances et, à la reprise, on a levé un peu le pied. Cela se ressent en ce moment.

RTSsport.ch: Le mercato estival a pourtant été relativement ambitieux avec l'engagement de plusieurs étrangères (l'Espagnole Paula Serrano, l'Italienne Giulia Pezzotta et deux Colombiennes, Nicole Regnier et Carolina Arias Vidal, ndlr)...

ERIC SEVERAC: Oui, on a senti que le club mettait plus de moyens, qu'il était plus attentif à nous. En ce qui concerne les deux renforts colombiennes, recrutées sur vidéo, la mayonnaise n'a pas vraiment pris et, assez vite, elles n'avaient plus leur place. Nous avons décidé de résilier leur contrat d'un commun accord.

Par contre, Pezzotta et Serrano se sont très bien intégrées et elles s'imposent petit à petit. Je pense toutefois qu'il faudra recruter durant la trêve hivernale pour pallier les deux départs.

RTSsport.ch: Le club justement. Avez-vous l'impression d'être partie intégrante du Servette FC?

ERIC SEVERAC: Complètement! On l’a remarqué encore la semaine passée au repas de soutien: les joueuses n’étaient pas là pour vendre des desserts ou des billets de tombola! Elles avaient une table spéciale et elles ont été présentées à tout le public présent (contrairement à ce qu'il s'est passé à Bâle, où le traitement réservé à la section féminine a provoqué une énorme polémique, ndlr).

Nous n'avons pas de "chez nous".

Eric Severac, entraîneur Servette FC Chênois Féminin

On n’a pas encore les moyens qu'on aimerait, mais le club n'hésite pas à mettre régulièrement en avant les joueuses et fait de son mieux au niveau des infrastructures. Aujourd'hui, ce n'est pas évident car nous devons jongler entre plusieurs lieux pour les entraînements et les matches. Nous n'avons pour ainsi dire pas de "chez nous". Et cela peut être utile de se raccrocher à des repères, surtout dans les moments compliqués.

RTSsport.ch: Bénéficier d'une structure professionnelle ou semi-pro ces prochaines années: est-ce un réel objectif ou une utopie à ce stade?

ERIC SEVERAC: Je pense qu'à moyen terme, c'est-à-dire dans les 5 ans qui viennent, le semi-professionnalisme peut être une réalité. A court terme, l'objectif est de trouver du travail à ces filles pour qu'elles puissent se concentrer sur le foot.

Il faut se rendre compte que des joueuses ne peuvent plus s’entraîner car on leur propose des jobs d'agente de sécurité en soirée. Des petits boulots qu'elles sont contraintes d'accepter pour que de l'argent entre dans leurs proches et qu'elles puissent manger. Nous avons d'ailleurs perdu deux joueuses pour cette raison, des filles qui étaient des titulaires en puissance la saison passée. Je trouve ça vraiment dommage!

Ce n'est pas évident de se faire une place dans un monde malheureusement encore très macho.

Eric Severac, entraîneur Servette FC Chênois Féminin

RTSsport.ch: Qu’est-ce qui doit encore être amélioré selon vous en matière d’infrastructures et de programmation pour le football féminin?

ERIC SEVERAC: Il y a 2 points à Genève: implanter le sport-études pour nos jeunes de 13-15 ans et un lieu pour travailler ensemble, se rencontrer, y compris entre entraîneurs. Le premier est en bonne voie et, pour le second, le club, ainsi que l'ACGF (l'Association cantonale genevoise de football, ndlr), y travaillent. Ce n'est pas évident de se faire une place dans un monde malheureusement encore très masculin, très macho.

J'espère que, maintenant que nous sommes en LNA, la situation va se débloquer au niveau politique et auprès des présidents de club pour que l'on puisse être accueillis plus facilement.

Le foot féminin suisse a prouvé que le pays comptait des joueuses intéressantes.

Eric Severac, entraîneur Servette FC Chênois Féminin

RTSsport.ch: A ce sujet, certaines discussions - qui nous ont été confirmées par l'ASF - sont menées pour rendre obligatoire la création d'une section féminine dans les clubs qui visent le label "Centre de performance". Que pensez-vous de cette mesure?

ERIC SEVERAC: Malheureusement, si vous comptez sur la bonne volonté des gens, ça ne se fera jamais. Même à Zurich, où les filles sont championnes de Suisse en titre, on rechigne à mettre des moyens dans le foot féminin... Qu'un club voulant jouer en Super ou Challenge League possède une section féminine, avec des infrastructures et des entraîneurs de qualité, pour moi c'est une nécessité.

Je pense que le foot féminin suisse a prouvé que le pays comptait des joueuses intéressantes. Des filles qui s'entraînent 4 soirs par semaine, sans être payées pour la plupart: il faut donc leur donner les moyens de leur grande motivation.

RTSsport.ch: Avant d’entraîner des filles, vous avez été coach chez les hommes (à Etoile Carouge notamment). Quelles différences constatez-vous?

ERIC SEVERAC: La principale, évidemment, c'est le physique. Et puis, pour un entraîneur, il y a aussi l'aspect mental. Parfois, il manque une certaine proximité avec les joueuses, surtout quand les choses vont moins bien. Mais en dehors de ces petits détails, je trouve qu'elles sont très à l’écoute, car elles ont envie de progresser. Mes joueuses ne pensent pas à l'argent mais à se faire plaisir et à partager quelque chose ensemble, en équipe.

De plus, elles sont vraiment attachées au jeu, à la passion; au football quoi! J’ai entraîné des M14 à Servette qui allaient moins voir l'équipe fanion du club à la Praille que mes filles! Leur passion est juste énorme. Rendez-vous compte: on joue jusqu'au 12 décembre, avec des déplacements aux quatre coins de la Suisse, parfois en semaine (il faut donc prendre congé au travail), la reprise est agendée au 9 février déjà... c'est de la folie! C’est un degré d’implication que l’on ne s’imagine même pas.

RTSsport.ch: En parlant de passion, voir le FC Zurich dames disputer la Ligue des champions, ça vous titille?

La Ligue des champions ? « On y pense ! »
La Ligue des champions ? « On y pense ! » / Football - Coupe du monde / 16 sec. / le 29 novembre 2018

A venir: un entretien avec Linda Vialatte, présidente du FC Yverdon Féminin

Propos recueillis par Stefan Renna

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"On est soulagé"

La victoire servetienne en terres vaudoises porte aussi la marque de Laura Felber. Malgré un peu de stress avant le match, la Genevoise s'est montrée impériale en défense centrale du haut de ses 17 ans.

"Après 5 défaites consécutives, cette victoire fait vraiment du bien au moral. Les occasions manquées nous ont fait un peu douter mais on y a toujours cru et, finalement, on peut dire que ces trois points, c'est un vrai soulagement."

A noter que Felber fait partie du cadre M19 de l'équipe de Suisse (tout comme ses coéquipières Laura Tufo et Mirela Jakupi), signe que la formation des jeunes joueuses se porte bien à Genève. Pour le plus grand plaisir d'Eric Severac: "C'est en emmagasinant des matches difficiles comme celui-ci que Laura va progresser. Et quand en plus on est bien entouré, on apprend vite!"

Le "derby de la peur" sourit aux Grenat

Occupant respectivement le dernier et l'avant-dernier rang au classement avant ce match, Vaudoises et Genevoises s'affrontaient avec le spectre de la relégation au-dessus de leur tête mercredi soir au Municipal d'Yverdon.

Il aura fallu attendre les tout derniers instants de la rencontre pour voir les Grenat passer l'épaule grâce à une splendide frappe à 25 mètres de Sandy Mändly. Ce but permet au Servette FC Chênois Féminin de prendre 5 points d'avance sur les Vaudoises (avec un match en plus), qui restent elles scotchées à la dernière place. Les deux équipes doivent encore disputer 3 matches avant la trêve hivernale.

Classement (28.11)

1. Zurich 10/30
2. Lugano 11/24
3. Lucerne 11/19
4. YB 12/14
5. Bâle
11/13
6. Servette
11/11
7. GC 12/9
8. Yverdon 10/6