Après la pause forcée du printemps, le football suisse se trouve à nouveau au repos, mais pour de bonnes raisons, cette fois-ci. La Swiss Football League (SFL) a pu mener à bien une fin de saison disputée au sprint au sortir d’une crise qui a fait vaciller les clubs. Si Neuchâtel Xamax a rompu, emporté en Challenge League (notamment) par ses erreurs de management, d’autres ont fini leur exercice avec le sourire. C’est le cas des Young Boys, champions de Suisse pour la 3e fois de rang après avoir pourtant passé les 30 années précédentes avec l’étiquette de "losers" sur le dos. C’est le cas, aussi, du FC Saint-Gall, qui a séduit aux quatre coins du pays et a failli décrocher la timbale. Ou encore du Servette FC, au football chatoyant et aux idées offensives. Sur le plan individuel, plusieurs joueurs ont également marqué les esprits. Petit bilan d’une saison qui, dans les livres d’histoire, demeurera - souhaitons-le! - comme aucune autre.
LE JOUEUR DE LA SAISON
Qui d’autre que Jean-Pierre Nsame peut prétendre à ce titre? La question est posée, et même si quelques joueurs ont forcément des arguments à faire valoir, aucun ne présente le bilan de l’attaquant d’YB, auteur de 32 buts en autant de sorties, soit plus du tiers des réussites de son équipe. Très largement meilleur buteur du championnat, le Camerounais a dégoûté toutes les défenses et les différences qu’il a su faire ont justement permis à ses couleurs de souffler le titre au FC Saint-Gall. Véritable "clutch player", Nsame revient de loin, de très loin, après l’affaire personnelle qui aurait pu anéantir sa carrière avant qu'il ne rejoigne Genève. Relancé par le Servette FC, il a ensuite grandi à Berne dans l'ombre du génial Guillaume Hoarau, puis il s'est exposé seul en pleine lumière. Solide face à la pression, grand devant les défis, "Jipé" est mûr pour aller voir ailleurs. Sa trace dans l’histoire du foot suisse est solidement ancrée.
L’EQUIPE DE LA SAISON
Même si YB est le grand gagnant de l’exercice, notamment car il a su se maintenir au sommet malgré la saignée dont il avait été victime l'été dernier et car il s'est montré "tueur" dans les bons moments, on a tous eu un petit coup de cœur pour ce FC Saint-Gall, audacieux, joueur et séduisant. Et qui, avec un banc un peu plus profond, aurait peut-être pu créer l’exploit, 20 ans pile-poil après la quête de Jörg Stiel et Cie. Bien "managés" par Alain Sutter et Peter Zeidler, drillés par des dirigeants compétents et conduits par des joueurs talentueux, dont quelques jeunes qui promettent beaucoup, les "Brodeurs" ont marqué les esprits. Il leur a juste manqué un peu de souffle et d’expérience pour renverser la table au sommet de la Super League. Il est toutefois clair que, désormais, plus personne n’ignore qui sont Jordi Quintilla, Ermedin Demirovic ou encore Cedric Itten. A voir maintenant si le FCSG peut aller voir encore plus loin, plus haut et plus fort en 2021.
L’EQUIPE ROMANDE DE LA SAISON
Le Servette FC, pardi! Alors bien sûr, au rayon romand, il n’y avait pas beaucoup de concurrence au vu du cinglant échec de Neuchâtel Xamax et des errements du FC Sion, mais ce qu’ont réussi les Genevois est remarquable. Néopromus, ils sont parvenus à aller chercher l’Europe sans jamais jouer petit bras. C’est au contraire en osant aller de l’avant et en proposant du jeu que les hommes d’Alain Geiger ont trouvé leur salut, recueillant même les louanges de tout le pays pour leur propension à jouer au football, là où d’autres auraient "parqué le bus" en attendant. Là est tout leur mérite ainsi que celui du technicien valaisan, qui a su fermer toutes les bouches en moins de deux ans. Chapeau! Que Servette en soit là aujourd’hui est d’autant plus fort si l’on regarde sa fin de saison, compliquée sur le plan défensif. Aux Genevois, maintenant, de gérer au mieux l’intersaison afin que leur 2e exercice dans l’élite, souvent considéré comme le plus dangereux, soit du même acabit.
LE GARDIEN DE LA SAISON
Difficile de départager David von Ballmoos (YB), Jonas Omlin (FC Bâle) et Jérémy Frick (Servette FC). Tous trois ont en effet été décisifs dans la bonne saison de leur équipe. Mais, parce qu'il était néopromu et dirigeait une défense inexpérimentée à ce niveau, le gardien servettien mérite une mention. Tout au long des trois premiers tours, il s'est comporté en véritable patron dans sa cage. Si sa fin de championnat a été difficile, c'est surtout parce que le SFC, en manque de profondeur de banc, a fini sur les rotules, cramé. Frick, lui, a maintenu le niveau. Et ce n'est pas un hasard si Montpellier ou YB ont un oeil sur lui. Quant à von Ballmoos, il a fait preuve de la même solidité que lors du précédent exercice. Omlin aussi. Tous deux se voient également dragués par des clubs étrangers. Preuve que, même lorsqu'ils n'évoluent pas en Bundesliga (Bürki, Hitz, Mvogo, Sommer...), les gardiens suisses ne sont pas des manches. Notons enfin que Lawrence Ati Zigi, portier de Saint-Gall aussi mérité d'être cité, mais il n'est arrivé en Suisse qu'à la mi-saison.
LES PETITES REVELATIONS
Cette saison a été pimentée par quelques petites révélations. Parmi elles, les joueurs du FC Saint-Gall dont on a déjà parlé – Quintilla, Itten, Demirovic, mais aussi Letard, le jeune capitaine Hefti ou les Genevois Guillemenot et Ribeiro -, le brillant Miroslav Stevanovic (Servette FC), lequel avait déjà émerveillé la Challenge League, mais aussi Jordan Lotomba (Young Boys), Vaudois pétri de talent qui a anéanti la France M21 et s’apprête à découvrir la Ligue 1 avec l’OGC Nice, et le néo-international Michel Aebischer, qui s'impose comme un pilier des BSCYB. Des joueurs, jeunes et moins jeunes, à suivre la saison prochaine.
LE POISSARD
Le terme de "poissard" n’est peut-être pas le bon, mais peu importe: il est difficile de ne pas avoir un petit pincement au cœur pour Raphaël Nuzzolo. Malgré ses 37 printemps, le No 14 neuchâtelois s’est en effet démené comme un beau diable pour que son club se maintienne. Hélas, ses coéquipiers n’ont pas été en mesure de suivre ses pas. Du coup, les 13 buts et 7 assists de "Nuzz" n’auront servi à rien, ou presque. Quatre ans après son retour à la Maladière, le vétéran retrouve la Challenge League. Il aurait tellement mérité de passer une saison de plus dans l’élite…
LE SAUVEUR
Pajtim Kasami. Eh oui, c'est lui, et presque lui seul (mais ajoutons Kevin Fickentscher dans le lot), qui a sauvé le FC Sion du marasme. Le champion du monde 2009 des M17 a montré sa force de caractère en étant l'homme fort des Valaisans au moment opportun. Il rappelle au passage qu'il est pétri de talent et que sa carrière, si prometteuse, aurait dû le porter loin de la Super League et d'une lutte pour le maintien. Désormais âgé de 28 ans, le Zurichois a sans doute laissé passer le train de la gloire, mais il a encore pas mal de choses à revendre et à démontrer. Reste à souhaiter que, du côté de Tourbillon, on n'oubliera pas de lui ériger une statue pour les services rendus en cette fin de saison.
LE FLOP 1
Neuchâtel Xamax, forcément. Tout est allé de travers chez les Rouge et Noir, qui ont donné l'impression d'avoir scié leur propre branche depuis leur maintien miracle de la saison précédente. Le recrutement, qui se voulait intelligent, s'est montré incohérent. La jeunesse peut avoir du bon, mais quand le talent n'est pas au rendez-vous, cela rend les choses plus compliquées. Y compris pour un coach prometteur comme semblait l'être Joël Magnin à l'entame de la saison. En passant dix mois cauchemardesques sur le banc de la Maladière, l'ancien joueur de GC a non seulement vécu une 1re expérience terrible au plus haut niveau, mais aussi hypothéqué la suite de sa carrière de technicien. Espérons pour lui qu'il bénéficiera d'une nouvelle chance, plus tard. Pour le Xamax de Jean-François Collet en revanche, les affaires ne sont pas rassurantes. Le train de la remontée sera difficile à saisir.
LE FLOP 2
Il s’agit du FC Sion sachant quels étaient ses espoirs (européens, si ce n'est plus élevés...) d’avant-saison. Alors certes, les pensionnaires de Tourbillon ont évité les barrages, mais leur exercice 2019/2020 a été terrible. Comme d’habitude, le club valaisan a voulu viser haut mais il s’est brûlé les ailes. A force, ce n’est plus de la maladresse ni de la malchance, puisque quels que soient les entraîneurs ou les joueurs en place, le FCS n’arrive pas à relever la tête.
Arnaud Cerutti - @arnaud_cerutti