Le 10 juillet 2013, l’AC Fiorentina annonçait officiellement le départ d’Haris Seferovic de son effectif. L'attaquant suisse quittait les terrains italiens pour découvrir ceux de la Liga espagnole aux côtés de la Real Sociedad de San Sebastian.
Les documents des Football Leaks, partagés par le Spiegel avec la RTS et ses partenaires de l’European Investigative Collaborations (EIC), mettent au jour les dessous obscurs de ce deal.
Au centre des affaires: Lian Sports, l'agence de Fali Ramadani et Nikola Damjanac, considérés comme des acteurs incontournables sur le marché des joueurs d'origine des Balkans. Peu connue du grand public, Lian Sports a pourtant été placée 12e d’un classement mondial des agences sportives publié par Forbes fin 2018.
Un cas interdit de "triple représentation"
La RTS a découvert dans la base de données des Football Leaks qu'une seule et même personne liée à Lian Sports a opéré en sous-main auprès de l'intégralité des parties lors du transfert d'Haris Seferovic.
Ce personnage principal est M.R., un juriste allemand spécialisé dans les montages financiers et juridique chez Lian Sports. L'homme a non seulement servi d'intermédiaire auprès du club acheteur, comme représentant direct de Lian Sports, mais aussi auprès du club vendeur, cette fois via la société maltaise Dito Trading.
Dans le jargon des affaires footballistiques, il s'agit d'un cas problématique de "multiple représentation". "C'est une situation où une société d'agents représente aussi bien le joueur, les intérêts du club vendeur, que le club acheteur", analyse l’avocat spécialiste du droit sportif Philippe Renz, qui précise que ces rapports multiples "ne sont pas autorisés, aussi bien sous l'angle du droit commun, que des règlements de la FIFA".
Sur le papier tout est fait pour paraître propre: une entité travaille pour un club, une autre pour l'autre club. Dans les faits, la même équipe était à la manoeuvre. "Si on ne sait pas qui se trouve derrière toutes les structures, cela semble une opération normale", analyse Lorenzo Falbo, président de l'association mondiale des agents et intermédiaires du football (FIPAWA).
Des agents toujours gagnants
Les clauses des contrats signés lors du transfert d'Haris Seferovic illustrent de quelle manière Lian Sports et M.R. ont bénéficié de la situation de bout en bout. Lian Sports a ainsi été payée par la Real Sociedad pour avoir "fait baisser la somme exigée par la Fiorentina de 3 à 2 millions d’euros", alors que Dito Trading a obtenu une rémunération du club italien pour avoir réussi à vendre le buteur suisse pour "au moins 2 millions d’euros".
Les intermédiaires étaient gagnants à tous les coups. Et les commissions des clubs ont été juteuses: 500'000 euros en provenance d'Italie pour Dito Trading, et au moins 300'000 d'Espagne pour Lian Sports. "800'000 euros sur un transfert à 2 millions ça fait 40%, c’est énorme", s'étonne Lorenzo Falbo.
Seferovic prétérité?
Haris Seferovic a-t-il été lésé par cette gestion des affaires? Les avis divergent. Pour l'avocat Philippe Renz, du moment que les agents jouent sur plusieurs tableaux, le joueur n'est plus respecté: "Un joueur est lié à son agent par un contrat de mandat. L'agent a un devoir de fidélité et doit défendre les intérêts de son client, et donc il ne peut pas se lier économiquement ou juridiquement à une autre partie prenante. Il doit rester aux côtés de son joueur, et ne peut pas agir dans des accords de transfert".
Lorenzo Falbo estime cependant que sur le plan sportif le numéro 9 de la Nati a malgré tout gagné au change de cette affaire: "il est passé d'un club qui l'avait constamment prêté à des équipes inférieures, à jouer pour la Real Sociedad. Donc sur l'aspect strictement footballistique, le transfert a été intéressant".
Contactés par la RTS, ni Lian Sports, ni M.R., ni la Real Sociedad n’ont expliqué les raisons de cette multiplication de contrats et commissions pour un seul et même transfert.
Marc Renfer, collaboration et sujet TV Cécile Tran-Tien
Seferovic: no comment
Quant à Haris Seferovic, "il n'a aucun commentaire à faire", nous a répondu le service de communication du Benfica, club où il s'est engagé en 2017 et avec lequel il a terminé champion du Portugal et meilleur buteur la saison dernière. Ses bonnes performances récentes ont fait augmenter sa valeur marchande. Désormais estimée à 18 millions d'euros, elle promet encore de bonnes affaires pour ses agents.