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Le huis clos, une expérience "franchement pas agréable"

Le 19 avril 2001, un jeudi, les Servettiens Sébastien Fournier et Wilson Oruma avaient affronté le Sion de David Marazzi à huis clos. [Keystone - Laurent Gillieron]
Le 19 avril 2001, un jeudi, les Servettiens Sébastien Fournier et Wilson Oruma avaient affronté le Sion de David Marazzi à huis clos. - [Keystone - Laurent Gillieron]
Le 19 avril 2001, le FC Sion et le Servette FC avaient été contraints de disputer un choc romand devant des tribunes vides. Alors que des matches à huis clos pourraient encore se jouer ce printemps, Gregory Duruz et Eric Pédat, acteurs de cette rencontre, se souviennent d’un moment guère enthousiasmant.

Les amoureux du football suisse s’en souviennent comme si c’était hier. C’était il y a 19 ans, pourtant. En avril 2001, à la suite d’un premier match arrêté après qu’Eric Pédat, gardien du Servette FC, eut été visé par un pétard au Stade de Tourbillon un mois auparavant, le FC Sion et le club genevois durent disputer une autre rencontre, à huis clos. Aujourd’hui, alors que la Super League discute toujours d’une reprise du championnat devant des tribunes vides en raison du coronavirus (hypothèse toutefois de moins en moins probable), l’ancien portier du SFC et Gregory Duruz, alors défenseur valaisan, reviennent sur un événement qu’ils n’ont pas vraiment apprécié.

Quelques semaines auparavant, Eric Pédat, le gardien du Servette FC, avait reçu un pétard sur la tête. Cela avait entraîné l'arrêt du match et poussé ce huis clos. [Keystone - Laurent Gillieron]
Quelques semaines auparavant, Eric Pédat, le gardien du Servette FC, avait reçu un pétard sur la tête. Cela avait entraîné l'arrêt du match et poussé ce huis clos. [Keystone - Laurent Gillieron]

"Ca remonte un peu et la situation était différente de celle d’aujourd’hui, car cela n’avait rien à voir avec une maladie, mais c’était effectivement très particulier, commence Eric Pédat. Les premiers souvenirs qui remontent sont ceux d’un grand vide en pénétrant dans le stade. On se retrouvait privés de repères. Les sens s’en retrouvaient biaisés."

"Une ouïe d'animaux"

A tel point que même en nonante minutes, chaque joueur semblait devoir se transformer pour s’adapter à ce curieux élément. "On évoluait différemment, observe Duruz, car tout était exacerbé. On en a presque développé une ouïe d’animaux sur le coup. C’était déstabilisant."

Dès leurs premiers pas sur la pelouse, Valaisans et Genevois avaient compris que ce 19 avril 2001 serait un moment pas comme les autres. "A l’échauffement, déjà, tout était différent, car on entendait tout ce que disait l’adversaire, ce qui nous poussait à parler à voix basse entre nous, se remémore Eric Pédat. Cela ressemblait presque à une partie de cache-cache." Gregory Duruz fut pour sa part davantage plongé dans ce… néant une poignée de secondes avant le coup d’envoi.

"Dans le vestiaire, on ne pouvait pas vraiment percevoir de différence, mais une fois que nous sommes sortis du tunnel pour entrer sur le terrain, alors là, c’était terrible, dit le défenseur sédunois. Tu te retrouvais avec les deux équipes alignées pour l’avant-match devant tout simplement personne. C’était vraiment étrange."

Difficulté émotionnelle

Le déroulement du match, soldé sur le score de 1-1, confirma cette impression de grand vide. "On était pris entre deux sentiments, lâche Pédat. Le match était presque "sourd", mais en même temps la résonnance était impressionnante. On entendait davantage le bruit du ballon, des frappes, des transversales, des contacts entre les joueurs, aussi. Les tacles semblaient plus violents, ce qui pouvait aussi perturber l’attitude et les décisions de l’arbitre." Tout était devenu compliqué pour les vingt-deux acteurs.

Tourbillon, stade vide, le 19 avril 2001. [Keystone - Laurent Gillieron]
Tourbillon, stade vide, le 19 avril 2001. [Keystone - Laurent Gillieron]

"La gestion émotionnelle était très dure, rappelle Gregory Duruz. On avait le sentiment d’être dans une opposition sans enjeu alors qu’il y en avait un. Ce n’était pas un match de préparation sur un terrain de campagne, mais une vraie rencontre dans un grand stade. Alors certes, Tourbillon n’est pas le Parc des Princes, mais tout de même, c’était très, très bizarre. Il n’y avait plus d’atmosphère, plus d’animation, plus rien d’attrayant. Sans ce public qui, quand il est là, est une force, il n’y a plus rien pour te pousser. Cela se sentait encore plus dans une affiche telle qu’une rencontre Sion-Servette…"

Et Eric Pédat de conclure: "Ce huis clos nous avait ramené à une immense impression de fragilité. On se sentait perdus, fragiles, sans soutien, comme fébriles. Au moins, lorsque les fans sont là, tu sens quelque chose derrière toi qui te rend solide ou qui te donne le sentiment de l'être. En réalité, au coup de sifflet final, nous étions tous contents que cela soit terminé." Un sentiment partagé par Gregory Duruz: "Moi aussi, j’étais très heureux que ces nonante minutes soient derrière moi."

Arnaud Cerutti, @arnaud_cerutti

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Classement de Super League Matches Diff. Buts Points
1. Young Boys 36 80 : 41 76
2. Saint-Gall 36 79 : 56 68
3. Bâle 36 74 : 38 62
4. Servette 36 57 : 48 49
5. Lugano 36 46 : 46 47
6. Lucerne 36 42 : 50 46
7. Zurich 36 45 : 72 43
8. Sion 36 40 : 55 39
9. Thoune 36 45 : 67 38
10. NE Xamax FCS 36 33 : 68 27