Jeremy Frick est un gardien heureux. Avec un Servette FC qui a épaté tout le petit monde du foot suisse, en bouclant le 1er tour au 5e rang de Super League grâce à son audace et à son organisation solide, le Genevois vit des jours heureux. Avant de filer en vacances, il a accepté de répondre aux questions de RTSsport.ch. Avec, toujours, beaucoup de lucidité dans ses réponses. A 26 ans, le dernier rempart a beau avoir quelques rêves en tête, il n'en garde pas moins les pieds sur terre et une intelligence précieuse à l'heure de l'analyse.
Il n'y a pas d'ego surdimensionné dans ce groupe
RTSsport.ch: Jeremy Frick, Servette boucle le 1er tour avec 27 points et les louanges de toute la Super League. On imagine que vous auriez signé pour cela, il y a six mois...
JEREMY FRICK: Oui, très clairement. Même si nous savions qu'avec la qualité de jeu que nous avions déjà démontrée en Challenge League, nous avions les moyens de signer un bon début de saison, cela reste extraordinaire. Plusieurs spécialistes du foot suisse avaient estimé que nous étions taillés pour faire quelque chose de bien dans l'élite, mais il est clair qu'avec 27 points, cela dépasse toutes nos attentes. Servette est au-delà des objectifs fixés.
RTSsport.ch: Alain Geiger, votre entraîneur, estimait ce week-end que le SFC dispose encore d'une marge de progression autour de 30%...
JEREMY FRICK: Et je pense que le coach a raison! Dans ces 30%, il y a déjà une part d'expérience en plus, que nous avons acquise au fil de ce 1er tour et que nous n'avions assurément pas il y a trois mois. Celle-ci nous servira au printemps et constitue une bonne base de travail pour la suite, notamment en vue du camp d'entraînement de janvier, qui nous permettra de travailler encore plus. Alors oui, on peut clairement progresser encore.
RTSsport.ch: Indépendamment du jeu, ce qui frappe chez le SFC actuel, c'est la force mentale qu'il dégage et sa joie d'être ensemble, aussi. Comme si avant d'être une équipe de foot, c'était une bande de copains...
JEREMY FRICK: Vous avez raison. Ce mental, c'est l'une de nos forces et il vient du fait que nous formons d'abord une équipe de potes. Par exemple, on dirait que Vincent (ndlr: Sasso) est depuis 15 ans avec nous, alors qu'il n'est arrivé que cet été. Il y a une immense cohésion dans notre groupe. L'ambiance est excellente. On le montre sur le terrain, où chacun travaille et se bat pour l'autre. Notre chance, c'est que grâce à nos bonnes relations, nous n'avons pas peur de nous dire les choses. On sait que les critiques ne seront pas mal prises. Il n'y a pas d'ego surdimensionné dans ce groupe. Ni de clans, ce qui permet à celui qui veut s'y intégrer de s'y fondre sans souci.
RTSsport.ch: De fait, quels sont les objectifs désormais?
JEREMY FRICK: Nous disputerons deux matches très, très importants dès la reprise, contre Neuchâtel Xamax puis contre Thoune. Ces deux rencontres-là nous en diront davantage sur ce que nous pourrons espérer au printemps. Mais pour le moment nous ne pouvons ni regarder devant ni nous attarder sur ce qu'il y a derrière. L'objectif reste le maintien. Si on prend six points sur les deux premières rencontres de 2020, on pourra souffler un peu. Reste que pour l'heure, le danger est toujours là et nous restons humbles, avec les pieds bien ancrés sur terre. Nous ne sommes pas en droit de regarder devant nous.
Pour l'heure, le danger est toujours là et nous restons humbles
RTSsport.ch: Reste que ce SFC joueur et audacieux est très solide...
JEREMY FRICK: Oui, nous possédons la 2e meilleure défense du championnat, ce qui prouve que nous sommes très bien organisés dans ce secteur, très solides. Et je ne parle pas ici que des défenseurs devant moi, mais bien de toute l'équipe, avec des attaquants qui effectuent un gros pressing, des ailiers qui s'attellent eux aussi aux tâches défensives... Cela démontre que les bons hommes sont au bon endroit dans cette équipe, que notre souci de toujours communiquer entre nous et notre confiance mutuelle portent leurs fruits.
RTSsport.ch: Au-delà de l'équipe, on imagine que vous êtes aussi heureux d'avoir pu répondre à ceux qui doutaient de vos capacités à évoluer dans l'élite...
JEREMY FRICK: Evidemment que c'est une fierté pour moi que de pouvoir montrer que je suis au niveau des portiers de Super League, mais je n'ai aucun sentiment de revanche envers qui que ce soit. A dire vrai, je n'avais jamais vraiment douté de pouvoir y parvenir, notamment car mes coaches m'ont toujours fait confiance, mais aussi car je sortais déjà d'une très bonne saison en Challenge League. Malgré tout, j'étais préparé à ce que l'on se pose des questions sur mes capacités à répondre aux exigences de la Super League. Je savais qu'il en irait ainsi. Il faut dire que j'ai sur le front une étiquette de gardien qui ne sait pas utiliser ses pieds. C'était certainement vrais à mes débuts au Servette FC, mais j'ai énormément travaillé pour corriger cela. Et je continue de le faire quotidiennement, ce qui a occasionné un petit pépin physique en cette fin de 1er tour. Peut-être même que je bosse trop là-dessus (rires). Mais cela fait vraiment partie de mes objectifs de progression. Ce n'est pas dans le but de répondre aux doutes, mais bien dans un souci personnel de grimper encore.
Arnaud Cerutti, Genève - @arnaud_cerutti
Vigilance accrue
"Entre la Challenge et la Super League, le travail de gardien n’est pas si différent, mais il requiert une plus grande vigilance, car chaque erreur de l’équipe peut engendrer une occasion de but, confie le portier servettien. Même une action d’apparence anodine peut devenir dangereuse. Il ne faut jamais se disperser, mais être constamment attentif. Notamment sur les coups de pied arrêtés, qui sont tous mieux frappés et mieux préparés qu’à l’étage inférieur."
"Bâle a une longueur d'avance"
Dans une saison de Super League assez enthousiasmante, le suspense règne en maître. Mais qui donc va emporter le morceau en mai prochain? "En début d’exercice, j’aurais clairement voté pour Young Boys, mais les Bernois ont été malchanceux avec les blessures accumulées, analyse Frick. Et sur ce que j’ai vu au cours de ce 1er tour, je dirais que le FC Bâle est plus solide et plus complet. Du coup, je vois bien les Rhénans finir par récupérer leur titre."
Sensible à Lyon
Formé à l'Olympique Lyonnais, le Genevois Jeremy Frick n'est pas insensible aux déboires de son ancien club, à la traîne en L1 et qui vient de perdre Depay et Reine-Adelaïde sur blessure. "Cela me fait mal au cœur, car je sais l’impact que les résultats de cette équipe ont sur cette ville que j’aime, souffle-t-il. J’adore Lyon et je suis sensible à ce qui s’y passe. Je n’aurais jamais imaginé qu’une telle situation puisse arriver à une telle institution. C’est la série noire, mais j’espère que l’OL rebondira."